Crieurs du crime : la Belle Époque du faits divers est une bande dessinée captivante qui nous entraîne dans le Paris fébrile de 1907, à l’heure où le fait divers devient un véritable phénomène de société. Portée par le scénariste Sylvain Venayre et le dessinateur Hugues Micol, cette œuvre saisissante prend pour point de départ un événement tragique : la disparition de la petite Marthe Erbelding, 11 ans, aux abords du Ba-ta-clan, une célèbre salle de spectacle parisienne.
Lorsqu’on retrouve le corps de l’enfant, l’émotion populaire est immense, attisée par une presse avide de récits sensationnels. L’assassin, Albert Soleilland, finit par avouer son crime, et la France entière, bouleversée, réclame son exécution. À travers cette affaire Soleilland, devenue emblématique, les auteurs interrogent avec une grande finesse la naissance du sentiment d’insécurité dans la société française, à un moment où la presse connaît son âge d’or. Chaque planche de Crieurs du crime est une réussite visuelle : Hugues Micol restitue avec un sens inouï du détail l’atmosphère des rues de Paris, les kiosques bruissant de nouvelles, les tribunaux envahis par la foule.
Sa palette de couleurs, toute en subtilité, évoque les affiches anciennes et les gravures de journaux illustrés. Le lecteur est transporté dans une époque où les faits divers font l’objet d’une mise en scène presque théâtrale, où les crieurs de journaux haranguent les passants pour vendre l’émotion brute. La narration de Sylvain Venayre est d’une remarquable intelligence : en donnant corps à Valentin, jeune journaliste fictif qui suit l’affaire de près, il nous plonge dans les mécanismes de fabrication de l’information et dans les tensions morales qui animent ceux qui la produisent.
À travers cette figure de « scribouillard », c’est toute l’ambiguïté du rapport entre presse et justice populaire qui est explorée. Crieurs du crime : faits divers à la Belle Époque est bien plus qu’un récit historique, c’est une réflexion sur les origines de la culture médiatique contemporaine, sur le rôle de l’émotion dans la formation de l’opinion publique, et sur l’émergence d’une peur diffuse de l’autre dans une société en pleine mutation. Entre reconstitution minutieuse, tension dramatique et profondeur d’analyse, cette bande dessinée constitue une œuvre majeure et inoubliable, saluée par la critique dès sa parution aux Éditions Delcourt en septembre 2024.
La recommandation de Faites-moi lire est une coproduction Champs libres-TVR-Unidivers.fr, présenté et rédigé par Nicolas Roberti en collaboration avec les bibliothécaires de la bibliothèque des Champs libres où vous pouvez consulter cet ouvrage.
