Le collectif Sous le manteau révèle sa première création Monstro dans le cadre du festival TNB du jeudi 7 novembre au samedi 9 novembre 2019, au Triangle – Cité de la danse. Sept acrobates, six nationalités et 32 dates au compteur depuis janvier 2019. Pour la première fois à Rennes, le collectif Sous le manteau propose un véritable manifeste artistique autour de la discipline du mât chinois. Rencontre avec les acrobates Valia Beauvieux et Anatole Couety.

 
collectif sous le manteau monstro
Collectif Sous le manteau, de gauche à droite : Catarina Dias, Simon Toutain, Anatole Couety, Lisa Lou, Benjamin Kuitenbrouwer, Jesse Huygh, Cathrine Nielsen, Valia Beauvieux et Clara Marchebout © Valia Beauvieux

Créé en 2017, le collectif Sous le Manteau réunit les acrobates venus d’horizons différents, mais avec une spécialité commune, le mât chinois : Catarina Dias (Portugal), le musicien Simon Toutain (France), Anatole Couety (France), Lisa Oedegaard (Norvège), Benjamin Kuitenbrouwer (Pays-Bas), Jesse Huygh (Belgique), Cathrine Lundsgaard Nielsen (Danemark) et Valia Beauvieux (France). À leurs côtés dans le projet, Laurence Edelin, administratrice de production et une équipe technique composée de Clara Marchebout et Maxime Burochain.

https://vimeo.com/308398743

Unidivers – À l’origine, le mât chinois se pratiquait en collectif à deux mâts avant d’être repris par le cirque contemporain pour une pratique plus soliste. De quelle manière le collectif Sous le manteau s’est approprié la discipline ?

Valia Beauvieux – Traditionnellement, le mât chinois sort des écoles militaires chinoises de cirque. Ils formaient de grands groupes et exécutaient en moyenne une figure. À tour de rôle, ils montent, font une position gymnique, un transfert sur le deuxième mât et redescendent, ainsi de suite. Cette version du mât chinois a tourné un peu partout dans le monde avant que le cirque contemporain ne se l’approprie. Un des mâts a été retiré avec l’ajout de la danse, du théâtre, du mouvement pour une technique acrobatique plus proche du cirque que l’on nous enseigne aujourd’hui à l’école.

La discipline est principalement pratiquée en soliste, mais nombre d’acrobates en école supérieure commencent à se la réapproprier de façon traditionnelle en intégrant une dimension contemporaine. Avec ma première compagnie Sisters – formé à ma sortie de l’université de Doch (Stockholm, Suède) – on a créé un langage en pratiquant le double mât en trio (Jesse Huygh, Valia Beauvieux et Benjamin Kuitenbrouwer sont à l’initiative du projet Sous le manteau qui voit le jour en 2017, NDLR). La plupart des artistes du collectif avaient déjà pratiqué en solo, mais on a décidé d’aller plus loin et ne pas se contenter de deux mâts, mais de sept.

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© Albertine Guillaume

Unidivers – Comment transformer une pratique solitaire en expérience collective quand on est sept individualités donc sept réappropriations différentes ?

Anatole Couety – La transition s’est opérée en testant à plusieurs des combinaisons réalisées seuls. Par la suite, on a imaginé des formes qui demandaient la présence de plusieurs personnes, notamment en explorant les espaces entre les mâts. On s’est demandé comment inventer une technique qui ne fonctionne qu’à plusieurs, en particulier avec des systèmes de contre-poids. Sans les mains et le poids des autres, on ne grimpe pas.

« Les mâts sont utilisés comme des points d’appui afin de créer des sauts, des combinaisons et des chorégraphies aériennes à plusieurs », Anatole Couety

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© Albertine Guillaume

Valia Beauvieux – Le premier concept était de réussir à performer à plusieurs sur un mât avec des images comme les contre-poids ou la grappe.

