Afin d’illustrer le concert intitulé « Beethoven le révolutionnaire », en plus d’un programme alléchant, le chef Grant Llewellyn recevait sur la scène rennaise le trio Wanderer. Un ensemble musical prestigieux dont la réputation a traversé nos frontières. Se produisant aussi facilement à Berlin à Londres ou à Pékin, le trio Wanderer nous a accordé la faveur de déposer quelques heures ses valises dans la capitale bretonne.

TRIO WANDERER
Vincent Coq – Trio Wanderer
Photo: Marco Borggreve

Créé en 1987, le Trio Wanderer venait fêter ses trente années d’existence en nos murs. Tous issus du conservatoire National Supérieur de musique et de danse de Paris, les musiciens du trio ont choisi le thème du voyage pour illustrer leur vision personnelle. On trouve au piano Vincent Coq, lequel a participé aux master class de Nikita Magaloff et Léon Fleisher. Son jeu est souvent comparé à celui du virtuose Menahem Pressler (victoire de la musique d’honneur en 2016). Au violon, Jean-Marc Phillips-Varjabédian, après des études musicales largement couronnées, s’est exilé vers la patrie du violon qu’est Crémone pour y recevoir les conseils de Salvatore Accardo, avant de rejoindre la Juilliard School of music de New York. Petit cocorico, c’est sur un violon français à la remarquable sonorité, du Monmartrois Charles Coquet, qu’il a ébloui le parterre de sa rigoureuse précision. Fierté d’autant plus grande qu’il jouait précédemment sur un Guarnerius del Gesù de 1748. Enfin, sur un très beau violoncelle du XVIIe siècle du facteur italien Goffredo Cappa (1644-1711), nous avons pu admirer la relation symbiotique qui s’établit entre Raphaël Pidoux et son instrument. Il a pour sa part choisi l’université d’Indiana aux USA pour se perfectionner aux côtés du génie Hongrois Janos Starker, enseignant sur un instrument de Matteo Goffriller.

trio wanderer
Raphaël PidouxTrio Wanderer
Photo: Marco Borggreve

Rude gageure pour l’Orchestre symphonique de Bretagne que de servir de partenaire à un ensemble si reconnu et apprécié. Cela ne paraît pas avoir inquiété nos musiciens plus que de mesure, car dès l’ouverture de Léonore I et sous la baguette de leur directeur musical, ils font montre d’une vigueur de bon aloi, interprétant cette œuvre de Beethoven qui célèbre l’amour conjugal, avec force ou retenue, suivant les moments. Cette partition achevée en 1805 devint ensuite Fidélio puis Léonore II, enfin elle fut donnée en concert pour la première fois en 1836 sous la direction de Félix Mendelssohn. En résumé pas moins de quatre partitions furent composées pour le même ouvrage.

La suite du programme nous est proposée par le jeune compositeur contemporain Benoît Menut, en résidence à Rennes, et qui dans une tout autre écriture musicale, nous propose son « Scherzo ». Afin d’éviter que cette intervention soit ressentie comme une forme d’anachronisme, il vient nous délivrer quelques indices qui rendront plus lisible cette œuvre agréable et d’une énergie sous-jacente, mais perceptible. Elle emprunte la construction du troisième mouvement de la symphonie Héroïque, scherzo, allegro vivace.

TRIO WANDERERC’est avec le triple concerto pour violon, violoncelle et piano en ut majeur opus 56, qu’apparaît sur scène le Trio Wanderer. En quelques notes ils démontrent que leur réputation n’est en rien usurpée. Le fonctionnement des trois instrumentistes est réglé comme « du papier à musique » et frise la perfection. Le rôle du piano, sans être anecdotique, est souvent plus en retrait, mais le champ est laissé libre au violon et plus encore au violoncelle et ils ne vont pas s’en priver. Les unissons sont millimétrés et les deux mélodies ne semblent en former qu’une seule. Les sonorités exceptionnelles des instruments apportent, s’il en était besoin, un plus en terme de qualité.

TRIO WANDERER
J-M. Phillips-Varjabédian Trio Wanderer Photo: Marco Borggreve

Le violon est puissant et clair, les aigus sont précis et lumineux, la technique de Jean-Marc Phillips-Varjabédian totalement maîtrisée l’autorise à une économie de moyen en terme de gestuelle, proche de l’ascèse. Plus charnelle est la relation qu’entretient Raphaël Pidoux avec son violoncelle. Quand il ne le fait pas chanter de manière presque sensuelle, il le chevauche avec fougue, nous rappelant cette forme de communion que nous avait montrée Anne Gastinel lors de sa venue à Rennes. Paisiblement assis, face à son piano Steinway & Sons, le pianiste Vincent Coq, débonnaire, veille au grain, mais nous rappelle par des mélodies vigoureuses que Beethoven sait de quoi il parle quand il écrit pour le piano. L’enthousiasme du public de l’opéra, bondé comme on peut se l’imaginer, a explosé dès la dernière note, en un élan collectif et unanime d’admiration. C’est vraiment un très beau travail.

La clôture de cette très belle soirée, laissée aux soins de l’orchestre symphonique de Bretagne, nous a permis de retrouver la troisième symphonie de Beethoven, en mi bémol majeur opus 55 dite « Eroïca ». Sans doute sur-motivé par la prestation précédente, l’orchestre s’est impliqué de manière tout aussi héroïque dans l’interprétation de cette œuvre. L’application est visible dès les premières mesures. L’allegro con brio est exécuté de façon magistrale, il y a dans ce mouvement la véhémence d’une bataille. Le second mouvement qui emprunte la forme d’une marche funèbre fut d’une beauté sublime et déchirante. Pas un auditeur qui n’eut la gorge serrée par le chant poignant des cors et des hautbois. On trouve dans la musique de Beethoven le sourire qui n’éclairait pas toujours son visage de telles pages font ressentir le féroce amour du genre humain qui l’habitait.

Le troisième mouvement, scherzo-allegro vivace, fut pour le public , comme une nouvelle récompense. Le mouvement débute piano, évoquant une menace qui se précise dans le lointain, le trio central met en scène les trois cors. Pour le final, le premier thème sera exposé par des pizzicati de cordes, puis un second thème par les vents, s’ensuivent des variations sur ces thèmes se mélangeant et s’interpénétrant jusqu’à une suite d’accords qui ponctuent énergiquement cet ultime mouvement. Vous l’aurez compris, une très belle soirée, et en même temps une remarquable réussite pour Marc Feldmann, son équipe et son orchestre qui ont offert au public rennais un concert d’exception dont on se souviendra encore longtemps.

Beethoven le révolutionnaire, Essentiels #8, avec L’Orchestre symphonique de Bretagne et le Trio Wanderer, Opéra de Rennes les 3 et 4 mars 2017

Programme Beethoven le révolutionnaire
Ouverture de Leonore I
Triple concerto pour violon, violoncelle et piano
Symphonie n° 3, « Héroïque »
Direction Grant Llewellyn
Trio Wanderer
Vendredi 3, samedi 4 mars

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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