Les débats à l’Assemblée nationale sur la question de la publication du patrimoine des élus se sont terminés hier. Ce qu’il en ressort, c’est qu’on ne peut être juge et partie.

Il fallait, pour enterrer le problème Cahuzac, qu’une loi passe. Et elle passera, à coup d’amendements et de coupes dans le projet initial, déjà très édulcoré. L’amendement salvateur, qui a permis le compromis entre opposants et partisans, vient interdire toute publication du patrimoine déclaré, sous peine de sanction pénale (1 an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende… à mettre en face des sanctions de ceux qui trafiquent, manipulent et trichent…). Le rapporteur du projet, Jean-Jacques Urvoas, le dit avec ces mots alambiqués : « La publicité n’est pas synonyme de publication, la publication peut être une consultation et une consultation n’a pas nécessairement à être une diffusion »

En d’autres mots, les élus déclarent leur patrimoine à une instance qui les enregistrent, voir les vérifie (?!), mais ne les publient pas. Le citoyen ne pourra donc rien savoir sur ce que fait son élu. De même, il n’y aura aucune déclaration de participations payantes à des diners… à l’exemple des ceux du lobbying de l’industrie du tabac dévoilé récemment qui rapportent… 10 000 € à la clé. L’activité de conseil aux entreprises n’est pas encadrée. Les députés ont inventé une transparence opaque que des élus écologistes appellent déjà à enfreindre. Rappelons que Jérôme Cahuzac avait successivement subi une vérification fiscale, transmis une déclaration d’intérêt et signé une déclaration sur l’honneur sans être inquiété par l’administration. Les fraudeurs ne risqueront que 10 ans d’inégilibilité. Il sera certes possible de consulter en préfecture cette déclaration pour tout citoyen inscrit sur les listes électorales, mais il ne pourra ni en parler ni l’utiliser dans quelconque débat politique ou journalistique.

La raison de ce revirement tient autant dans la montée au créneau du président de l’assemblée, Claude Bartolone et de députés PS, que dans le fait que l’assemblée devient ici juge et partie. Le Front de Gauche s’est rallié au projet, l’UMP dénonce un imbroglio, mais n’était pas non plus pour une publication transparente des patrimoines. Les écologistes se retrouvent bien seuls à s’opposer et à appeler à une désobéissance citoyenne en mandatant des citoyens dans chaque préfecture pour récolter les déclarations enregistrées. Saluons leur courage.

Sur ce type de loi visant à réguler la vie parlementaire ou la vie des élus, d’autres instances devraient s’imposer avec une véritable représentativité nationale. À l’image des jurés tirés au sort, ne pourrait-on prévoir sur ces questions, aussi rares que cruciales pour la démocratie, un tirage au sort de citoyens, encadrés par des juristes pour l’aspect formel et constitutionnel de la loi, afin de statuer? Au final, de cette transparence factice, l’impression du « tous pourris » et du « ils se protègent les uns les autres » persiste. Et signe.

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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