L’ensemble vocal Sussistinako a fait vibrer les étrangetés de l’art vocal à la Bibliothèque des Champs libres. Les musiciens ont interprété un programme aussi adroit que mordant faisant la part belle à la présence de nos amis les bêtes  dans la musique des hommes…

 

Ne vous posez plus de question quand à la signification du nom du groupe, il est issu d’une œuvre de Karlheinz Stockhausen, « stimmung » (atmosphère) et évoque une des divinités qui y figure. Les membres du groupe sont tous issus d’une autre formation « CHOREA » et ont choisi d’évoluer de manière indépendante pour se concentrer sur les musiques de la seconde moitié du XXe siècle qui suscitent leur intérêt.

Sussistinako, en concert, aux champs libresCapable d’évoluer dans un très large répertoire vocal incluant Clément Jannequin, Josquin des prés ou Adam de la halle, c’est plutôt dans un registre plus résolument contemporain que s’exprime habituellement l’ensemble vocal Sussistinako, aussi avons-nous été un peu surpris d’entendre le nom de Gesualdo figurer au programme. Après coup, le choix des morceaux s’est avéré adroit et finement pensé.

Le but étant de montrer ce que peut produire ce type de formation, ses chanteurs, par ailleurs tous professeurs de musique, proposent un récital aux sonorités étranges, aux voix entremêlées, ou l’on perd totalement le fil de la mélodie pour enfin accepter de se laisser emporter par les sons et développer ses propres images mentales. Le thème de la soirée, « l’animal acteur de la musique des hommes » apporte une grille de lecture un peu plus explicite.

Le programme est sans équivoque :

Sussistinako, concert , Champs LibresFables sans morale d’après Léon Battista Alberti sur une musique de Jacobus Gallus :
Anseris est giga, chacun s’égosille selon son naturel…
Currit parvus leppulus, le petit chevreau dit : qu’ai-je fait pour que les nobles chiens me fuient ?
Linquo coax : La pie de délecte de son propre bavardage…
Arditta zanzaretta : Hardi moustique, de Carlo Gesualdo.
Le Cygne : Paul Hindemith, d’après six chansons de Reiner Maria Rilke
Colombe blanche : D’Alexandros Markéas d’après des textes de Pétrarque traduits par Aragon.
Le quadrille des homards et A long tail (tail) de Ligeti.
La Caccia, D’Alessandro Striggio.

Rien de banal dans ce qui nous est proposé, partant de discrètes mélopées les voix passent ensuite à de véritables imprécations, des plaintes, des aboiements, tout un langage auquel nous devons impérativement nous laisser aller afin d’en trouver la cohérence. Un concert de Sussistinako est en soi une véritable initiation ou l’art du Madrigal nous est expliqué sans être limité à la période de la Renaissance. La preuve en est apportée puisqu’il inspirera des musiciens comme Paul Hindemith (Le cygne) ou Le Hongrois Gyorgy Ligeti (Two Nonsense Madrigals, d’après Lewis Carroll), peu soupçonnables d’être moyenâgeux.

C’est une véritable découverte. En outre c’est avec pédagogie et humour qu’Yves Krier nous guide dans cet univers au bestiaire tapageur. Expérience déstabilisante, sans doute, mais aussi fascinante, l’entremêlement des voix nous conduit assez fréquemment à « décoller » et s’il est un hommage qu’il faut rendre à cette formation, c’est la précision des attaques, l’exactitude des nuances, en un mot l’exigent professionnalisme de chacun des membres. Il est assez divertissant de les voir régulièrement se recadrer eux-mêmes en appuyant sur leur tempe un diapason.

À tout seigneur tout honneur, aussi est-il juste de les citer tous. Sussistinako est composé de Bernadette Brand, Mélanie Panaget, Cécile Dallavalle, Lilian Duault, Éric Laurendeau et Yves Krier.

Un concert coproduit par l’association Rhizome et les Champs Libres
Si vous souhaitez en savoir un peu plus vous obtiendrez tous les renseignements nécessaires sur : sussistinako.egeon.info



Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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