Les initiatives en matière de lecture du Club Conscience estudiantine de la Faculté des Sciences de Casablanca se sont taillées en quelques mois une réputation nationale. Et aujourd’hui, internationale. De fait, Unidivers Mag trouve aussi réjouissantes que pertinentes les actions menées par des passionnés casablancais depuis deux ans. Jardin, plage, tramway, les espaces publics sont investis par ces étudiants. Que veulent-ils ? Une heure de lecture. Autrement dit, susciter le désir de lire chez leurs concitoyens. Comment ? En faisant des espaces publics de la ville des espaces de lectures. Un projet d’autant plus remarqué que le Maroc traverse une crise éducative sans précédent. Reportage.

club, étudiant, casablanca, heure de lecture, conscience, estudiantineCe n’est pas le printemps arabe – quoique… – c’est sous le soleil de plomb d’août que le Club Conscience estudiantine a mené sa troisième action. Destination : les anciens abattoirs de Casablanca. Mais les organisateurs se sont retrouvés avant l’heure pour une première séance de lecture directement dans le tramway où ils n’ont pas hésité à inviter les voyageurs à les rejoindre. Les rendez-vous « Une heure de lecture », organisés par le club Conscience estudiantine de la Faculté des sciences Aïn Chock de Casablanca se multiplie et grossissent leurs rangs semaine après semaine. Depuis le début de l’été, c’est tous les six jours que se déroule une activité de lecture. Le dimanche 21 juillet dans le parc de la Ligue arabe, ce sont près de 90 personnes qui ont répondu présentes. Le samedi 27 juillet, c’est sur le doux sable d’une plage que 110 lecteurs ont partagé une heure de lecture.

club, étudiant, casablanca, heure de lecture, conscience, estudiantinePetit à petit, le Club voit leur pari en passe de réussir, autrement dit susciter chez les Marocains de tout âge un nouvelle et bonne habitude : pratiquer en lisant les espaces publics. Et pourtant, la chose n’était pas aisée tant les espaces publics ont mauvaise réputation. Ils sont souvent perçus comme des lieux de libertinage, prostitution et agressions. Qui plus est, la moyenne du budget dépensé pour l’achat du livre par les Marocains est de 1Dh (0.1€) par an. Et la moyenne du temps consacrée à la lecture, y compris les journaux, est de… 20 min. « Il est urgent de redonner au livre sa place naturelle dans notre vie quotidienne. Et, après chaque séance de lecture, nous organisons un débat au sujet de thèmes capitaux – explique Yassir Bachour, porte-parole du Club – au fils des mois, un lien de familiarité, voire d’intimité, se consolide ».

club, étudiant, casablanca, heure de lecture, conscience, estudiantineAprès chaque heure de lecture, les participants décident ensemble d’un débat qu’ils traitent durant deux heures. La troisième activité, intitulée « Place des pigeons esclaves » et organisée sur la Place Mohamed V, a ainsi donné lieu à une vaste réflexion collective autour de la pédophilie et de la grâce royale. La cinquième, tout aussi peu politiquement correct, a traité sur la Place des Nations-Unis du racisme à la marocaine. La dernière en date a réuni plus de 150 participants, voilà deux semaines, dans le Parc de la Ligue arabe afin de réfléchir au système d’éducation du Maroc. Le leitmotiv : une mobilisation collective pour des changements concrets.

club, étudiant, casablanca, heure de lecture, conscience, estudiantineTous les intervenants se sont retrouvés autour d’un même constat : le système éducatif marocain ne fonctionne pas. L’un des participants, Mazigh Chakir, considère que « l’échec du système éducatif marocain est devenu une évidence nationale. Les quelques réformes entreprises par l’élite politique historique ont échoué à en inverser le cours. Aujourd’hui, c’est à nous jeunes étudiants de faire pression sur le système afin de créer une volonté politique de changement ». De fait, sur 100 Marocains inscrits à l’école primaire, 13 décrochent le bac (et scellement 3 après un parcours sans redoublement).

club, étudiant, casablanca, heure de lecture, conscience, estudiantineLes problèmes sont nombreux, notamment une carence de vision stratégique par les ministères, accentuée par des interventions parfois aussi inattendues qu’incohérentes des organismes. Mais la pomme de discorde porte sur l’arabisation des programmes scolaires du primaire, collège et lycée. Elle ne prépare pas vraiment aux études supérieures qui s’effectuent en… français. Mohamed Anouar Sadiq va jusqu’à conclure que « le système éducatif est en crise depuis que les programmes ont été traduits du français à l’arabe. »

club, étudiant, casablanca, heure de lecture, conscience, estudiantine Pour Anas Assim, « on connait parfaitement les racines du problème. Au Maroc, il existe une petite minorité intellectuelle et influente. C’est elle qui doit faire pression à l’échelle politique pour inciter au changement. Ne nous voilons pas les yeux : les études ne suffisent pas à forger un citoyen cultivé. Notre système produit actuellement des personnes imbues d’informations, mais dénuées de réflexion. Parmi les nombreuses suggestions, le Club a bien entendu proposé de généraliser dans les établissements scolaires des incitations originales et régulières à la lecture afin d’éveiller la conscience culturelle des jeunes Marocains. Une conscience culturelle pour un réveil politique.

Nicolas Roberti

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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