Vendredi 2 et samedi 3 juillet, à la tombée de la nuit, le parc du Thabor sera l’écrin d’un spectacle aérien autant poétique qu’engagé. La funambule Johanne Humblet, de la Compagnie Les Filles du renard pâle, arpentera un fil instable, à 5 mètres du sol, comme un acte de résistance. Rencontre.

Résiste. Juchée à 5 mètres du sol, sur un fil instable, la circassienne Johanne Humblet surprendra le public, l’effraiera à certains moments, mais d’aucuns ne sortiront indemne du carré Duguesclin, au parc du Thabor, les vendredi 2 et samedi 3 juillet. Qui est cette acrobate, dompteuse de l’équilibrisme ? Comment réinvente-t-elle les codes circassiens du funambulisme à chaque projet ? Unidivers a eu le plaisir d’échanger autour de sa pratique.

johanne humblet
Johanne Humblet

Formée à l’Académie Fratellini à Paris, Johanne Humblet est entrée dans le monde de l’équilibrisme à l’âge de huit ans en tant que fildefériste, acrobate qui évolue sur un fil de fer à environ 2 mètres du sol. Depuis huit ans, elle s’épanouit également à plus grande hauteur, comme funambule. Contrairement au fildefériste qui n’utilise que ses bras et ses jambes pour garder l’équilibre, le funambule utilise des balanciers. « C’est essentiel dans ma vie. Je m’y retrouve pleinement et je me sens beaucoup mieux à grande hauteur. Je me sens libre et libre de créer », déclare l’acrobate.

En 2019, elle a l’idée d’un premier spectacle, Résiste. Elle crée alors la compagnie Les Filles du Renard Pâle, avec une amie au graphisme. À l’instar de cette création, l’artiste travaille sur la prise de risques et le dépassement de ses propres limites afin d’interroger le public sur des sujets qui lui sont chers. « La pratique est spectaculaire et assez folle, mais seulement traverser ne m’intéresse pas », explique-t-elle. « En tant qu’artiste, je pense qu’il est de mon devoir de parler de sujets qui me touchent et m’importent, d’autant plus aujourd’hui. Pour questionner, se rencontrer, véhiculer des images et amener des gens ailleurs. »

« Ce fil instable est là pour porter un propos de résistance »

Premier volet d’un triptyque en cours de création – Résiste (2019), Respire (2021) et Révolte (2023), l’acrobate cherche à réinventer le fil, le balancier et sa technique autour de ce matériel afin de repousser les limites de l’équilibre et bouleverser les codes circassiens. « Tout est encore à inventer et à créer dans le travail de funambule, d’énormes pistes sont à exploiter. La pratique est hyper visuelle et symbolique. On peut travailler des formes artistiques qui rassemblent les gens, ce qui en fait un super moyen de communiquer des messages. »

Cherchant plus loin que la contemplation du moment, le spectacle crée un parallèle entre le monde de l’équilibrisme et la vie. « Il faut prendre des risques pour avancer dans la vie. Le plus grand risque c’est l’amour et tout le monde accepte de prendre ce risque malgré le fait que l’on puisse souffrir. Les mots sont mal choisis en tant que funambule, mais on risque peut-être de se casser la gueule et pourtant ça nous fait avancer, évoluer », compare-t-elle. « Je fais exactement la même chose sur mon fil. Je dépasse mes limites, de manière calculée et réfléchie, pour aller explorer de nouvelles choses et avoir un vocabulaire beaucoup plus grand. »

Ainsi, le triptyque, dédié à la nouvelle structure de « fil instable » conçu spécialement pour la compagnie, explore de nouvelles formes, entre équilibre et déséquilibre, mobilité et immobilité. « Je pense les scénarios puis je m’entoure des meilleurs », dit-elle avec humour, mais sincérité. « C’est une équipe conséquente composée de plusieurs corps de métiers – constructeurs, ingénieurs, régisseurs et musiciens – qui œuvre à réaliser chaque forme artistique. » Gros défi pour les constructeurs, chaque nouvelle structure est également un challenge pour Johanne qui apprend à appréhender le support afin d’arriver à son but.

