Un Bal masqué, de Giuseppe Verdi, mis en scène par Waut Koeken et dirigé par Pietro Mianiti sera représenté jusqu’au samedi 6 avril à l’opéra de Rennes. Retour enthousiaste sur la première représentation.

Un adage populaire nous enseigne que la perfection est rarement de ce monde, acceptons-en l’augure. Pourtant le dimanche 31 mars, avec la représentation du Bal masqué de Giuseppe Verdi à l’opéra de Rennes, nous avons presque atteint cet inaccessible idéal. Tout fut magique, féerique, et pendant trois heures et dix minutes nous avons été fascinés par la noble et triste histoire qui nous a été contée.

C’est la tragique réalité de ce roi de Suède, très francophile, Gustave III, qui fut assassiné le 16 mars 1792, au cours d’un bal masqué qui eut lieu à l’opéra Royal de Stockholm. Le monarque avait eu la mauvaise idée d’accorder à tous les Suédois l’égalité. La noblesse lui fit payer comptant cette mesure trop inspirée de la Révolution française.

bal masqué verdi

En 1833, un musicien français, Daniel François Auber, créa un opéra, d’après un livret de Eugène Scribe, dont l’intrigue est basée sur ces événements, Giuseppe Verdi n’avait alors que vingt ans.

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Eugène Scribe est un dramaturge et librettiste français. Il est l’un des auteurs dramatiques les plus joués du XIXe siècle, en France comme dans le reste du monde. La célébrité dont il a joui de son vivant contraste singulièrement avec l’oubli total dans lequel son œuvre est tombée de nos jours.

Il faudra attendre l’année 1859, le 17 février, pour que Un Ballo in maschera soit donné au Teatro Apollo de Rome. Le livret du dramaturge italien, Antonio Somma s’inspire clairement des écrits de Scribe.

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Frontispice de la partition de l’opéra Un ballo in maschera de Giuseppe Verdi (1860).

Dès le lever de rideau, la première émotion est créée par la beauté du décor aux touches dorées et aux drapés cramoisis. Il est en parfaite adéquation avec l’esthétique du théâtre à l’italienne de Rennes. Il semble que, Waut Koeken, le metteur en scène, ait eu la préoccupation de placer un second théâtre sur scène. Le jeu va plus loin, puisque lors du premier tableau, sur le bureau du roi, un des objets de décoration est une représentation du décor du troisième acte, comme s’il voulait déjà nous annoncer l’évolution de l’intrigue.

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En plus de cette mise en scène vivante et créative, la musique de Verdi fut magnifiquement servie par les membres de l’orchestre national des Pays de la Loire, placés sous la baguette de Pietro Mianiti. Des impressionnants tutti aux moments les plus intimistes, cette talentueuse formation a su se mettre au service des chanteurs et a offert un véritable écrin à l’histoire sans, à aucun moment, tenter de tirer à elle la couverture.

Les chanteurs, d’ailleurs parlons-en. Le ténor Stéfano Secco, en Gustave III emporte tous les suffrages, il est exactement ce que nous attendons, puissance vocale, présence scénique, il donne à Monica Zanettin, dans le rôle d’Amélia, son aimée, la répartie lors de dialogues amoureux qui nous entraîneront vers des sommets d’émotion.

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Deux personnages satellites du roi, mais pas du tout secondaires, se partagent également les faveurs du public. Hila Baggio donne au personnage du page Oscar un côté frondeur et insolent, tandis que Luca Grassi apporte au rôle de Renato Anckarström, le secrétaire du roi, une souffrance et une noirceur qui lui confèrent toute sa dimension tragique. Agostina Smimmero, interprète avec une belle autorité le rôle de Ulrica, la prophétesse. Elle est si souvent disposée à évoquer Satan qu’on en viendrait à soupçonner une ressemblance peu fortuite avec la mère de Gustave III, Louise Ulrique de Prusse, assoiffée de pouvoir, et qui finit en exil au château de Svartsjö. Un autre duo a attiré notre attention, celui formé par Sulkhan Jaiani et le Rennais Jean-Vincent Blot. Leurs splendides voix de basse créent un climat mortifère et haineux et lorsqu’ils ouvrent la bouche, c’est toute la scène qui est réduite au silence.

bal masqué verdiMême les rôles plus discrets sont dignes d’éloges. Pierrick Boisseau plante un marin des plus convaincants, Mikäel Weill, un juge dont on a envie de se moquer et Franck Estrade, malgré la fièvre, un serviteur des plus louables. Les chœurs d’Angers-Nantes opéra sont remarquables de présence et leur chef, Xavier Ribes a su leur donner cette couleur italienne, solaire et enthousiaste qui insuffle à la production de ce pays une personnalité si reconnaissable.

Les lumières composées avec soin par Nathalie Perrier ont une part non négligeable dans cette réussite technique. On passe de teintes orangées, roses, à des dorés chaleureux puis des bleus nocturnes et profonds, auxquels succèdent des lumières crues et intenses. C’est un vrai récital de nuances, orchestré avec talent.

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Les amateurs de spectacle total trouveront également un motif d’admiration devant la qualité et la recherche des costumes de Luis F. Carvalho, réalisés par l’atelier de l’opéra national de Lorraine. Une splendeur ! Aux meilleurs moments c’est près de cinquante intervenants qui virevoltent sur le plateau dans leurs tenues élégantes et colorées, créant un décor vivant et pailleté qui nous laisse bouche bée.

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Dernier point sur lequel il convient de revenir, les décors. Conçus par les ateliers d’Angers Nantes opéra et les ateliers de la ville de Nancy, ils sont à la hauteur de ce qui a été précédemment décrit. Notre petit coup de cœur ira vers cette incroyable coupole d’opéra renversée qui sert de décor au dernier acte. C’est simplement magnifique. Renseignement pris, il semble que se soit une représentation de la coupole du teatro San Carlo de Naples.

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L’opéra, dans cette production, joue à plein son rôle d’enchanteur.

Crédit photo : Jean-Marie Jagu

Contrairement à ce que dit le site de l’opéra de Rennes, il semble rester quelques places ! Il suffit d’appeler l’opéra ou de s’y rendre directement.

Informations et distribution

UN BAL MASQUÉ
GIUSEPPE VERDI
Un ballo in maschera
Opéra en trois actes sur un livret d’Antonio Somma 1859
Spectacle chanté en italien, surtitré en français

AVRIL 2019
MARDI 2, 20h – JEUDI 4, 20h – SAMEDI 6, 18h (représentation proposée en audiodescription)

Mise en scène Waut Koeken
Décors et costumes Luis F. Carvalho

Lumières Nathalie Perrier

Chorégraphie Jean-Philippe Guilois

Orchestre National des Pays de Loire

Direction Musicale
Pietro Mianiti

Choeur d’Angers Nantes Opéra
(Direction Xavier Ribes)
Gustave III Stefano Secco
Amelia Monica Zanettin
Le comte Anckarström Luca Grassi
Oscar Hila Baggio
Ulrica Arvidson Agostina Smimmero
Le comte Ribbing Sulkhan Jaiani
Le comte Horn Jean-Vincent Blot
Christian Pierrick Boisseau
Coproduction Opéra National de Lorraine, Théâtres de la Ville de Luxembourg, Opera Zuid, Angers-Nantes Opéra

Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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