Le festival « Travelling à l’hôpital » propose depuis 7 ans des rendez-vous cinématographiques aux enfants hospitalisés à Rennes (projections, ateliers, expositions, rencontres…). Ce mercredi 6 février, Ellie James, musicienne rennaise, a invité les enfants et les soignants du service pédiatrie de l’hôpital-sud de Rennes à une douce évasion sonore et visuelle avec son ciné-concert « Lumières »…

Ellie James est une musicienne rennaise. Après avoir été membre de différentes formations (Bumpkin Island, Mermonte, Mha), elle signe son premier projet solo : « Lumières », un ciné-concert qu’elle présente depuis 2017. Entourée de L’Armada Production, elle le joue le 6 février 2019 à l’hôpital sud de Rennes pour les enfants du service pédiatrie ainsi que pour le personnel présent. 4 courts-métrages muets [détails en fin d’article] sur la thématique de la lumière qu’Ellie James musicalise en live avec son clavier, ses drums et son harmonium. À la suite du spectacle, le public a pu échanger avec l’artiste et essayer les instruments qu’elle leur a présentés.

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Suite au ciné-concert, rencontre entre l’artiste et son public.

« L’art sauvera le monde », affirmait Dostoïevski. En attendant qu’il le sauve, il peut déjà aider à le soigner. C’est en tout cas l’idée de Mickaël Christien, infirmier rennais. Depuis 2012, il propose avec le festival Travelling d’amener l’art, plus particulièrement le cinéma, à l’hôpital. Projections, ciné-concerts, ateliers de réalisation… Voici le portrait du projet Travelling à l’hôpital et de son fondateur Mickaël Christien.

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Mickael Christien, fondateur de Travelling à l’hôpital

Présentation

« Je m’appelle Mickaël Christien, j’ai 36 ans. Je suis infirmier depuis environ 10 ans et suis papa de 4 enfants. J’ai d’abord pratiqué mon métier chez les adultes pendant 6 ans, en cancérologie. Ensuite je suis parti en congé parental durant 3 ans, suite à la naissance de mon quatrième enfant. À mon retour, j’ai intégré la pédiatrie. Je l’ai pratiqué pendant 2 ans et maintenant je suis en train de me spécialiser en tant que puériculteur, à l’école de puériculture du CHU de Rennes. »

Sensibilité pour l’art 

« Mon chemin n’est pas forcément linéaire, car après mon bac j’ai fait des études d’Histoire de l’art à Rennes et à l’école du Louvre, avant de bifurquer et de passer les concours d’infirmier. J’avais et j’ai une sensibilité pour l’art. Mais l’idée n’était pas forcément d’en faire un métier, plutôt de m’enrichir culturellement. L’art en général, pas spécialement le cinéma. »

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Hôpital Sud à Rennes

Le métier d’infirmier

« Pour moi, être infirmier c’est vraiment le “prendre soin” d’une personne dans sa globalité. D’un côté c’est une grosse part de gestes techniques, mais il y a aussi beaucoup de relationnel et moi c’est vraiment ça qui m’importe. Le soutien, l’aide, l’accompagnement pour essayer de dépasser la maladie ou les soucis de la vie. C’est la relation humaine, l’humanisme et l’importance du prendre soin, dans sa globalité. Ce n’est pas seulement faire une piqûre, c’est aussi essayer de comprendre les conditions psycho-sociales autour de la personne. Ces rôles de compréhension et d’accompagnement sont primordiaux pour moi.

Je vais au travail avec toujours envie et passion, parce que chaque journée est différente et que j’ai envie de la partager. Envie aussi d’être utile et d’apporter mon savoir, mes connaissances auprès de mon patient, mais aussi auprès de mes pairs, mes collègues. C’est comme ça que je vois mon métier. »

Le projet

« Le projet a démarré en 2012. À l’époque j’étais infirmier en cancérologie, avec des adultes qui étaient hospitalisés pour d’assez longues périodes (1 mois, 1 mois et demi) et donc vraiment coupés du monde extérieur durant cette période, parce qu’on était dans des situations d’isolement pour les protéger. De mon côté j’avais la chance de pouvoir faire des choses à l’extérieur, des festivals, des expos, etc. et je me suis demandé : qu’est-ce qu’on peut faire pour eux ? Et puis je me suis dit qu’étant donné qu’ils ne peuvent pas aller à l’art, à la culture, on aller amener tout ça à l’hôpital ! C’était le début de “Travelling à l’hôpital”. »