Le second, c’est la définition du mât chinois. L’acrobate est prisonnier par la gravité avec le mât soliste, on descend plus vite qu’on ne monte. Le collectif a voulu casser cette idée. Plutôt que de ne travailler qu’à la verticale, on a voulu changer sa géométrie et pratiquer à l’horizontale. Le fait de multiplier les mâts permet de se déplacer à plusieurs à la même hauteur. Le système de plateforme en haut du mât permet d’habiter les hauteurs et de rester perché alors qu’un autre acrobate performe en bas. On peut aussi ne pas toucher le sol. Tous ces concepts tournent autour de notre recherche acrobatique et ont été mis au service de ce premier spectacle, Monstro.

https://vimeo.com/308398702

Unidivers – Vous ne pouvez parler pour l’ensemble du collectif, mais pourquoi cette discipline en particulier ?

Anatole Couety – Je viens de la danse et j’avais envie de prendre de la hauteur. Le mât permet justement cette hauteur sans perdre le lien au sol. C’est un prolongement vertical du sol. Je me sentais à l’aise à développer un rapport dansé au mât.

Valia Beauvieux – C’est un peu différent pour moi. Je cherchais à prendre de la hauteur sans avoir le vertige. J’avais pratiqué le trapèze volant et d’autres disciplines où le vide est réellement sous nos pieds, mais au début de ma formation à 15 ans, j’avais peur de la hauteur. Le mât est une des seules disciplines assez aériennes où on reste solidement ancré au sol. J’ai appris le mât soliste pendant trois ans. J’y ai développé le sol, le travail acrobatique et le langage de base du mât contemporain. Arrivé à Stockholm, je me suis mis en trio avec deux acrobates du mât chinois et un prof m’a enseigné la discipline traditionnelle, un peu à la baguette. Comme j’avais déjà exploité le mât, je m’étais un peu libéré de cette peur d’une certaine façon. L’espace avec les deux mâts est simple à appréhender, il ne s’agit que des repères.

Dans Monstro, je joue avec la hauteur et dénie cette peur en me bandant les yeux. Ne rien voir amenuise la peur (rires).

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© Albertine Guillaume

Unidivers – Étymologiquement, le mot monstre recouvre différentes significations. Quels monstres se cachent derrière Monstro ?

Anatole Couety – Nous privilégions deux aspects. Le premier monstre, c’est l’individu. Pour le groupe auquel il est confronté, il devient un monstre dans la mesure où il jugule le développement collectif. Pour l’individu, le groupe est un monstre, car il tend à gommer les spécificités personnelles. D’un côté se trouve l’ego et de l’autre la dynamique du groupe, une machine qui peut devenir une broyeuse d’ego. Dans chacune de nos personnalités, des facettes monstrueuses ou surprenantes peuvent émerger, simplement car elles sont méconnues ou qu’elles surgissent à un moment inattendu.

« Monstro est le manifeste du collectif. C’est sa fondation. Hors son aspect autobiographique c’est le résultat de la rencontre d’individus très différents qui ont envie de faire ensemble », Valia Beauvieux

Valia BeauvieuxMonstro est une façon de se confronter directement à l’individualisme croissant de la société en faisant masse ensemble, six nationalités et écoles différentes qui défendent ce qui s’écroule actuellement, l’Europe. On a rapidement tendance à s’oublier en groupe. Chacun a dû dire au revoir à son individualité au profit de la collectivité, tout en se la réappropriant avec une bienveillance face au groupe. C’est de ce monstre-là dont il s’agit dans Monstro.

Je pense que le collectif est arrivé au bout de cette bienveillance aujourd’hui, c’était l’objectif de ce travail. Dans un documentaire sur la jeune école du TNB, un professeur explique à juste titre : « Il va falloir travailler ensemble et trouver cette bienveillance afin de tout vous permettre entre vous et faire de votre groupe une force ».

Unidivers – Pensez-vous avoir trouvé cette force ?

Valia Beauvieux – L’écriture est fragile, mais oui. Être huit auteurs au plateau est un pari énorme pour une première création. On s’est entouré du mieux possible et on est très fiers du résultat. On a très envie de faire évoluer cette force avec un deuxième projet.

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© Albertine Guillaume

Unidivers – Les personnalités jouant, n’est-ce pas compliqué de concevoir un spectacle à sept ?

