La fanfare techno acoustique TeKeMaT est l’une des invitées du festival des Tombées de la Nuit 2021. Dimanche 4 juillet, à partir de 15h30, des apparitions surprises musicales animeront le centre ville de Rennes. Fondé par Matthieu La Batte, percussionniste, et Matthieu Letournel, joueur de soubassophone, le groupe avait fait son petit effet en passant par les Trans Musicales en 2019, après avoir été accompagné dans leur développement par le festival. Loin de la scène qui les fait tant vibrer pendant plus d’une année, TeKeMaT a poursuivi ses expérimentations et est passé régulièrement en studio pour des enregistrements. Rencontre.

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Matthieu Letournel (gauche) et Matthieu La Batte (droite) ont formé le groupe Tekemat. Ils sont rejoints sur scène par Mad Fab.

Tekemat est une mini fanfare techno formée par le duo de Matthieu Letournel et Matthieu La Batte, deux Matthieu amateurs de tek, ce diminutif affectueux de techno désignant, au-delà d’un style précis, une culture de la musique électronique underground qui émerge à partir des années 80 dans les block parties, les rave ou les free. Tous les deux instrumentistes, au parcours à la fois classique et nourri de nombreuses expériences, ils se réunissent en 2018 pour créer ce groupe. Quand ils ne se livrent pas à des performances de rue, les deux Matthieu sont rejoints pour la scène par Mad Fab, ingé son et musicien qui mixe en direct les instruments acoustiques, ajoute des effets sonores et quelques instruments pour renforcer la dimension électronique. À travers des prestations live virtuoses et explosives, Tekemat recrée les sonorités et les rythmiques, et par-là, l’effet de danse et de transe des musiques électroniques, avec des instruments qui ne le sont pas.

Une formation atypique

Matthieu Letournel joue principalement du soubassophone. Ce massif instrument iconique des fanfares et brass bands jazz, il en est tombé amoureux lors de son arrivée à Rennes en 1997 pour son service militaire, dans la fanfare de son régiment. « Pour moi, le soubassophone a été la synthèse entre la trompette et la basse. Un peu comme le tuba, mais pour jouer dans la rue », explique-t-il, toujours aussi enthousiaste aujourd’hui. Il est aussi trompettiste de formation, passionné de jazz et de musiques actuelles, et s’est essayé au didgeridoo dans les années 90 en Angleterre.

TEKEMAT

Matthieu La Batte se concentre, lui, sur les percussions, qu’il a aussi bien pratiquées dans la musique de rue ou dans des groupes comme Percubaba. En tant que batteur, son attrait pour la rythmique explique sans doute en partie son amour des musiques du monde, des musiques noires et des musiques de danse en général. C’est lui qui propose à Matthieu Letournel de monter Tekemat, un projet complètement différent de leurs précédentes expériences, et, en même temps, inscrit dans le même goût pour la performance live et la recherche instrumentale. L’idée est simple, ambitieuse pourtant : mettre à profit leur pratique et leur savoir-faire de musiciens pour retrouver l’esprit festif des musiques électroniques de leur jeunesse.

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« On avait une vingtaine d’années quand les free parties sont arrivées en France, quand les travellers anglais ont débarqué. Si tu étais jeune à cette époque, tu étais forcément un peu dedans, on avait des potes dans le son, des cassettes circulaient. On a été complètement pris dans ce mouvement. Forcément ça nous a touchés, cet effet de danse, de rassemblement », raconte Matthieu La Batte. « J’ai rarement acheté des disques de musique électronique, et pour autant j’ai l’impression qu’elle m’accompagne depuis toujours », renchérit Matthieu Letournel.

Ils forment ainsi un groupe brass house, étiquette qui a émergé pour désigner des formations telles que Meute ou Too Many Zooz, qui reprennent les instruments du brass band pour jouer en live et avec des instruments traditionnels de la musique électronique acoustique.

Musique électronique acoustique, un pari technique

Né de deux musiciens-instrumentistes adeptes de la performance scénique, Tekemat apparaît tout d’abord comme un projet live nourri par l’expérimentation musicale. Alors que la musique électronique naissante dans les années 1980, le hip-hop et le DJing, vont chercher des samples dans les musiques instrumentales, Tekemat fait l’inverse. Les deux musiciens s’inspirent de ceux qui composent sur des machines et s’appuient sur leur pratique instrumentale pour retrouver ces sonorités. « Dans la musique électronique, dans la production, il y a plein de façons d’arriver au son. Chez nous, l’idée est de le reproduire, mais d’une autre manière », explique Matthieu Letournel.

« On a tâtonné pour trouver une formule. Au départ, j’avais des bidons et des cymbales posés au sol. Assez vite je suis revenu à la batterie », témoigne Mat La Batte. Le même, s’inspirant du Blue Men Group, joue parfois avec des tuyaux en PVC, « chopés à Brico-Dépôt puis qu’on a accordés en les coupant de différentes longueurs », précise-t-il.

