Dans la nuit du 27 au 28 février, plusieurs bénévoles ont sillonné les pavés nocturnes rennais pour recenser les sans-abris ou les personnes en situation délicate pour être hébergés. Après Paris ou Grenoble, Rennes tenait sa première nuit de la solidarité.
« Savez-vous où vous dormez ce soir » ? La question peut paraître délicate à poser. C’est pourtant l’interrogation essentielle de la ville de Rennes en cette nuit de la solidarité du mercredi 27 février. Elle souhaite recenser les sans-abris afin de répondre au mieux aux besoins. « L’objectif de ce recensement est de capturer une photo sur l’instant. Donc c’est exhaustif. C’est aussi un moyen de sensibiliser le public », lance Arnaud Laurent lors de la formation aux 500 bénévoles ayant répondu à l’appel de la ville. « Pour une maire, c’est une fierté singulière d’avoir en quelques heures la nécessité de clôturer les inscriptions pour une première », annonce Nathalie Appéré.
La maire Nathalie Appéré sur France Bleu Armorique le mercredi 27 février 2019.
Afin d’effectuer le recensement le plus complet, le centre-ville est divisé en deux parties ; le centre et le quartier Thabor–Saint-Hélier, tous deux divisés, respectivement, en quatorze et neuf groupes de 2 à 5 bénévoles pour un total de 96 équipes. Chacune était dirigée par un ou une chef (fe) choisi parmi les candidatures et ayant l’habitude de travailler avec les démunis. C’est le cas de Carine du CCAS qui mènera Arnaud, Katia et Alissia dans les rues rennaises. Elle devra aussi rendre le questionnaire soumis aux personnes rencontrées qui éprouvent une difficulté d’hébergement.
Ce questionnaire est anonyme et permettra à la ville d’évaluer les besoins nécessaires. « Il n’y aura pas de réponse immédiate », précise Arnaud Laurent. Afin d’approcher les personnes sans crainte, un sac était confié avec dedans du café, du thé, mais également des informations sur les hébergements d’urgences et les contacts du SAMU et des pompiers. Les bénévoles apportaient aussi dans leur sac plusieurs aides comme un plan du quartier visité ainsi que divers numéros de téléphone en cas de besoin. Un petit casse-croûte, le sac rempli, la charte relue une dernière fois et les petits groupes s’en vont à l’assaut de la nuit rennaise…
« N’oubliez pas le mot d’ordre : ne prenez pas de risque »
Une nuit bien calme…
Après avoir pris connaissance du chemin à parcourir, Carine, Katia, Alissia et Arnaud débutent leur parcours. « On risque de croiser du monde », anticipe Carine. La cheffe d’équipe prend les devants et va à la rencontre des riverains. Très vite, un premier signalement est effectué sans pouvoir véritablement aller à sa rencontre. Mais de cette première discussion ressort une idée : une garderie pour chiens de sans-abris. L’équipe prend note et glissera plus tard le mot dans une « boîte à idées » mise à disposition à la Maison Internationale.
Le groupe poursuit sa route. Les rues sont plus désertes que prévu. « S’il n’y a personne, c’est une information, en plus d’une bonne nouvelle », indiquait Arnaud Laurent lors de la formation. Les quartiers sont ratissés au coin près. Parfois, les bénévoles tombent sur ces personnages bien connus des nuits rennaises : des étudiants en soirée, des amoureux cachés et quelques passants égarés. Tous saluent le geste « bravo pour ce que vous faites », mais conseillent la prudence : « faites gaffe, on m’a mis un couteau sous la gorge et ça fouille des poches là-bas ». Pas de quoi déstabiliser la petite équipe.
« Je me questionne quand même sur le nombre de mineurs que l’on a croisé cette nuit »
Des échanges délicats
Au fil de la soirée, les passants se multiplient et les questionnaires se remplissent. Un groupe venu d’Asie fait partie de ceux-là. L’échange est rendu difficile par la barrière de la langue. Puis par quelques gestes et des sourires, une discussion s’installe et les informations sont transmises. L’équipe note, puis fait un bilan. Pas facile. Pas facile non plus de gérer des groupes plus conséquents. Pas facile enfin de calmer les attitudes agressives de personnes visiblement ivres. Le joker café intervient et calme les premiers signes de colère. Questionnaire rempli sous l’œil avisé de la Croix-Rouge, pas remplacé sur sa maraude quotidienne.
« Il y a un besoin de communication, mais elle est exprimée par la colère »
« Ce n’était pas trop difficile. Malgré quelques attitudes agressives loin d’être majoritaires, c’était quand même très intéressant », réagit Katia. Un dernier tour dans les petits coins méconnus du centre-ville et le quatuor va pouvoir rentrer. « Maintenant, il va falloir croiser tout cela avec les autres équipes et surtout les associations », indique Carine. Un premier bilan général sera rendu dans le courant du mois d’avril. Concernant l’équipe de ce soir, ils se sentent relativement rassurés du peu de monde croisé, surtout Arnaud : « Je pensais qu’on n’aurait pas assez de questionnaires ». Reste alors la question de l’horaire selon Katia : « je reste avec cette idée que nous sommes partis trop tôt. Mais d’un autre côté si c’était trop tard on ne les aurait pas vus, car certains se cachent un peu plus ». Une autre suggestion à soumettre pour l’édition de l’an prochain.