Travelling à l’hôpital

« J’allais au festival Travelling tous les ans et je regrettais que les personnes hospitalisées ratent ce rendez-vous. Alors j’ai contacté l’association Clair Obscur et je suis tombé sur Jacques Froger (responsable des actions culturelles du festival Travelling) qui a tout de suite répondu favorablement. Comme le festival intervenait déjà en prison, donc auprès de publics qu’on dirait “empêchés”, il a naturellement trouvé l’idée géniale et cohérente avec le festival. »

Les débuts

« En 2012, on a commencé tout petit avec simplement la projection de films pour les patients. Le principe c’est que des films qui passaient pendant le temps du festival à Rennes, en février donc, étaient diffusés en même temps à l’hôpital. Ça se passe à l’hôpital Sud de Rennes. Avec le matériel de l’hôpital, simplement une TV et un lecteur DVD, mais au moins on avait vraiment les mêmes films que les gens de l’extérieur; on ne loupait rien. »

La sieste musicale par Marc Blanchard

L’évolution

« Au fur et à mesure j’ai essayé d’étendre l’action. On est resté une année avec ce format DVD et puis on s’est demandé ce qu’on pourrait faire de plus… Il a fallu se poser, chercher des subventions. Les sous c’est vraiment le nerf de la guerre. On a répondu à des appels à projets et on a réussi à être financé à hauteur de 5000€ en 2013, par l’association Laurette Fugain. C’est l’association de la fille de Michel Fugain, qui lutte contre la leucémie et qui finance également des projets comme le nôtre. Grâce à cet argent, j’ai pu étendre les projections à la pédiatrie.

On a commencé à organiser ce temps pour les enfants, leurs parents, les fratries et le personnel. C’est un temps d’échange où l’on change de rythme. Le quotidien de l’hôpital est fait de prises de sang, de perfusions, de soins ; là ils sortent du service pour aller voir un film. Ce n’est pas toutes les personnes hospitalisées qui ont la chance de le faire. Pendant un temps on met un peu de côté la maladie et on s’ouvre sur autre chose, on participe à un festival.

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Et on a pu faire un ciné-concert ! Depuis 2013, on a souvent changé de mécène, mais on a un ciné-concert chaque année. Avec possibilité pour les enfants après le film d’essayer les objets, les instruments, d’aller discuter avec les musiciens, etc. »

Ciné-concert

« Lors des ciné-concerts, on diffuse un film ou un dessin animé, qu’on adapte à l’âge des enfants; et à côté du film il y a un ou plusieurs musiciens qui l’accompagnent d’une musique live. Par exemple une année on a eu droit à une performance d’Empreintes Vagabondes, qui mélange des images en noir et blanc de la Cinémathèque de Bretagne avec de la musique live. Il y avait un accordéon, une chanteuse, etc. En 2014, c’est Loup Barrow qui a accompagné le film Dr. Jekyll & Mr. Hyde avec de la musique expérimentale. On a aussi eu Les Gordon. Cette année ce sera Ellie James, qui va travailler sur le thème de la lumière, avec des petits courts-métrages en même temps… C’est le 6 février.
Il y a de beaux échanges à l’issue des projections, notamment avec les musiciens, car les enfants sont super intéressés. Pour certains, c’est tout nouveau. »

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© Gilles Pensart #Travelling2018

Les enfants

« Ils ont de 6 à 16 ans, avec une moyenne entre 10 et 12 ans. Ce sont des enfants qui n’ont pas l’occasion de sortir de l’hôpital. D’autres associations œuvrent pour venir changer leur quotidien, mais autour du cinéma on est une des seules actions menées. Ils sont en isolement à cause de la maladie. Rien que pour les faire passer d’un service (hospitalier) à un autre, jusqu’à la salle de projection, c’est toute une organisation. Il faut que l’infirmière ait validé, que tous les soins soient faits et puis ils descendent avec le pied à perfusion, les seringues électriques, il faut les débrancher, les rebrancher, etc., mais ça se fait. »