Valia BeauvieuxSous le manteau s’est formé sur la base d’une rencontre. Une quinzaine d’acrobates se sont retrouvés autour d’un projet dans l’idée d’être et de faire ensemble sur deux laboratoires (temps essentiel de réflexion pour constituer les directions fondamentales de création, NDLR). Nous étions huit avec le musicien Simon Toutain pour les deux laboratoires.

Anatole, Simon et moi nous connaissons depuis plus de vingt ans. Le hasard a fait qu’Anatole et moi pratiquons respectivement le mât. J’ai rencontré Jesse Huygh en Suède pendant mes études. Il a été le professeur de Monki (alias Benjamin Kuitenbrouwer) et j’ai été moi-même son intervenant artistique à l’école Codarts (Rotterdam, Hollande) une fois.

La parité était également une volonté de départ. Des femmes très compétentes pratiquent le mât chinois et c’est elles qui vont m’amener là où je ne serais pas allé. C’est source d’enrichissement et on a beaucoup à y gagner. Aujourd’hui de plus en plus de femmes le pratique dans les écoles et d’une certaine façon, peut-être ouvrons-nous la voie en étant fort de notre pluralisme.

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© Albertine Guillaume

Unidivers – Comment avez-vous travaillé l’ambiance musicale de Monstro ? À quel moment Simon Toutain alias Saï-T entre t-il dans le processus créatif ?

Valia Beauvieux – Simon est arrivé dès les premiers laboratoires et cartes blanches. Nous voulions un autre média qui accompagne le projet, mais être musicien dans ce contexte est complexe. Il ne vient pas d’une formation spécifique au théâtre, au cirque ou à la danse. Il lui a fallu un temps d’observation et un accompagnement extérieur. Être compositeur et se retrouver face à sept auteurs ne doit pas être simple.

Anatole Couety – Simon est un autodidacte. Il vient du jazz, de la soul avec également une production hip hop. Il se confronte pour la première fois au spectacle vivant avec Monstro. Il se retrouvait parfois à défendre son média face à sept entités, chacune avec sa propre vision des choses.

Valia Beauvieux – En un an, neuf semaines de laboratoire et douze semaines de création, il a dû faire le tri de la matière accumulée. Au même titre que le spectacle, le travail qu’il a fourni pour Monstro est un manifeste. Être porteur de projet est difficile, mais c’est l’essence du collectif.

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© Albertine Guillaume

Unidivers – Le collectif Sous le manteau semble amené à évoluer. Comment envisagez-vous l’avenir ?

Valia Beauvieux – On en discute énormément en ce moment. On ne souhaite pas que ce collectif soit tenu et dirigé par ses co-fondateurs. On souhaite une certaine ouverture afin de s’enrichir et ne pas stagner….

Anatole Couety – La réunion d’acrobates au mât chinois et la création de spectacles autour de cette discipline constitue l’identité du collectif. Il a le visage des créateurs du collectif et de ceux qui le portent actuellement, mais le réel auteur est le collectif, une entité à part entière.

Valia Beauvieux – S’installer en Bretagne amène aussi à interroger la question du territoire. Pour Anatole, Simon et moi, que signifie rentrer chez nous avec un projet artistique ? Quand sera la prochaine rencontre avec ces acrobates au mât chinois qui ont envie d’échanger avec nous ou de se joindre au collectif ? Quelle forme prendra t-elle ? etc.

Quatre laboratoires ont eu lieu dans quatre endroits différents, peut-être est-il temps de trouver une forme de laboratoires en Bretagne … Nous sommes dans une phase d’observation. Des collectifs comme Galapiat Cirque et Ay Roop (Rennes) ont œuvré pour le cirque et l’ont défendu. Le TNB accueille une forme circassienne dans un festival principalement de théâtre. Nous sommes encore des bébés, on a envie de trouver une place et d’être accueillis chez nous.

Anatole Couety – Plus qu’une prochaine création, il s’agit de mettre les pieds dans le territoire par la rencontre des publics. C’est en passant par ces étapes que l’on va nourrir cette future création. On a des idées bien sûr et on a envie de retourner en labo afin de continuer l’expérience, mais cette réflexion est importante.

