La relation entre Vietnam et Chine est une relation amour-haine depuis plus de 1000 ans. Récemment, des émeutes ont éclaté à Ho Chi Minh Ville et Hanoi, causant la mort de dizaines de ressortissants chinois et la destruction d’entreprises. Comment en est-on arrivé là ?

Une histoire tumultueuse

Pour mieux comprendre les sentiments nationalistes qui se sont exprimés dans la rue, il faut revenir sur l’histoire du Vietnam. Elle débute il y a deux mille ans quand le général chinois Ma Yuan instaure la domination chinoise sur ce territoire habité par une ethnie qui n’est pas Han. Le grand héros fondateur du Vietnam est Tran Hung Dao, dont chaque ville a une rue ou une place. C’est lui qui met fin à la domination chinoise entre 1257 et 1288. Mais l’indépendance fut de courte durée. La domination chinoise revient à la faveur de luttes de pouvoirs intrinsèques. En 1418, c’est au tour de Lê Lợi de lancer la révolte. Ainsi nait la dynastie des Lê. Vint ensuite la colonisation française progressive à partir des années 1600 qui apporte l’alphabétisation (par le jésuite Alexandre de Rhodes) et l’installation au pouvoir de la dynastie des Nguyen. En 1885, après la prise de la capitale impériale Hûe par les Français, le Vietnam est séparé en 3 provinces : Tonkin, Annam et Cochinchine. Puis vint l’occupation japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale et enfin la guerre d’indépendance menée par Ho Chi Minh dont la figure patriarcale reste importante pour l’unité et la pacification du pays.

Les iles Paracels

south_china_sea_location_mapNouvelle crispation des relations sino-vietnamiennes : le conflit territorial des iles Paracels. La ligne chinoise est sans appel : ne jamais abandonner un territoire occupé historiquement par la Chine. D’où des différents, notamment avec le Japon pour les iles Senkaku. Les iles Paracels, situées en mer de Chine, sont aujourd’hui disputées entre le Vietnam, la Chine, Taiwan et les Philippines. Si la Chine, outre de revendiquer un retour de Taiwan dans son giron, s’intéresse à ce chapelet d’îles, ce n’est pas pour des raisons historiques, mais leur positionnement géostratégique,leurs ressources halieutiques et les ressources pétrolières qu’elles recèlent. C’est la récente installation d’une plateforme pétrolière chinoise qui a ainsi mis le feu aux poudres. Qui plus est, un navire de pêche vietnamien a également été arraisonné par des navires chinois. De fait, la Chine s’est instaurée comme protecteur de la souveraineté de ce territoire au motif que des navires de pêches étrangers viendraient volontairement heurter ses navires présents dans cette zone. En pratique, les marins vietnamiens n’ont du leur vie sauve qu’à l’aide d’autres pécheurs venus les sauver de la noyade. Outre de bafouer les traités maritimes internationaux, les marins chinois n’hésitent plus à recourir au crime.

Vers une escalade des violences ?

Que cela soit le président Obama lors de sa récente tournée asiatique ou le secrétaire à la Défense durant le Shangri-La Dialogue consacré à la Sécurité en Asie, il apparaît clairement que les États unis souhaitent se positionner comme adversaire à l’expansion chinoise. Ils le font à travers leurs alliés traditionnels (Philippines, Japon), mais aussi à travers des partenariats de plus en plus forts au Myanmar, en Thaïlande et au… Vietnam. Unidivers avait déjà évoqué le projet de gazoduc sud-est asiatique qui influe sur la situation géopolitique. Si la junte militaire thaïlandaise a sonné la fin des hostilités dans le pays, on assiste une montée des nationalismes dans l’ensemble de la zone, y compris l’Inde, le Cambodge et le Myanmar… Les conflits ethniques et religieux se multiplient. Les dernières émeutes qui ont eu lieu au Vietnam ont causé des dizaines de morts (les chiffres varient selon les sources vietnamiennes ou chinoises) et des centaines de blessés et plus d’un millier de boutiques, commerces et ateliers ont été détruits. Quant à l’importance des capitaux étrangers dans le financement de ces mouvements, notamment au Vietnam, elle est difficile à apprécier. L’information reste très maitrisée dans un pays où le parti communiste domine. Toutefois, les observateurs auront remarqué de très belles affiches imprimées en anglais brandies à Manille par des ressortissants vietnamiens…

Une influence sur l’économie vietnamienne

Une affiche de propagande vietnamienne
Une affiche de propagande vietnamienne

En matière de boutiques, commerces et ateliers détruits, les entreprises chinoises, taiwanaises et japonaises ont été particulièrement prises pour cibles. Certaines, à l’image de Formosa Plastics, ont déjà annoncé leur départ définitif du pays. Les investisseurs étrangers sont inquiets même si le gouvernement vietnamien, à travers son Premier ministre, s’est empressé de les rassurer par des communiqués. L’économie souffle, il est vrai, le chaud et le froid depuis la crise. Une politique fiscale fluctuante tente de juguler une croissance trop forte de certains secteurs, mais ne permet pas un retour d’investissement rapide pour les sociétés occidentales. À cette instabilité économique s’ajoute désormais une instabilité sociale. Un cocktail explosif.

En outre, malgré la censure officielle, les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés par la population et favorisent l’embrasement de situations tendues. Le gouvernement a ainsi émis des messages contradictoires ces dernières semaines en montrant de la fermeté sur la défense du territoire tout en ne cautionnant pas les émeutes anti-étrangères. Un message du Premier ministre a même été diffusé sur tous les téléphones portables qui informait les Vietnamiens que les forces de sécurité puniraient dorénavant chaque acte illégal.

Le jeu ambigu du gouvernement vietnamien

Le Premier ministre vietnamien, Nguyễn Tấn Dũng, est contraint de jouer un double jeu. Il doit ménager le grand voisin chinois, dont son pays est dépendant économiquement par bien des points. Il doit également ménager le peuple et son aile conservatrice et nationaliste, personnifiée par des figures militaires (l’armée restant prépondérante dans le pays). Il doit parallèlement développer des partenariats avec d’autres alliés susceptibles de contrecarrer l’expansion chinoise. La position géographique privilégiée du pays, face aux ports chinois, en fait un « hub » du futur. Mais le développement des infrastructures ne peut se faire qu’avec d’autres capitaux que ceux du régime de Pékin. Tous ces enjeux rendent la situation complexe et tendue. D’autant plus que la ligne dure chinoise ne risque pas de s’infléchir. Pékin a exprimé ouvertement son mécontentement à la suite des déclarations japonaise et américaine au Shangri-La Dialogue. Si le Vietnam peut compter sur un soutien occidental dans les paroles, voire dans un apport en termes de conseils diplomatiques et militaires, il ne pourra compter sur des actes. La Chine le sait bien qui observe tout sourire le déroulement des conflits ukrainien et syrien.

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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