Rencontrer le cinéma

« Donc il y a les ciné-concerts et il y a les projections en lien avec le festival Travelling. Pour celles-ci, puisqu’on ne peut pas diffuser l’intégralité des films du festival, on a créé notre propre comité de sélection, qui travaille en amont de l’événement. Dans ce comité, il y a des soignants, mais aussi des enfants (plutôt des ados) hospitalisés. Une présentation des films du festival est faite par l’association Clair-obscur, pour que le comité puisse effectuer un choix éclairé sur la sélection qu’on va proposer à l’ensemble des patients.

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© Gilles Pensart #Travelling2018

Il y a aussi des ateliers de découverte du monde du cinéma et de l’image : du light-painting, de la création de films d’animation – par exemple du stop motion avec des Playmobil -, etc. On a aussi fait des ateliers pocket film où les adolescents, qui ont tous un téléphone portable, ont pu filmer leur quotidien dans leur chambre. Certains enfants sont en isolement total, du fait de l’aplasie (chute des globules blancs empêchant leur système de se défendre de manière autonome), mais du coup ils ont pu filmer avec leur téléphone leur quotidien, dans leur chambre et devenir les réalisateurs de leur propre film.

Il y a aussi des rencontres avec les réalisateurs. On essaye de les préparer au mieux, car ça peut être déstabilisant de rencontrer des enfants malades. La maladie ou le traitement peuvent entraîner une chute des cheveux, un faciès un peu plus pâle, etc.  Il y a une petite appréhension chez les personnes qui n’ont jamais connu cela. Là aussi, mon regard d’infirmier est important pour accompagner au mieux les réalisateurs et les équipes des films, pour qu’ils puissent aller sereinement à la rencontre des enfants. J’ai un rôle de médiateur pour réunir les deux mondes, celui de la culture et celui des soignants. »

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« Light-painting »

L’Art du soin

« Pour moi, l’art fait partie du soin. On fait tout notre possible pour que l’hospitalisation se passe le mieux possible; pour eux, mais aussi pour moi et mes collègues. Ce qu’il va se passer souvent c’est que ces enfants vont participer au festival, mais ça va aussi être par la suite un moyen de les “attraper”. Car après le festival, ils vont parler, dire : “J’ai vu tel film. J’ai aimé, j’ai pas aimé…” alors que souvent ce ne sont pas de grands parleurs. Donc on va réussir à obtenir ça d’eux et tenter de les amener sur autre chose, de les faire verbaliser, etc.
C’est vraiment d’une grande aide pour les socialiser et changer le quotidien. À la sortie, quand ils vont retrouver leurs copains, ce ne sera pas juste “J’ai été à l’hôpital” qu’ils diront, mais aussi “j’ai pu voir des films, participer au festival Travelling et puis rencontrer des réalisateurs”. Ça peut même éventuellement déclencher des passions. »

Fenêtre sur l’extérieur

« Lors du festival Travelling, il y a chaque année une ville qui est mise à l’honneur. C’est l’occasion de découvrir le cinéma de cette ville-là et du pays entier. Pour pousser l’idée plus loin, de notre côté, nous avons créé des ateliers culinaires. Une année, c’est la ville de Séoul qui était à l’honneur. Alors on a fait venir un cuistot coréen et on a pu faire un repas typiquement de là-bas.

Voilà, on essaye de ne pas s’arrêter au seul monde du cinéma, mais de brasser un peu plus large. Que le cinéma soit un prétexte pour s’ouvrir au monde, à la littérature, au voyage. La fameuse fenêtre sur l’extérieur. »

Copyright photographies des événements : Gilles Pensart et Gwenael Saliou

« Lumières » de Ellie James, composé de 4 films :
– Lunette (2016 / 3.30 min.) de Phoebe Warries (Royaume-Uni)
– Luminaris (2011 / 6.20 min.) de Juan Pablo Zaramella (Argentine)
– Tôt ou tard (2007 / 5 min.) de Jadwiga Kowalska (Suisse)
– Le trop petit prince (2002 / 7 min.) de Zoia TROFIMOVA (France)

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