Le monde de la pêche connaît une polémique qui ne cesse d’enfler autour de la question du silure. Ce poisson d’eau douce (également appelé glane, salut et merval) peut atteindre en France jusqu’à 2,5 mètres et une centaine de kilos. Pour certains, c’est une plaie, voire un danger (son comportement serait devenu carnassier et on parle de-ci de-là d’animaux avalés tout rond en bord de rive) ; pour d’autres, cette nocivité est fantasmée et le silure réputé en voie de régulation par l’intermédiaire de Dame nature. Les uns veulent le pêcher pour l’éliminer et son classement en espèce nuisible ; les autres le remettre à l’eau et laisser les écosystèmes gérer. Si ce problème de pêche paraît à première vue mineur, il interroge pourtant d’une manière exemplaire différents rapports à notre environnement et à la nature. Philippe Sanchez, Président du Silure Club Rhodanien, défend sa position.

 

« Le monde de la pêche connait une polémique qui ne cesse d’enfler autour de la question du silure. Ce poisson d’eau douce (également appelé glane, salut et merval) peut atteindre en France jusqu’à 2,5 mètres et une centaine de kilos. Pour certains, c’est une plaie, voire un danger (son comportement serait devenu carnassier et on parle de-ci de-là d’animaux avalés tout rond en bord de rive) ; pour d’autres, cette nocivité est fantasmée et le silure réputé en voie de régulation par l’intermédiaire de Dame nature. Les uns veulent le pêcher pour l’éliminer et son classement en espèce nuisible ; les autres le remettre à l’eau et laisser les écosystèmes gérer. Si ce problème de pêche parait à première vue mineur, il interroge pourtant d’une manière exemplaire différents rapports à notre environnement et à la nature. Philippe Sanchez, Président du Silure Club Rhodanien, défend sa position :
La question pratique est : faut-il remettre à l’eau les silures ? Il faut alors bien l’analyser. En ironisant, je pourrais à mon tour demander : Un lion au bois de Boulogne est-il nuisible ? Et oui, le silure dans son écosystème, c’est l’eau. Mais quelle eau ? Une rivière ? Un fleuve ? Ou un étang ?
On imagine très bien le résultat sur une étude réalisée sur un petit plan d’eau. Le silure, comme tous les autres poissons, doit manger. Certains se nourrissent d’insectes, de vers, mais lui c’est un carnassier. Oh ! Il n’est pas le seul, le brochet, le sandre, le black-bass et la carpe quand elles deviennent adultes adoptent le même régime alimentaire et peuvent mettre en échec les autres espèces. C’est notre histoire du lion au bois de Boulogne !!!
Mais la réalité n’est pas celle-ci. Présent dans nos fleuves depuis de longues années, il a su s’imposer sans pour autant éradiquer les autres espèces. Il est tel le campeur en plein mai : vous arrivez au camping et là vous êtes seul. Oui, toute cette surface est pour vous. Alors, vous placez la voiture là-bas, la caravane par ici et les enfants jouent au foot sur toute la pelouse. Mais arrivent quelques vacanciers. Il vous faut alors réduire votre espace de vie et demandez alors aux enfants de venir jouer à proximité et rapprochez votre véhicule de quelques mètres. Le temps passe, et c’est déjà juillet. Vous n’avez plus le choix : il vous faut cohabiter. Vous demandez aux enfants de jouer devant la caravane à des jeux de société, et vous placez alors votre voiture dans l’espace approprié. Mais vous êtes toujours là ! Nous n’avons rien à envier sur les espèces animales, car c’est exactement l’attitude qu’ils adoptent, et ce depuis qu’ils existent.
J’aime prendre pour exemple la rivière la Seille d’où est arrivé le silure dans les années 77. Le patrimoine piscicole étant riche, il a su se développer, mais aussi se réguler. On a bien pensé pendant quelques années qu’il allait dévorer toutes les espèces et ne laisser de cette rivière qu’un flux d’eau. Et bien, non. Tout le monde a cohabité et malgré cette intrusion qui a été une explosion démographique, on peut annoncer aujourd’hui que cette espèce s’est régulée.
Et les fosses hivernales ? Ne sont-elles pas représentatives de la cohabitation ? Par grand froid, les silures se regroupent dans les fosses (pas forcément les plus profondes). Mais ils ne sont pas seuls. Tous les autres poissons s’y retrouvent. Nous en avons la preuve suite à nos nombreuses prises de sandres ou de poissons blancs et puis il y a l’écho sondeur. Ah, l’écho sondeur ! Un appareil qui en dit long. Tellement long, qu’il confirme bien que les silures se tiennent dans les fosses et qu’on peut aussi les décompter.
Hier la Seille, la Saône, le Rhône et aujourd’hui la Camargue, l’Espagne, l’Italie ! Eh oui, la nature fait bien les choses et a régulé les silures. Les plus belles prises se font maintenant dans le Sud et en dehors nos frontières. Jamais dans l’histoire de l’homme la nature n’a laissé une espèce en surpopulation : Elle régule !
Connaissez-vous le requin d’eau douce ? Oui, je fais bien allusion au brochet ! C’est le nom qu’on lui accordait ! Avec une telle réputation, il ne pouvait être qu’indésirable dans nos eaux. Et aujourd’hui ? Lui n’a pas changé, mais par contre nos mentalités sont différentes. On le recherche, on le respecte, on le protège !
Et celui qui tue par plaisir ? N’est-ce pas la réputation du sandre ? Voilà encore une espèce qui a été indésirable sous prétexte que ses attaques n’étaient pas justifiées et que son origine de l’Europe de l’Est faisait de lui un étranger. Et aujourd’hui ? Qui n’a pas espéré sortir un beau spécimen ?
Qui ne souhaite pas voir ce poisson vivre dans nos eaux ? Alors si les années nous apportent sagesse, réflexion et modération, peut-être la présence des autres poissons notamment celle des silures sera-t-elle enfin respectée.
Facile de tuer un poisson ! Plus difficile d’en donner les véritables raisons. Chacun veut faire sa loi ? Mais alors chacun veut se prendre pour Dieu ? Il est quand même bien triste de voir une personne éradiquer une espèce sous tel ou tel prétexte alors que d’autres se battent pour la faire vivre.
Sa présence a été signalée dès 1860 et sa première capture sur la seille (médiatisée) date de 1977. Plus tard vers 1979, d’autres silures sont capturés, mais leur présence reste rare dans le Rhône, la Saône et la Seille. C’est en 1984-1985 que la densité de silures devient importante et on assiste alors à une explosion démographique. Aujourd’hui, sa rivière natale n’est plus peuplée comme à ces années-là.
Je pêche en Seille depuis plus de 15 ans et je peux vous assurer que toutes les espèces y sont présentes à l’exception peut-être des poissons-chats. Oui, le silure les a dérangés, il a même probablement pris leurs places, mais les sandres et brochets ont modifié leurs mœurs : on les trouve près des berges sous les branches
Le “crever” ? Mais pourquoi de tels propos alors que Gestion, Contrôle, Régulation seraient plus adaptés. Oseriez-vous – alors que vous êtes près d’un camping et que de nombreux enfants et parents vous admirent – sortir un poisson, laisser les enfants faire des photos et sortir un couteau pour le crever devant leurs yeux ? Il ne me viendrait pas l’idée de mener une campagne pour tuer les serpents ou les araignées ou tout simplement ce que je n’aime pas !
Laissons la nature faire. Elle le fait si bien !!! »

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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