Jeudi 16 avril, le professeur Luc Montagnier, biologiste virologue, co-découvreur du VIH (SIDA), prix Nobel de médecine, accrédite l’hypothèse que le nouveau coronavirus (covid 19) serait le fruit pourri d’une tentative malheureuse de chercheurs chinois de créer un vaccin contre le VIH.

(Mise en garde) Dans le climat anxiogène et l’incertitude liés à la crise sanitaire que le monde traverse, il convient plus que jamais de garder son sang froid et l’esprit clair. Une certaine distance critique avec les affirmations à contre-courant du Pr. Luc Montagnier parait alors de mise. Pour autant, il serait intellectuellement et médiatiquement inéquitable de taire ses propos. En effet, bien que figure singulière dans le monde de la recherche, voire, pour certains, chercheur fourvoyé, irrationnel et contestable, le Pr Luc Montagnier peut se prévaloir du prix Nobel de Médecine 2008 pour la co-découverte avec Françoise Barré-Sinoussi du VIH à l’origine de l’épidémie de SIDA. D’où la présente mise en perspective de ses propos.

vih
Structure du VIH

Dans cette période troublée par le coronavirus SARS-CoV-2, les questionnements autour de l’origine du virus déchaînent les passions, notamment sur les réseaux sociaux. Si la très large majorité des scientifiques soutiennent la thèse* de la transmission d’origine animale (chauve-souris ou pangolin), quelques-uns formulent l’hypothèse d’une manipulation artificielle par l’homme. Une thèse qui fait fureur dans les milieux de tendance complotiste. En résumé, un laboratoire de haute sécurité (Pathogène de classe 4) à Wuhan, spécialisé dans la recherche virologique, aurait laissé s’échapper – volontairement ou accidentellement (des failles de sécurité ont été relevées dès 2018 par l’ambassade des États-Unis à Pékin) – le Covid 19 – un virus artificiel ou naturel mais modifié. C’est la thèse que Luc Montagnier soutient dans son entretien en date du 16 avril avec le Dr Jean-François Lemoine pour le journal audio quotidien de Pourquoi Docteur.

Luc Montagnier
Luc Montagnier

« Ce virus est sorti du laboratoire parce qu’il a échappé à ses promoteurs, c’est un travail d’apprenti-sorcier ! » Selon Luc Montagnier, le Covid 19 serait une production virale porteuse de séquences du VIH – en lien avec la recherche d’un vaccin contre le SIDA – qui aurait échappé des mains des chercheurs du labo chinois spécialisé de Wuhan. Sur quoi se fonde-t-il pour étayer cette double affirmation ?

« Avec mon collègue, le biomathématicien Jean-Claude Perez, nous avons regardé de près la description du génome de ce virus à ARN ». Or, le nouveau coronavirus contiendrait des séquences du VIH. Une telle combinaison ne pourrait être produite par la nature, selon les deux scientifiques qui se démarquent ainsi de l’analyse prévalante**.

Elle ne saurait être que le produit d’une manipulation humaine : « Pour insérer une séquence de VIH dans ce génome, il faut des outils moléculaires », explique Montagnier afin de justifier son propos mais sans pour autant désigner précisément quelles séquences seraient le fruit d’une manipulation. D’ailleurs, « des chercheurs indiens avaient déjà tenté de publier les résultats d’analyses montrant que ce génome abritait des séquences d’un autre virus qui est… le VIH, le virus du SIDA, mais ils ont été obligés de se rétracter, les pressions étaient trop fortes ! »

coronavirus

Bon, mais après ? L’analyse et la réponse du Pr Montagnier sont ni chair ni poisson : « la nature n’admet pas n’importe quelle construction moléculaire, elle élimine ces corps étrangers […] même si on ne fait rien, les choses vont s’arranger, mais après beaucoup de morts… » Une perspective qu’à demi rassurante… Aussi Luc Montagnier propose-t-il une solution à ses yeux prometteuse : grâce à « des ondes interférentes, on pourrait éliminer ces séquences ».

In fine, il balaie d’un revers de manche la suspicion de complotisme à son égard : « De toute façon, la vérité finit toujours par éclater, c’est au gouvernement chinois de prendre ses responsabilités. » Si tant est qu’une fuite ait eu lieu à partir du labo de Wuhan, connaissant la culture de la désinformation, de la manipulation et d’orgueil de soi de l’Etat communiste chinois (sans parler des dommages et intérêts colossaux induits), ce n’est pas gagné…

Reste qu’on est loin du consensus scientifique. D’autant que le complot est dans le complot, et réciproquement… aurait pu conclure Pierre Dac.

https://player.acast.com/frequence-medicale-et-pourquoi-docteur/episodes/journal-du-160420

Notes

* Un article scientifique, publié le 17 mars 2020, bat en brèche l’idée d’une manipulation par un laboratoire. Dans cette étude, les chercheurs examinent ce qui peut être déduit de l’origine du coronavirus SARS-CoV-2, à partir d’une analyse comparative des données génomiques. Ils décrivent les caractéristiques notables de son génome et discutent des scénarios par lesquels elles auraient pu se produire. Leurs analyses montrent que le SARS-CoV-2 n’est pas une construction de laboratoire ou un virus délibérément manipulé. The proximal origin of SARS-CoV-2, Kristian G. Andersen, Andrew Rambaut, W. Ian Lipkin, Edward C. Holmes & Robert F. Garry. Nature Medicine (2020)

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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