Le FRAC Bretagne se pare de ses couleurs d’automne et arbore sur sa façade des œuvres colorées signées par l’artiste Louise Mutrel. L’exposition Vent Violet est visible du 8 octobre 2021 au 2 janvier 2022 et ses images acidulées et métalliques sont une véritable invitation au voyage.

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Louise Mutrel devant le mur du fonds, modifié pour l’exposition Vent Violet

Pour ce projet, Louise Mutrel entreprend un travail titanesque dans un délai imparti assez court. Elle travaille par ordinateur sur le rythme à donner aux images dans l’idée de créer un voyage un peu éparse, avec des fragments d’images qui peuvent ou non se lier entre elles pour laisser libre court à l’interprétation personnelle. Le plus difficile était de reconstituer une image d’une taille aussi imposante, le format de la risographie étant limité à un format A3. La solution, travailler sur une mosaïque d’images fragmentées qui, assemblées, raconte une histoire vivante sur la façade du FRAC Bretagne. Un bouillonnement d’images à la croisée de son voyage au Japon et de ses expériences risographiques sur lequel elle confie :

« Vent violet c’est un jeu avec vent violent dont on aurait oublié le n, comme si celui ci s’était décroché, avait été emporté par le vent. Le violet fait écho à la première image sur la façade du frac : le camion », Louise Mutrel.

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Louise Mutrel et la photographie

Tout commence lorsque Louise Mutrel, alors aux Arts Décoratifs de Strasbourg, pratique la photographie en amateur. Sous les combles de son École d’Art du Haut Rhin, elle expérimente avec ardeur dans le laboratoire de photo en noir et blanc. La photographie et le dessin deviennent deux pratiques prédominantes dans son travail. De là, elle postule à l’École Nationale Supérieure de Photographie d’Arles, un lieu privilégié centré autour de discussions, de rencontres et d’interventions de la part d’artistes. L’environnement, ouvert à une pratique concrète de l’art, l’amène à travailler de manière plus ou moins consciente sur l’expérience photographique.

À ses débuts, elle photographie ses amis, des scènes de rue, des chantiers et se créé une banque d’images. Puis, pendant un voyage au Mexique, la photographie lui semble devenir une évidence. Comme pour beaucoup d’artistes le voyage et l’ailleurs nourrissent son regard et le vivifient. Après quelques années à Arles ,elle ressent cependant le besoin d’aller plus loin. « La photo m’ennuyait en quelque sorte, elle s’arrêtait trop à ce qu’elle était, dans ma propre pratique en tout cas. La retravailler était quelque chose d’attirant, qui l’emmenait encore ailleurs. »

La découverte de la risographie, grâce à des amis, et la pratique de plus en plus constante qu’elle en fait sont le moyen parfait pour renouveler l’image qu’elle fait aussi déborder des cadres et des formats classiques. Pour son diplôme à l’école d’Arles, Louise Mutrel présente des images en édition augmentée. Elle expose un rouleau de onze mètres où les images des rues de Tokyo se présentent comme un défilé de photos internet figées sur le papier dans une œuvre quasi tridimensionnelle. La façade du FRAC où elle expose reprend cette idée d’un écran où les images défilent afin de construire un livre. C’est à la fois ce processus de fabrication, mais aussi une imagerie du voyage, qui se déroule et se présente aux yeux du spectateur.

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Le ciel violet au Japon signe de la proximité d’un typhon, @kei_xxx_kun, Twitter

Le Japon au prisme de la risographie

C’est surtout la découverte du Japon, durant une année de césure, qui va nourrir la pratique photographique de Louise Mutrel. L’artiste y découvre une grande variété de motifs et de formes artistiques qu’elle ajoutera par la suite à sa pratique photographique, pour un résultat explosif. À titre d’exemple, le motif de la pierre triangulaire à la fois visible dans les temples et sur des parkings. Sacrée dans l’enceinte religieuse, elle continue de vivre dans des lieux publics, sans pour autant complètement perdre de sa sacralité. C’est un motif visible sur le mur du FRAC, écho à l’attachement de Louise Mutrel pour ces formes et ces couleurs fascinantes et ambigües. « Vent violet est un titre d’une peinture de Sugai. Et puis, au Japon, le ciel prend des coloration violettes surréaliste lors du passage d’un typhon. »

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© Louise Mutrel

En termes de support, Louise découvre le papier washi à Kyoto, un papier à base d’écorce de kozo. Avec Mathias Mary, un ami réalisateur de films et graphiste, elle réalise une édition de leurs photos prises avec leurs téléphones sur papier washi. Les images pixelisées et désaturées viennent en complète contradiction avec ce papier washi très précieux et qui, pourtant, absorbe complètement les image. Elles deviennent alors des estampes, à la matérialité singulière.

Louise Mutrel passe la risographie sur d’autres supports pour voir comment elle vit hors du papier et du format classique. Récemment, elle a notamment réalisé un éventail, dit uchiwa en japonais, en bambou et risographie, pour la sortie de Raqqama, un EP du duo sicilien Outis, produit sur le label Onto Record.

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Son point de départ pour l’exposition du Frac Bretagne vient des planches de ukiyo-e qui alimentent cette idée de la narration. Littéralement « images du monde flottant », les ukiyo-e sont des imageries qui datent de la période Edo, entre le XVe et XVIIe siècles. Elles servent à informer sur les coutumes et les paysages. Le plus grand maître, bien connu de tous, est Hokusai avec ses vues de campagnes et scènes japonaises. Louise Mutrel voulait rejouer cette esthétique des images vernaculaires dans le Tokyo reconstruit d’après-guerre, en y apportant une dimension presque brute. Cette esthétique est nettement perceptible dans Vent Violet, avec les angles concaves des œuvres affichées, forme directement issue des ukiyo-e.

