L’événement était attendu par tous les mélomanes, et le très nombreux public présent à ce premier rendez-vous n’a pas été déçu de sa patience.

En effet, Traviata est une œuvre populaire dont de nombreuses mélodies sont très familières à tous, particulièrement, à des oreilles peu accoutumées à l’opéra. Le fameux « brindisi » est un air que beaucoup fredonnent sans même connaître l’œuvre dont il est issu. Pas de quoi s’étonner donc de voir parterre, loges et baignoires occupés jusqu’au dernier siège.

C’est avec un tempo assez lent qu’Anthony Hermus, le chef d’orchestre, choisit d’entamer le délicat adagio en si mineur qui sert d’ouverture. L’orchestre de Bretagne suit avec rigueur ce chef précis et captive immédiatement l’auditoire. Comme pour la remarquable Walkyrie du mois de février, l’application et le soin apportés à l’exécution de ces premiers instants sont palpables.

C’est à l’issue de cette courte introduction que notre Violetta, c’est-à-dire la cantatrice Maïra Kerey, fait son entrée sur fond de rideau encore fermé. Elle est, bien sûr, très attendue, Traviata est une œuvre périlleuse pour une chanteuse, elle implique de se mettre en risque fréquemment. Le rideau s’ouvre enfin. Il nous donne à découvrir un décor équilibré, bien pensé et réellement de bon goût. Les costumes de Sonia Bosc apportent également une note agréable et colorée tout à fait en accord avec l’ambiance festive de ce premier acte.

Cette agréable impression nous accompagnera d’un bout à l’autre de l’œuvre. Et il est juste d’accorder des félicitations à tous ceux qui par leur talent apportent à l’œuvre célébrée un écrin de qualité.

La mise en scène de Jean Romain Vesperini est, à cet égard, tout à fait digne d’éloges. D’abord, parce qu’elle se place avec humilité au service de la musique, qu’elle fourmille d’idées originales ; de surcroît, elle évite les ridicules surenchères auxquelles se livrent certains de ses alter ego. Donc soyez rassurés : pas de personnages à demi ou entièrement nus, pas de Traviata arrivant perchée sur une Harley-Davidson conduite par un motard déguisé en SS… Rien de tout ce fatras ridicule qui gâche un peu trop souvent le plaisir d’aller entendre une œuvre au nom de la créativité.

Les voix sont bien sûr en première ligne dans cette œuvre. Et, comme pour la mise en espace, l’impression est globalement positive. Violetta est puissante et s’en tire avec tous les honneurs malgré une fin de premier acte où elle force un peu sa voix. Alfredo, peut-être encore un peu jeune pour un tel rôle, nous entraîne dans ses tourments par une indiscutable qualité théâtrale et une sensibilité dont un Verdi bien compris ne saurait se passer.

 Le public ne s’est pas trompé en adressant à Marzio Giossi, pour l’occasion Giorgio Germont, une ovation appuyée, tant sa voix puissante et bien posée apporte aux échanges tendus entre lui, Violetta et son fils, une intensité dramatique de haute volée.

De plaisantes surprises ont également émaillé cette représentation ; la belle prestation du régional de l’étape, Jean-Vincent Blot, dans un Douphol irréprochable, Anina également, interprétée par Sophie Angebault, dont la remarquable prestation nous fait regretter que ce rôle ne soit pas plus important. Il est juste aussi de citer Marlon Soufflet en Gastone, plus dandy que nature, évoluant avec souplesse et élégance dans un décor évoquant le Berlin des années 20.

Le rythme de l’œuvre a été respecté, et la montée progressive de l’intensité dramatique a eu une influence non seulement sur un public totalement subjugué, mais également sur les interprètes qui n’ont fait que progresser tout au long de ce très bel opéra.

 Traviata noyée dans une intense lumière blanche offre un bouquet final saisissant. De « dévoyée » elle semble devenue une sorte de sainte « appelée » au paradis, lavée de ses fautes terrestres et dont ne subsiste qu’une âme éblouissante….Touchés !!!

Faut-il encore insister : nous avons passé une très belle soirée, d’autant plus belle que se profile la possibilité de revivre ces beaux instants les mercredi 29 à 20h et le vendredi 31 au même horaire. Au mois de juin, le dimanche 2 à 16h et bien entendu le mardi 4 à 20h, et c’est là que la retransmission sur grand écran se fera place de la Mairie à Rennes… Nous y serons. Bien entendu !

Pour les deux dernières représentations Maïra Kerey, souffrante, sera remplacée par Myrtó Papatanasiu, quant à Sophie Angebault, maman d’un petit Balthazar depuis le lendemain de la première, elle voit son rôle tenu par Karine Audebert.

Thierry Martin

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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