Unidivers – Je vous remercie Anatole Couety et Valia Beauvieux.

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© Albertine Guillaume

Monstro – Le collectif Sous le manteau
Jeudi 7 novembre, 19h30 / vendredi 8 novembre, 19h30 / samedi 9 novembre, 16h30 – Triangle, Cité de la danse.

Réservez vos place sur le site du TNB

BIOGRAPHIES – LE COLLECTIF SOUS LE MANTEAU
(source)

Jesse Huygh (Belgique) : Petit, flexible et insensible à la douleur, il aime se brûler au mât chinois en se retrouvant dans d’impossibles positions. Sortant de la formation de l’ESAC (Bruxelles) en 2011, il a travaillé avec des compagnies internationales comme le Cirque Eloize, Casus et No Fit State. Il développe un grand vocabulaire de techniques rares et improbables.

Cathrine Lundsgaard Nielsen (Danemark) quitte sa forêt scandinave pour découvrir le cirque à Barcelone (Rogelio Rivel), et poursuit sa formation à Rosny-sous-Bois (ENACR) où elle découvre le mât chinois et les pains au chocolat. Atterrissant au CNAC, elle développe sa recherche artistique sur, sans et autour du mât. Elle poursuit son chemin en intégrant en 2015 la compagnie de théâtre de Séverine Chavrier, avec le spectacle Apres Coups Un Femme 2°.

Entre animal agile et être humain pensif, Valia Beauvieux (France) saute entre les mâts, il est à la recherche constante de ses limites corporelles. Co-fondateur de la compagnie Sisters, Lauréat Circus Next en 2012 et Prix du Jury au Festival Mondial du Cirque de Demain. Il se forme à l’université de DOCH en Suède après trois ans au lycée cirque de Châtellerault. Avec son énergie contagieuse, il est une des forces directrices de tous les projets qu’il entreprend. Avoir le bras long peut s’avérer utile, mais un grand corps peut aussi être une difficulté pour l’acrobate.

Anatole Couety (France) se sert de ses amplitudes pour remplir l’espace et jouer avec contraste sur le mât. Formé à Balthazar et diplômé de l’académie Fratellini, il entretient un lien étroit avec les danses hip-hop. Anatole à déjà travaillé en duo avec Lisa Oedegaard au cours de la dernière création de la Cie Les Colporteurs.

Lisa Oedegaard alias Lisa Lou (Norvège) combine une double identité de viking et de ninja. Elle fait ses premiers pas à l’AFUK (Copenhague), puis au Lido de Toulouse où elle sort en 2014. Elle combine sa bipolarité en scène avec sa pratique acrobatique au mât chinois. Elle a rejoint la compagnie Les Colporteurs pour leur nouvelle création « Sous la toile de Jheronimus ».

Monki alias Benjamin Kuitenbrouwer (Pays-bas) pense depuis sa naissance qu’il est un singe. Se différenciant des humains qui l’entourent, il cherche à les comprendre. Après des études de japonais à l’Université, il apprivoise la technique au double mât chinois à Rotterdam (Codarts) où il sort en 2014. Diplômé comme un humain, il vit comme un singe.

Catarina Dias (Portugal) est acrobate philosophique et femme gracieuse. Elle fait ses premiers pas à l’école de cirque de Lisbonne où elle découvre le mât chinois. Poursuivant sa formation à Rosny-sous-Bois puis le CNAC où elle rencontre Cathrine. Le duo devient alors inséparable. Pendant ses trois ans à Châlon, Catarina développera sa recherche avec un mât qui tourne.

Simon Toutain alias Saï-T (France) se revendique comme « beat-maker », ce qui consiste à taper avec style sur une boîte à rythme tel que la MPC pour créer de la musique. Il est donc compositeur de musique électronique qu’il combine avec son ordinateur avec une grande ponctualité des détails. Multi-instrumentiste, il excelle particulièrement avec la guitare à l’ambiance funk, soul et jazz. Son côté versatile lui permet de s’adapter rapidement aux propositions collectives.

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