Autre attrait que l’on retrouve sur la façade du bâtiment d’Odile Decq, représentatif du travail de l’artiste : les dekotora. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la culture américaine est venue se déverser dans la culture japonaise, un mélange à la fois intéressant et compliqué. Parmi cet apport singulier les trucks (camions), devenus dekotora en japonais, autour desquels s’est créée toute une culture. « Mangaifié », presque transformés en dieux de métal, l’excès de lumière et de bruit qu’ils projettent va bien au-delà du simple trop plein américain. Louise Mutrel y décèle presque un aspect féminin qui la séduit. Les couleurs de la risographie sont idéales pour rendre avec justesse le flamboyant de ces dekotora. « Vent violet pourrait être aussi le nom du camion qui ouvre la course le long de la façade. »

En plus des bumper stickers présents sur la façade, Louise Mutrel a envahi un des murs du FRAC, où elle dévoile des risographies découpées dont les formes et contre-formes jouent entre elles et se superposent pour faire naître des jantes. Ce motif n’est pas nouveau dans son travail. Louise joue avec l’acier et la risographie dans un retable inspiré des shoji japonais (paroi ou porte de bambous et papier washi, ndlr) intitulé Le Soleil et l’Acier, dans lequel elle introduisait déjà cette nouvelle forme, réminiscence du voyage japonais.

Au Japon, Louise Mutrel, en absorption directe, accumule les images et les photographies. Et son voyage n’est pas terminée. Elle souhaite encore explorer ces presque 80 pellicules remplies des souvenirs nippons. Elle retournera en résidence trois mois dans un temple à Kyoto, pour approfondir ses recherches photographiques. Un de ses projets est d’aller à la rencontre de conducteurs et conductrices des dekotora, des garagistes, toute personne ayant le dekotora comme hobby, voire travail. Pratique parfois interdite sur les routes pour le danger qu’il représente, elle regroupe ses adeptes sur des parkings où se déroulent de vrais concours. La jeune artiste espère réaliser des portraits, une pratique davantage présente à ces débuts. La risographie l’avait fait quitter la figuration pour aller vers la couleur et l’abstraction.

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L’exposition Vent Violet présente ses recherches autour de la photographie et de l’image qu’elle fait déborder de son support classique. La risographie pousse le motif photographique au-delà d’une simple figuration par ses couleurs fluos et sa texture poudrée et granulée, quand le mur du FRAC repousse les limites classiques de l’image enfermée dans un cadre.

Cette exposition haute en couleurs est à découvrir du 8 octobre 2021 au 2 janvier 2022, sur la façade, mais aussi dans les murs du FRAC. Un espace sera aussi dédié à la vente des risographies de l’artiste ainsi qu’à des ouvrages destinés à éclairer le visiteur sur son travail. Pour ce faire Louise Mutrel a envoyé au FRAC une liste de ses livres, essais, BD qui l’inspirent et qu’elles aiment à relire. Parmi eux il y a Notes de chevet de Sei Shonagon, Le Sauvage et l’artifice, les Japonais devant la Nature de Augustin Berque, L’homme qui marchait dans la couleur de Georges Didi-Huberman, et beaucoup d’autres encore. Une initiative qui permettra de mieux comprendre et apprécier le travail de l’artiste.

Exposition Vent violet du 8 octobre 2021 au 2 janvier 2022, au Fond Régional d’Art Contemporain.

Informations pratiques

Fonds Régional d’Art Contemporain, 19 Av. André Mussat, 35000 Rennes

Contact : tel – 02 99 37 37 93

En bus ou métro

Ligne C4 – Arrêt Cucillé – Frac
Ligne 14 – Arrêt Cucillé – Frac
Ligne 12 – Arrêt Dulac

métro ligne a : direction J.F. Kennedy – Arrêt Villejean-Université
+ poursuivre avec le BUS C4 – direction Grand Quartier (arrêt Cucillé – Frac)
+ poursuivre avec le BUS 14 – direction Beaulieu – Atalante (Arrêt Cucillé – Frac)

Horaires d’ouverture

du mardi au dimanche : 12h – 19h

Tarif

Tarif plein 3€, tarif réduit 2€, gratuité sur certains critères. Toutes infos sur le FRAC Bretagne.

Accessibilité

Visites descriptives et/ou tactiles

Visites interprétées en Langue des Signes

* La risographie se rapproche de la sérigraphie mécanisée. Pour ce procédé on utilise un risographe qui est un type de duplicopieur, machine très utilisée dans les années 80. Elle fonctionne avec un master (écran) qui est enroulé autour d’un tambour dans lequel se charge l’encre. Grâce au système de rotation et à un système de lumière et chaleur, l’encre s’engrave sur le support et reproduit l’image envoyé depuis un ordinateur ou via un scanner. L’avantage de la risographie se trouve dans la présence de pleins et creux qui permet d’obtenir des trames très poudrées et des couleurs fluo et acidulées. De plus chaque tirage est unique puisque le papier refait une passe en machine pour chaque couche de couleurs. Les défauts d’alignement sont inévitables ce qui rend chaque tirage unique. Le seul bémol concerne le format, qui se limite maximum au format A3.

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