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De son côté, Matthieu Letournel explore les possibilités de son mystérieux instrument. « Le souba est un instrument sous-exploité. On le retrouve principalement dans les fanfares, cantonné dans le rôle de basse », déplore-t-il. Lui, au contraire, recherche en permanence des moyens d’enrichir son champ d’action : ajouter un deuxième pavillon à son soubassophone, utiliser des ballons de baudruche pour faire des réserves d’air, ou encore le double son, comme il l’explique. « Avec la technique du didgeridoo, je produis des basses continues et, simultanément, je peux émettre un deuxième son plus aigu avec ma voix qui s’ajoute à la basse. Quand on est sonorisés, Mad Fab me met un micro sur la gorge, qui permet d’isoler le son de la voix de celui du souba pour pouvoir la traiter séparément, mettre des effets sur ma voix seulement ». C’est cette inventivité, comme moyen de dépasser les limites d’une formation réduite à deux ou trois musiciens, qui fait la richesse et l’originalité de Tekemat.

Un art de la performance scénique

Tous ces bricolages acoustiques ont pour objectif d’alimenter la performance live, principal intérêt du groupe. « On est toujours passés par l’exécution, on ne conçoit pas d’avoir un morceau qu’on ne sait pas jouer », explique Matthieu La Batte. Même Mad Fab joue tout en direct et n’utilise ni sample ni boucle, qui sont pourtant des éléments de base des musiques électroniques.

Selon le batteur, ce contre-pied musical permet de dévoiler l’esprit de la musique électronique sous un autre jour. « On s’est rendu compte que beaucoup de gens aimaient cette esthétique, mais pouvaient être bloqués par la personne derrière des platines, par ce côté qui leur paraît froid, parce que ce n’est pas ce qu’ils attendent d’un moment de musique. » Rejouer ces sonorités et ces rythmes avec des instruments leur apporte une autre dimension, « le côté faillible de l’humain, notre état physique ou mental, celui du public, l’acoustique du lieu », énumère Matthieu La Batte.

Matthieu Letournel abonde dans ce sens également en marquant la distinction entre l’instrumentiste-interprète et le compositeur, qui prend, dans la musique électronique, la figure du bedroom producer. « Jouer cette musique en concert, ce n’est pas la même chose que la construire depuis chez soi dans le but de faire danser. En live, il se passe beaucoup de choses qui viennent plus de l’intuition, de l’ambiance ». Trace de leurs influences jazz, les morceaux du duo ont été composés avec la constante perspective de la scène. « On a commencé avec beaucoup d’impros, ou des reprises de The Prodigy, par exemple, pour arriver finalement sur une forme assez écrite. Nos morceaux sont très structurés, on sait exactement où on va. Mais pour chacun, il y a toujours un moment qui laisse place à l’improvisation, avant de revenir sur la partie écrite », précise Matthieu Letournel.

C’est dans ces moments de liberté que le groupe révèle toute la puissance explosive de la musique live. « On a envie de faire de la musique de danse et de transe. Quand on voit que le public se met à danser, on aime faire tourner les parties, faire durer les montées, que ça devienne physique, que ça bastonne », s’enthousiasme Matthieu Letournel.

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Des productions régulières

Groupe accompagné par les Trans Musicales en 2019, Tekemat a vu ses nombreux concerts prévus en 2020 annulés pour la plupart. En attendant de pouvoir de nouveau bastonner en concert, les deux musiciens poursuivent leurs recherches et se concentrent sur la composition et l’enregistrement. Un premier EP, Drum’n’Sousa Urban Beat, était sorti en 2019, en guise de présentation du projet. Depuis, le groupe multiplie les enregistrements et les collaborations, avec le groupe Goddammit par exemple, et publie régulièrement des live sessions sur Youtube.

Vendredi 22 janvier, le groupe diffusait une nouvelle vidéo, “Saison 5”. Proche de la live session, le clip présente l’intérêt de mettre à nu leur processus de jeu commun, l’utilisation des différents instruments, la conjugaison des instruments acoustiques au travail sonore de Mad Fab et même les étapes du mix et du mastering, des moments de l’ombre pourtant indispensables pour faire briller une production musicale. On retrouve aussi dans ces quatre minutes au montage élaboré tout l’esprit musical de Tekemat, un goût pour une rythmique entraînante, la basse chaleureuse du soubassophone, des montées enivrantes et un minimalisme qui, pourtant, provoque une envie irrépressible, primitive, de danser.

Tekemat est de retour en studio aujourd’hui même pour de nouveaux enregistrements. Tendez l’oreille pour leurs prochaines productions.

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Pour voir la programmation du festival des Tombées de la Nuit 2021

Dimanche 04 Juillet 2021 15:30 > 19:00 Centre ville de Rennes Apparitions surprises


 Gratuit / Tout public / Renseignements au 02 99 32 56 56

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Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

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