II faut le confesser : c’est avec une certaine appréhension que le public rennais s’est rendu à cette version « de Cobourg » de la Walkyrie de Richard Wagner. Ne serait-ce pas une version par trop allégée qui allait nous être proposée, nous faisant perdre cette grandeur, cette dimension particulière qui est le propre des œuvres wagnériennes ?

La Walkyrie à l'Opéra de Rennes le 7 février 2013

Dés l’ouverture, l’orchestre de Bretagne rassure un public de tous âges et nombreux par une exécution rigoureuse et soignée, immédiatement soutenue par des chanteurs de qualité. On notera à ce propos la prestation irréprochable de Donald Litaker, éclairant de son expérience et d’une voix puissante ce premier acte. Patrick Simper n’est pas en reste et cette basse nous propose un « Hunding » des plus convaincants.

La Walkyrie à l'Opéra de Rennes le 7 février 2013 (photos : Opéra de Rennes)C’est au deuxième acte que l’intensité dramatique de l’œuvre monte progressivement. D’entrée, une Brunehilde pleine d’enthousiasme, fièrement interprétée par Catherine Hunold, capte toute notre attention… Et nous ne connaîtrons plus un instant de répit.

 Kristina Hammarström, devenue pour l’occasion la déesse Fricka, se lance dans un plaidoyer plein de sensibilité mêlé de colère sur un thème des plus actuels : les liens sacrés du mariage.

C’est à ce moment qu’apparaît Wotan, ou dirais-je Willard White. Et s’il était resté quelques doutes dans l’esprit du public, ils se trouvent balayés par l’étourdissante prestation de ce remarquable interprète jamaïcain. Son indiscutable autorité, sa présence sur scène et – pourquoi ne pas le dire – son réel charisme nous tiennent rivés à nos sièges tels de jeunes élèves sous l’autorité de leur professeur. Et c’est en quasi-situation d’hypnose que se termine ce deuxième acte époustouflant sans que le public l’ait vu passer.

La Walkyrie à l'Opéra de Rennes le 7 février 2013 Les 30 minutes d’entre-acte permettent à peine de relever la tête que le troisième acte emporte l’opéra de Rennes dans le maelström suscité par des walkyries judicieusement placées de part et d’autre de la scène et s’interpellant dans une chevauchée désespérée et poignante… C’est le moment que choisit Claire Rutter, interprète de Sieglinde, pour donner une véritable stature à son personnage de mère incestueuse et abandonnée. S’adressant à l’âme du public, elle le touche au plus profond.

Brunehilde et Wotan, dans un long dialogue où l’apparente colère ne réussit pas à masquer l’évident et mutuel amour, apportent une touche finale pleine de sensibilité et nous laissent émerveillés et abasourdis.

valkyrieDonné en 1927, pour la première fois à l’opéra de Rennes, il est dommage d’avoir attendu si longtemps pour réentendre cette Walkyrie. A fortiori eu égard à l’excellent travail qui a été réalisé par l’ensemble des protagonistes.

L’orchestre de Bretagne a su éviter avec adresse les écueils qui se présentaient à lui. La sobriété et l’exactitude de la direction de Claude Schnitzler ainsi que la visible application des musiciens ont contribué à la réussite de cette Walkyrie. Un accessit particulier peut être adressé au pupitre des violoncelles, de très bonne tenue, ainsi qu’aux percussions, ponctuant avec exactitude et compétence ces merveilleuses pages du maître de Bayreuth.

Nous avions douté…mal nous en a pris ! Si quelques-uns parmi nous s’étaient rendu à cet opéra de Rennes avec ce qu’il convient d’appeler « des idées préconçues » ou un soupçon de suffisance parisianiste, leurs préventions furent vite balayées. L’orchestre de Bretagne nous a entraînés, par son sérieux et son travail, dans un monde de légende d’où nous nous sommes réveillés contrits et reconnaissants. À défaut d’avoir atteint le Walhalla, réservé aux héros, nous avions sur le visage, en sortant de cette première, un sourire de gratitude.

Thierry Martin

Prochaines représentations : samedi 9 février, 18h,  lundi 11, 18h, mercredi 13, 18h

Visuels : courtoisie de l’Opéra de Rennes (photographe : Laurent Guizard)

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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