Le spectacle Vers le spectre est présenté au théâtre L’Aire libre de Saint-Jacques-de-la-Lande (Rennes Métropole) les 16 et 17 mars 2023. Dans cette nouvelle création qui mêle théâtre social, documentaire et musique, le metteur en scène Maurin Ollès aborde la question de l’autisme et de sa perception dans un pays, la France, qui peine à comprendre les personnes qui sont en dehors de la « norme ».

Vers le Spectre raconte le parcours d’un garçon autiste, Adel, de sa naissance à l’âge adulte, à travers le prisme des personnages qui l’entourent. Les personnages sont traités comme des figures sociales qui gravitent autour d’Adel, car il est celui vers qui les bouleversements convergent. En faisant ainsi des « zooms » sur les personnages qui l’entourent, le spectacle se focalise en priorité sur le regard et les parcours des personnes neurotypiques.

Pour cette nouvelle création, Maurin Ollès a fait le choix de partir de la question de l’autisme du point de vue des familles et des professionnels qui gravitent autour : les éducateur.ices, mais aussi les parents, personnel soignant et enseignant.e.s. Quels bouleversements jaillissent de ces parcours imprévisibles et inadaptés ? Inspiré de rencontres et en s’appuyant sur des écrits de pédagogues encore trop peu connus en France, tels que Paulo Freire et Célestin Freinet, Vers le Spectre est une fiction théâtrale joyeuse, plurielle et sonore pour se mettre à l’écoute du « moindre geste » ; déjouer les frontières et s’amuser avec la relativité des normes, et ceci dans un contexte institutionnel et scolaire qui tend à conditionner notre regard sur l’extraordinaire.

« Loïc : Qu’est ce qu’il a d’extra-ordi- naire Adel ?

Irène : C’est à dire ?

Loïc : J’aime bien dire ça, extra-or- dinaire, extra c’est sortir de, donc qui sort de l’ordinaire

Irène : Oui merci je sais ce que ça veut dire « 

Vers le spectre

« Vers le Spectre part de ma rencontre fortuite en 2015 avec Lucas Palisse, éducateur

pour personnes autistes. Très vite, nous sommes amenés à parler de son métier et je suis immédiatement fasciné par sa philosophie d’éducateur. Il se trouve qu’à l’époque, je mets justement en scène un spectacle inspiré par un autre éducateur, Matthieu Lepers, qui travaille avec de jeunes délinquant.es. De la même manière que l’a été Matthieu Lepers pour Jusqu’ici tout va bien, Lucas Palisse est ici l’élément déclencheur du projet Vers le Spectre.

En septembre 2016, je décide de suivre Lucas Palisse dans ses séances de travail. Au fil des jours, je rencontre de jeunes autistes, des parents, des infirmièr.e.s et professionnel.les de santé. Je suis bouleversé par ces vies, ces métiers, ces « autres ». Je découvre de nouvelles façons de penser, d’autres possibilités d’être au monde, d’envisager nos existences.

Je réalise que la France est encore très en retard au niveau de la prise en charge. Tout comme la justice des mineurs, les politiques qui se sont succédé, dans une logique d’efficacité, n’ont fait qu’envenimer la situation. Ici aussi, l’échec est flagrant. Malgré ce constat, l’énergie de vie, l’enthousiasme et la force d’imagination qu’exige le métier de Lucas me confortent dans l’idée que les éducateur.ices ont un rôle essentiel à jouer au sein de notre société.

Pour cette création, je fais le choix de partir de la question de l’autisme, car elle est selon moi représentative de l’incapacité en France à inclure celles et ceux qui ne correspondent pas à la dite “norme”. J’axe alors plus largement mon regard sur la question sociale. Je souhaite raconter comment le processus d’exclusion modifie ces parcours de vie. Quels frictions et bouleversements jaillissent de ces trajectoires imprévisibles et “inadaptées” ? »

Propos de Maurin Ollès

Cinq mouvements dessinent le spectacle, chacun marqué par une ambiance et un rythme qui lui est propre : certains mouvements plus brefs laissent la place à un imaginaire visuel et sonore plus important. D’autres mouvements plus longs viennent « puiser » dans les situations, dans un rythme soutenu et non dénué d’humour. Chaque mouvement est représentatif d’un lieu, d’un métier, et d’une étape dans le parcours d’Adel, comme la reconstitution d’un puzzle.

La musique tient une part essentielle dans ce projet. Tout comme les acteur.ices, le musicien et compositeur Bédis Tir est au plateau et improvise à partir des situations. La musique et le son participent ainsi pleinement à la création du récit et des espaces. Lors de visites dans des institutions médicalisées tout au long du processus de création, un travail de documentation sonore a été effectué, afin d’avoir des éléments de repère autant spatiaux que sensibles. Ces éléments deviennent sur scène les thèmes musicaux des différents espaces et lieux représentés. La musique de Vers le Spectre prend en quelque sorte la forme d’intermèdes, une ponctuation dramatique et narrative. Elle a pour fonction essentielle de faire exister le personnage d’Adel qui n’est pas représenté directement au plateau. Ainsi, les états mentaux, les décalages avec les situations créées peuvent s’exprimer à travers cette musique et créer ainsi de l’empathie pour ce personnage quasi mutique.

L’ univers visuel de la pièce s’inspire de l’art brut, des images de Roger Ballen, de la musique électronique et de l’esthétique des institutions médicales. Une surface de projection permet de faire apparaître par moment des vidéos tournées en amont dans des instituts et des hôpitaux. Celles-ci racontent une ellipse dans le temps, les moments plus violents, ou rendent compte du travail documentaire.

La Crapule

La compagnie La Crapule a été fondée par Maurin Ollès en 2016 dans les Bouches-du-Rhône. Elle rassemble des artistes venant du cinéma, de la musique et du théâtre. Elle a pour objectif de travailler sur des problématiques sociales, liées à la prise en charge des personnes et aux marginalités. Pour cela, elle se nourrit d’un profond travail documentaire, en allant puiser des informations sur le terrain et en s’appuyant sur les écrits de nombreux sociologues et pédagogues.

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