Un corps, un coeur entre deux mondes, de la Casamance à Aulnay-sous-bois, du Sénégal à la France, Yancouba Diémé nous livre Boy Diola, un premier roman particulièrement émouvant.

Boy Diola

« Boy Diola », c’est ainsi qu’on appelait le villageois de Casamance venu à Dakar pour trouver du travail. Ce villageois, c’est toi, mon père, Apéraw en diola. À force de côtoyer de trop près la souffrance, tu as décidé de partir.

Apéraw, père du narrateur, a dû quitter son monde, son quotidien, ses attaches, son Afrique aimée et respectée parce qu’elle n’était plus assez nourricière. Il y devenait trop complexe non d’y vivre, mais d’y survivre. Il est venu grossir les chaînes à produire des voitures des usines Citroën d’Aulnay-sous-Bois, en région parisienne – ces unités de production aujourd’hui désertées au profit de la délocalisation. Et cela ne s’est pas fait sans douleur. L’accueil des migrants, même antan, n’a jamais relevé d’une sinécure. Le quotidien était voué au travail, et souvent seulement au travail, pour pouvoir envoyer un peu d’argent à la famille qui crevait de faim au village en proie à la sécheresse et parfois aux guerres ethniques. Trouver sa place dans la société française encore empreinte de relents colonialistes n’est pas aisée. Loin de là. C’était le cas hier, est-ce encore ainsi aujourd’hui ? Pas si incertain n’est-ce pas ?

Site PSA Aulnay-sous-bois
Vue aérienne du site de l’ancienne usine PSA à Aulnay-sous-bois (aujourd’hui délocalisée).

C’est avec un certain recul, une analyse précise, une forme d’humour bien à lui, que ce jeune auteur, Yancouba Diémé aborde les thèmes de l’arrachement, de l’importance des racines, de la difficulté à s’adapter (même si c’est le propre de l’homme), de l’évidence de la transmission, du respect des traditions et d’une certaine forme de bonté qui tient les hommes debout quand leur monde s’écroule par trop de souffrance autour d’eux.

Casamance
Campement en Casamance. Source: Explore le monde.

Tous les personnages sont beaux, lumineux, solaires et donnent toute la puissance au récit. On demeure, après la dernière page, admiratif du parcours du héros, au-delà des vagues qu’il a traversées (vagues physiques, psychologiques, affectives). Construit comme une odyssée, on est tiraillé sans cesse entre l’Afrique et l’Europe occidentale, entre les couleurs chamarrées terres rouges et le béton gris qui attriste et entoure Paris. La force de ce récit réside aussi dans ses silences, dans les non-dits, lesquels demeurent plus criants que jamais.

Une performance littéraire !

Boy DiolaYancouba DIEME – Éditions Flammarion – 192 pages. Parution : 28 août 2019. 17,00 €.

Couverture : © Coulon/Tendance Floue – Photo auteur Yancouba Diémé © Pascal Ito

Feuilletez le livre ici.

Yancouba Diémé
Yancouba Diémé. Photo Pascal Ito © Flammarion

Yancouba DIEME est né en 1990 à Villepinte, en banlieue parisienne. Diplômé du Master de Création littéraire de l’Université Paris 8 en 2015, Boy Diola est son premier roman.

Christophe Maris
Christophe Maris est journaliste et écrivain, agrégé de Lettres modernes. Il collabore à plusieurs émissions de TV et radio et conçoit des magazines pour l'enseignement où il a oeuvré une quinzaine d'années en qualité de professeur de lettres, d'histoire et de communication.

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