À l’occasion de la Fête de l’Europe à Rennes, l’association Solidarité Roumanie 35 propose de (re)découvrir le documentaire Transalpine, la route des Rois, réalisé par Dumitru Budrala. L’occasion d’un voyage dans les Carpates roumaines, contrée remplie de mythes et d’histoire.

affiche transalpine route des rois rennes

Au milieu des montagnes escarpées des Carpates, en Roumanie, une Jeep qui semble minuscule dans l’immensité du paysage sillonne une route tortueuse. Ce véhicule, c’est celui de Dumitru Budrala. Docteur en anthropologie visuelle et fondateur de l’Astra Film Festival, aussi connu sous le nom de Festival international du film de non-fiction de Sibiu, ce natif de la région a décidé de partir sur les traces de ses ancêtres, en suivant « la route des mythes et des légendes, [s]a route, la route de [s]es enfants » : la route Transalpine. Culminant à plus de 2000 mètres d’altitude, celle que l’on surnomme la « route des Rois » (« Drumul Regilor ») traverse la Transylvanie du Nord au Sud, entre Sebeș et Novacii Gorjolui. Au détour de chaque village, chaque montagne, chaque cours d’eau, une histoire, une légende, un souvenir.

plan route des rois roumanie

Parler de la Transalpine, c’est d’abord évoquer un passé lointain, remonter au temps des Romains. Pour se protéger des attaques romaines, les Daces, qui peuplent la région, érigent des forteresses au sommet des montagnes. De là, la vue sur les vallées environnantes est imprenable. Certaines de ces forteresses ont été détruites lors des guerres contre les Romains, comme celle de Tilisca, détruite lors de la deuxième guerre dacique en 16 après Jésus-Christ.

C’est aussi faire référence à des traditions immémoriales. Bien avant que la modernité ne l’ait rendue accessible aux voitures, la route était empruntée par les bergers en transhumance. Les villageois se réunissaient lors de grandes foires, les « Nedei ». Celle de Poiana Muierii pouvait réunir les habitants de tous les villages alentours, qui se retrouvaient pour danser en tenue traditionnelle et échanger « poteries, laine, feutre, fruits et alcool ». Bien loin d’être une frontière séparant les hommes, la montagne devient un lieu de rencontre et de partage entre villageois situés de chaque côté.

foire villageois nedei roumanie

Sur la Transalpine, le temps présent cohabite avec les légendes. On raconte que dans la grotte de Polovragi vivait Zalmoxis, créature mi-homme mi-dieu. Selon la légende, il se déplaçait de Polovragi à Sarmizegetusa, le centre militaire et spirituel des Daces, par les passages souterrains creusés dans la grotte. Les gouttes d’eau qui tombent des stalactites seraient ses larmes lors de la défaite des Daces contre les Romains en 106 avant JC. Son trône, situé dans une galerie souterraine, ouvrait un passage entre son esprit et celui de ceux qui s’en approchaient.

Les mythes sont tellement ancrés dans l’histoire locale qu’ils donnent leur nom aux paysages. Dans la vallée aurait vécu une fille à la beauté sans pareille, nommée Frumoasa (Beauté). Lors d’une foire, elle jeta son dévolu sur un jeune berger, Cindrel, mais celui-ci lui préférait une autre. Chantant son désespoir, elle attira les fées qui l’emmenèrent au ciel et l’aidèrent à préparer sa vengeance. Elles firent s’envoler Cindrel et sa bien-aimée qui s’écrasèrent en contrebas. Depuis, la montagne porte le nom de Cindrel, et le cours d’eau, la plaine et la vallée se nomment Frumoasa.

La Transalpine n’a pas échappé à la modernisation. Une nouvelle route fut construite au début du XXe siècle. Le Premier ministre de l’époque, Gheorghe Tatarescu, souhaite impliquer les villageois des alentours. Chacun participe aux travaux avec des outils sommaires (pelle, pioche…). En 1935, le chantier titanesque se termine. La route est inaugurée en grande pompe par le roi Carol II et la reine mère Auguste. Les plus anciens se souviennent. « Le roi est venu en voiture, je l’ai vu descendre de la voiture », se rappelle une habitante du village de Poiana. « Il y avait beaucoup de gens, dont des jeunes hommes et des jeunes femmes portant la tenue traditionnelle roumaine. » « Ils ont accueilli le roi au pont avec du pain et du sel, témoigne un autre villageois. Le maire a fait un discours. […] [La reine] portait des bas de soie, mais ils n’étaient pas en soie, ils étaient en laine. »

Ce voyage royal fut l’occasion pour les habitants de ces villages reculés de demander une faveur au roi. Dans le village de Jina, le prêtre lui a demandé de construire une nouvelle église. « Le roi a dit : Oui, on va vous aider », se remémore un habitant. « On va vous donner le fer, le ciment et l’étain, mais vous faites le reste. » C’est en référence à ce voyage inaugural que la Transalpine a obtenu son surnom de « route des Rois ». Une façon pour les locaux d’exprimer leur fierté à l’égard de cette route riche en histoires.

inauguration route des rois roumanie

Transalpina, Drumul Regilor (Transalpine, la Route des Rois), un film de Dumitru Budrala, 41 minutes, 2017. (en roumain, sous-titres français disponibles).

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