« Quelque part j’essaie de faire oublier le fil. Ce qui est important c’est de vivre l’action. Je vis un parcours, aucune figure n’est apportée de manière gratuite. Chaque geste raconte quelque chose et est porté par un besoin d’agir. C’est vraiment de cette manière que j’ai créé ce spectacle et que je crée tous mes projets », Johanne Humblet

Plus qu’une création artistique, Résiste est donc le reflet de la manière de penser de Johanne Humblet, de ses valeurs. « Je suis circassienne donc je travaille principalement par image. Les images sont très fortes et symboliques, les gens peuvent projeter leurs propres expériences et situations vécues à ce que je suis en train de faire », indique-t-elle. « Le public sort généralement plein de force, d’envie. Il se raconte son histoire avec ces images de résistance. »

Tel une métaphore de la vie, son but est de rester sur le fil. Qu’il s’incline, fléchisse ou bouge, la funambule résiste coûte que coûte, cherchant à l’emporter face à l’instabilité du fil, et l’imprévisibilité de la vie. « On peut se battre et résister pour avancer même si tout s’écroule. Voir les choses de manière positive, et remonter. » Johanne s’installe une véritable dramaturgie dans son projet, une nouveauté dans le monde du funambule, afin de surpasser la simple illustration d’une pratique et donne une belle leçon d’optimiste.

johanne humblet
© Ian Grandjean

« La musique est aussi importante que le fil »

Sur scène, un technicien gère la tension du fil en direct, mais il n’est pas le seul à accompagner Johanne. Performance musicale autant que circassienne, la création du groupe Deadwood, avec Johann Candoré au chant, est un personnage à part entière du show. « Les Filles du renard pâle a deux pans, le funambulisme et la musique. Tous les projets que je pense sont accompagnés de musique en direct. On a crée la musique et la partie funambule en parallèle. Il y a une réelle interaction entre les deux. Pour moi, les musiciens ne sont pas seulement là pour accompagner. On est hyper à l’écoute l’un de l’autre, on avance ensemble. »

L’ambiance rock’n roll créé par Deadwood porte les mouvements de Johanne et pousse ainsi le propos, le nourrit. « La musique apporte parfois une touche d’humour et renforce ce que je fais sur l’agrès, ce qui donne une intensité énorme. » Les notes graves et la voix de la chanteuse créent une unité et donne une force certaine au spectacle.

tombées nuit rennes
© Kalimba

Terminé depuis peu, le deuxième volet, Respire, prolonge l’aventure dans la déconstruction en proposant une nouvelle traversée à haut risque. « Ma façon de traiter le fil est nouvelle. Ce qui m’intéresse, c’est le chemin parcouru et pas la finalité. » À 30 mètres de haut, sur un fil de 220 mètres de long, la traversée funambule réinvente une nouvelle fois l’équilibre en hauteur. Dans une réécriture libre du conte Le petit chapeau rouge, « sauf que le chaperon sera doré », Johanne Humblet domptera son loup. « C’est l’idée de prendre une profonde inspiration avant de retourner au combat. Mais la respiration n’est pas gratuite non plus. Au fur et à mesure du show, j’enlève mes différentes peaux pour me retrouver moi en tant que femme que je suis pour m’assumer pleinement là-haut et finir en toute liberté. »

« Tout le monde s’attend à voir quelqu’un marcher sur un fil, aller du point A au point B, mais peut-être que je n’arrive pas au point B ? c’est ce qui m’intéresse », Johanne Humblet

Il faudra ensuite attendre 2023 pour découvrir le dernier volet, Révolte, un spectacle en salle uniquement qui clôturera le triptyque avec cinq artistes au plateau. « Je pars de l’individu pour arriver au collectif. Ce qui m’intéresse dans ce spectacle est de parler du système de coalition. » Elle interrogera ainsi la formation d’un groupe, dans quelle mesure on est plus forts à plusieurs et de quelle manière mène t-on les choses pour arriver ensemble à mener un combat. « La révolte c’est le besoin d’agir et d’action. Je pars dans des choses totalement nouvelles, il y aura une voltigeuse aérienne, une circassienne va courir dans une machine pendant tout le spectacle, la machine de la vie, et deux musiciennes également. »

Résiste, Compagnie Les Filles du Renard Pâle, Festival Les Tombées de la nuit

Vendredi 02 Juillet 2021 22:30 > 23:30 Parc du Thabor, Carré Duguesclin, Rennes Entrée : place Saint-Melaine

Samedi 03 Juillet 2021 22:30 > 23:30 Parc du Thabor, Carré Duguesclin, Rennes Entrée : place Saint-Melaine

Gratuit • Sans réservation • Les portes ouvriront 30 minutes avant le début du spectacle. Tout public. 500 places

Lignes de Bus : C3, Arrêt Thabor — 31, Arrêt George Sand — C1, C5, 9, Arrêt Sévigné • Vélo Star : Hoche Renseignements au 02 99 32 56 56

*

Festival les Tombées de la nuit 2021, du 1er au 4 juillet 2021. Programmation

Site Les Filles du Renard Pâle

Article précédentSOUTHERN WAVE, LE PREMIER ALBUM ROCK-FOLK ÉNIGMATIQUE DE MICK STRAUSS
Article suivantTDN 2021. LES CLASSIQUES DU GRAMI ET LA MÉMOIRE COLLECTIVE SONORE

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici