Avec le fort de Brégançon dans la commune de Bormes-les-Mimosas dans le Var, le président Emmanuel Macron et son épouse disposent de la Lanterne, une autre résidence secondaire sur la commune de Versailles dans les Yvelines. Beaucoup plus discrète, car à l’abri des forêts du château royal, elle passe pour le plus secret des domaines de la République.
Caché par des arbres centenaires et protégé par des dizaines de caméras à infrarouge, ce petit palais est difficile à apercevoir ! De la route départementale, on ne voit de la lanterne qu’une façade lointaine, précédée d’une allée de 200 mètres interrompue par un portail métallique. La Lanterne est un pavillon construit sur deux niveaux à l’architecture simple ; il est flanqué de deux ailes entourant une cour.

La Lanterne, hautement gardée, a vu passer cinquante ans de vie politique française. Avant cela, le lieu était au XVIIIe siècle un modeste pavillon de chasse composé de trois pièces. Il avait été construit pour le gouverneur Philippe de Noailles (1715-1794) sur un terrain dans le parc du château mis à disposition par le roi Louis XV (1710-1774) en avril 1760. En 1780, le prince de Poix, fils du gouverneur, agrandit le bâtiment pour en faire sa résidence. Parce que la luminosité y est exceptionnelle – grâce aux 36 portes-fenêtres qui laissent entrer le soleil -, le lieu est baptisé « La Lanterne ». Au cours de la Révolution française, elle est vendue comme bien national en 179 4et achetée par des propriétaires privés.
Après la Révolution, le roi Louis XVIII rachète la Lanterne avec ses propres deniers, en 1818. Elle entre au domaine de la Couronne en 1824, après d’importants travaux de rénovation. Pendant plusieurs décennies, le bâtiment est loué à des fins pédagogiques pour : l’enseignement supérieur ; des écoles militaires, comme la prestigieuse école de Saint-Cyr-l’Ecole à seulement deux kilomètres ; et des écoles agricoles voisines. Vers 1880, la Lanterne est louée à des particuliers aisés, comme le journaliste et éditeur américain James Gordon Bennett (1841-1918), friand de ses grandes chasses organisées sur le domaine…
En 1920, la Lanterne passe sous la tutelle du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Après la Seconde Guerre mondiale, Félix Gouin (1884-1977), président du Gouvernement provisoire, y réside du 26 janvier au 24 juin 1946. Alors qu’il y a maintenant des salles de bain et du chauffage central à la Lanterne, elle accueille en 1949 et jusqu’en 1957, les fastueuses réceptions de son dernier locataire : l’ambassadeur américain David Kirkpatrick Este Bruce (1898-1977), avant que ce lieu ne deviennent une résidence pour les hommes du gouvernement français.

A la demande du président de la République Charles de Gaulle (1890-1970), la Lanterne devient en 1959 la résidence du premier ministre. Le premier à occuper le pavillon est Michel Debré (1912-1996), puis Georges Pompidou (1911-1974) en 1962. C’est ensuite au tour du ministre de la Culture, André Malraux de l’occuper jusqu’en 1969. Après lui, la Lanterne redevient l’apanage des premiers ministres : Michel Rocard (1930-2016), qui l’occupe entre 1988 et 1991, commande des travaux de rénovation et fait construire une piscine et un court de tennis ; viendra ensuite le tour de Lionel Jospin, puis de Dominique de Villepin d’y résider.
Il faut attendre 2007 et le président Nicolas Sarkozy pour que la Lanterne devienne une résidence secondaire pour les présidents de la République. Le grand public découvre alors son existence, jusque-là inconnue. Le président Nicolas Sarkozy et son épouse Carla Bruni y organisent leur dîner de noces le 3 février 2008. Depuis que la résidence est occupée par le chef de l’Etat, les journalistes n’ont été conviés dans la cour de la Lanterne qu’une seule fois : à l’occasion de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique Gordon Brown en 2008, lors de la crise financière.

Depuis cette période, ce lieu de villégiature discret avec ses quatre hectares, qui accueille le chef de l’État dans un cadre reposant et sécurisé, a acquis une notoriété nationale. François Hollande, le successeur de Nicolas Sarkozy, l’a utilisé également dans un cadre privé, tout comme Emmanuel Macron actuellement. François Hollande avait une préférence pour la Lanterne pendant ses jours de repos ; à contrario du fort de Brégançon, la Lanterne présentait pour lui l’avantage de sa proximité avec Paris, permettant au président Hollande de pouvoir faire des allers-retours rapides dans ses bureaux de l’Elysée, et également d’échapper aux paparazzis maintenus à l’écart grâce à de hauts murs d’enceinte.

Le 20 mai 2017, une semaine après son élection, Emmanuel Macron roule avec son épouse Brigitte en direction du château de Versailles pour rejoindre la Lanterne ; le couple présidentiel passera là son premier week-end. Positif au Covid 19, le président Macron séjourne une semaine confiné à la Lanterne, en décembre 2020. A sa réélection de 2022, le président savoure aussi sa victoire à La Lanterne. Il y trouve un certain dépaysement et une forme de tranquillité.
Dernièrement, une polémique circule à Versailles et semble entacher la Lanterne ; en effet, d’après le magazine Marianne, un jardinier aurait été licencié pour avoir dénoncé sur les réseaux sociaux l’insalubrité de son lieu de travail et des vestiaires, ainsi que la dégradation de ses conditions de travail à la Lanterne. En juin dernier, le jardinier a saisi le tribunal administratif pour abus de pouvoir. Il précise également qu’à chaque visite du couple Macron, il devait quitter les lieux avant son arrivée.

