Une biographie d’Elena Diakonova alias Gala : quel fascinant portrait tracé par la plume de Dominique Bona de l’Académie française ! Une vie de Gala nous plonge dans le destin de celle qui fut successivement « la reine de Paleùglnn » pour Eluard, son premier époux, et « la reine de Púbol » pour Dalí, son second époux. S’entrecroisent, sur arrière-fond artistique et au fil de rendez-vous avec les amis, les histoires de ceux qui l’ont côtoyé : le tout pris dans les secousses de l’Histoire.

UNE VIE DE GALA DOMINIQUE BONA

L’ode à Gala que constituent les premières phrases du livre laisse transparaître toute la fascination suscitée chez l’auteur : « C’est ce que j’ai admiré chez elle : l’énergie vitale. La force qui ne veut pas rendre les armes. Et c’est pour tenter d’aller vers elle, la plus mystérieuse et la plus redoutable des muses, que j’ai écrit ce livre. Elle n’a jamais cessé de me surprendre. Solaire et habillée d’ombres, sa personnalité est aussi paradoxale que l’air et le feu – deux éléments antinomiques – et qui s’accordent chez elle, comme par magie. »

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Le visage fermé et insondable, un regard perçant et captivant. C’est cette expression, immortalisée dans les clichés de photographes contemporains et dans les tableaux de Dalí dont elle est maintes fois le sujet, qui entretiendra le voile de mystère autour de sa personnalité. Si Gala apparaît parfois le corps nu et étendu en plein rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade une seconde avant l’éveil ou le sein dévoilé dans La Galarina, elle n’en préserve pas moins ses secrets. Celle que l’auteur compare à une « forteresse » demeure distante et hautaine, n’hésitant pas à éloigner les curieux.

UNE VIE DE GALA DOMINIQUE BONA
Galarina

Tour à tour déesse, Madone, muse, épouse, amante, ensorceleuse, Elena Diakonova – née à Kazan en Russie et dont l’histoire retiendra plutôt le prénom usuel – n’échappe pratiquement à aucun des archétypes de la femme si chers aux surréalistes. Bien que Dominique Bona s’attache à souligner la construction par Gala de sa propre légende, le mythe Gala reste attaché à celui du poète Eluard et du peintre Dalí. Ces deux grands artistes du 20e siècle dont elle sera la figure accompagnatrice, feront d’elle une icône.

Triste coïncidence que celle qui placera Eluard et Gala sur le même chemin. Tous deux encore très jeunes se rendent au sanatorium de Clavadel pour y faire soigner une tuberculose. C’est leur passion commune pour la littérature qui les rapprochera : elle, la jeune fille russe, introvertie et discrète et lui, un parisien surnommé Gégène écrivant déjà quelques vers qu’elle lui inspire. La lecture est pour eux une échappatoire durant les longues heures de repos forcé. Digne d’un roman d’amour ou d’une comédie sentimentale, une complicité grandissante voit le jour au rythme des échanges de petits papiers et de livres : sont de la partie Dostoïevski, Hugo, Baudelaire mais aussi Tolstoï et Balzac.

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Gala et Paul Eluard

La guerre va les séparer pendant une période leur semblant interminable et au cours de laquelle ils n’auront de cesse de correspondre. Gala se lance finalement dans un véritable périple, passant par la Finlande, la Suède, puis Londres pour arriver à Dieppe et enfin parvenir à la capitale. Le feu sous la glace, c’est ce dont témoignent les lettres passionnées que Gala envoie à Eluard alors que celui-ci risque sa vie sur le front. Elle lui écrit :

Garde-toi, garde ta vie qui est plus que précieuse, plus chère, elle est tout pour moi. Elle est moi-même, je me perds avec toi.

Lorsque Eluard s’embarque dans l’aventure Dada, Gala l’accompagne et assiste aux manifestations du groupe. Elle suit Eluard dans ses sorties au Certá où se retrouvent les artistes. Gala vit d’une certaine manière par procuration, « dans l’ombre de Paul » selon les mots de Dominique Bona. Bien qu’elle soit la seule femme représentée au côté de René Crevel, Philippe Soupault, Benjamin Péret, Louis Aragon, André Breton et bien d’autres dans le tableau fort connu de Max Ernst, Au rendez-vous des amis (1922), Gala reste en retrait du cercle d’amis.

UNE VIE DE GALA DOMINIQUE BONA
Le tableau Au Rendez-vous des amis de Max Ernst (1922).

La deuxième moitié de l’ouvrage est consacrée à une histoire tout aussi passionnée : celle avec Dalí, le maître du Surréalisme. Après que Goemans, un poète belge, est présenté Paul Eluard à Salvador Dalí, ce dernier propose au couple Eluard de venir à Cadaqués où il travaille. Une fois le couple en terre catalane, Dalí est rapidement hypnotisé par Gala, totalement absorbé. À l’inverse, Gala trouve ce dandy excentrique « insupportable » et « antipathique ». Gala finit par se laisser séduire et déclare à Dalí : « Mon petit, nous n’allons plus nous quitter ». Effectivement, ces deux-là ne se sépareront plus jamais, ou presque, jusqu’à la mort, au grand désespoir d’Eluard.

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29 décembre 1948 : Dali et Gala. Photo New York Times Co./Getty Images)

Gala et Dalí fréquentent les dîners mondains où le peintre ne manque pas de se faire remarquer par son comportement et ses récits abracadabrantesques. Gala prend part aux travaux de l’artiste, en posant par exemple avec un chapeau en forme d’escarpin noir, fruit de la collaboration entre l’artiste et la couturière Elsa Schiaparelli. Soutenant Dalí dans son opposition aux surréalistes, Gala gère également les affaires de celui qui se fait désormais surnommer Avida Dollars. Si leur histoire débute sous le signe de la passion, elle se terminera comme une tragédie par la déchéance physique et mentale à laquelle sont en proie les Dalí .

Par ses sous-titres intrigants, son récit entrecoupé d’extraits des correspondances et la fluidité du verbe de Dominique Bona, Une vie de Gala tient le lecteur en haleine du début à la fin. Les reproductions de photographies d’archives et d’oeuvres viennent parachever cet ouvrage.

Une vie de Gala Dominique Bona de l’Académie française aux éditions Flammarion, Hors collection – Biographies et mémoires. Paru le 1er novembre 2017, Histoire de l’art, 232 pages, 29,90 €.

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