Encore aujourd’hui, l’un des éléments les plus frappants, pour celui qui visite le Vietnam, reste la présence de nombreuses affiches de propagandes. Véritable tradition depuis plus de 60 ans, elles sont aussi un moyen de comprendre l’histoire d’un pays et de sa politique. Sherry Buchanan s’emploie à démystifier ce dispositif de communication.

Auteur d’un ouvrage sur les briquets Zippo, à partir d’une exposition sur les affiches présentes jusqu’à fin 2012 au British Museum, Sherry Buchanan s’est aussi associée au collectionneur et galeriste David Heather pour présenter un superbe ouvrage sur ce moyen de communication. Le Vietnam a une longue tradition picturale et dès la déclaration d’indépendance du Parti communiste vietnamien, des artistes furent mis à contribution pour diffuser des messages à travers des affiches et des publications. À cette époque dans ce qui était l’Indochine Française, la population vietnamienne était majoritairement rurale et illettrée. L’image est donc un moyen de communication idéal, rendant d’autant plus intéressante l’expérience de la propagande utilisée durant la Seconde Guerre mondiale.

Dans cette première partie du conflit qui va jusqu’à Diên Biên Phu en 1954, c’est l’idée de liberté et de solidarité qui prédomine face à un colon français décrit comme un tortionnaire. L’effort collectif et le soutien aux troupes sont exprimés dans des affiches encore limitées en couleur. Des artistes suivent les troupes avec papier, couleurs, pierre et caractères en bois pour imprimer ces tracts à diffuser aux populations les plus reculées. Souvent, il n’y a que deux voir trois couleurs avec la prédominance du rouge, du noir et de l’or. Mais peu à peu, les affiches s’adressent aussi aux Français, à ces soldats venus de France ou même d’Afrique en leur demandant « Pour qui, pour quoi » ils se battent, comme lorsque le VietMinh dresse une affiche sur une colline de Diên Biên Phu.

vietnamposters

Après cette première victoire et la séparation du pays entre Nord et Sud, les affiches changent de sujet. Le Nord s’organise en économie. Il faut éduquer, alphabétiser, pour aider à diffuser les théories du parti. Il faut aussi mettre en place une production agricole importante pour soutenir les troupes et nourrir un pays où la majorité de la production se situe au Sud. La figure d’Ho Chi Minh, l’oncle Ho, devient récurrente. Il est le guide, le théoricien, le protecteur. À la reprise des hostilités, la propagande de guerre reprend. On montre du doigt les massacres, les bombardements, l’Oncle Sam devient une bête féroce dépeçant le pays. Face à ces bombes, des femmes et des hommes se dressent courageusement. C’est le sacrifice pour la patrie qui transparaît dans ces images où l’on appelle aussi la victoire de Diên Biên Phu avec souvent la même symbolique des drapeaux sur une colline.

Le conflit terminé, Ho Chi Minh décédé, le pays doit passer de l’économie de guerre au développement. La propagande vise des sujets définis dans les plans : l’alphabétisation, l’agriculture, la santé. Les combattants n’apparaissent plus qu’en filigrane, mais les héros posent le fusil pour aller à l’usine ou dans les champs. C’est l’image d’une famille jeune avec deux enfants (une fille et un garçon) qui prédomine. L’agriculture prend un jour moderne et intensif : poules en batterie, utilisation des pesticides et de machines. Les couleurs sont plus nombreuses avec du bleu, du vert et le style colle aux modes du moment.

Pourtant, une chose subsiste depuis les années 50 : L’oncle Ho. Aucun dirigeant politique vietnamien n’a droit à être sur une affiche. Il reste le libérateur et le protecteur de la nation. On le montre souvent avec des enfants, des familles dans sa légendaire tenue blanche, sorte de mélange entre Gandhi et Mao. De nos jours encore, il figure toujours partout dans les villes sur les affiches ou en statue. La célébration des victoires militaires et de l’armée entretient le souvenir de ce qui a réussi à créer l’unité d’un pays qui a connu l’occupation et la division.

Ces affiches donnent un extraordinaire témoignage de la mutation d’un pays, de ces réussites et des erreurs. C’est aussi une leçon de communication en même temps qu’une œuvre artistique comme l’ont été les affiches publicitaires chez nous jusque dans les années 70. Aujourd’hui, si les techniques d’imprimerie se sont modernisées, les affiches peintes gardent un charme inimitable que le Vietnam parvient encore à conserver, même si la communication passe maintenant par d’autres médias.

Vietnam Posters : The David Heather Collection / David Heather et Sherry Buchanan, 2009, 281 p., 15€
Article précédentUn week-end en famille de François Marchand, Cynisme lourdingue
Article suivantFestival Entrez dans l’Arène, Je suis venu vous voir
Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici