À la Cité de la Mer, une exposition inédite dévoile depuis le 1er avril 2025 une quarantaine d’objets remontés du Titanic. Quarante ans après la découverte de l’épave, ces fragments d’histoires humaines révèlent l’intimité bouleversante des passagers du paquebot mythique.
Un simple sac en cuir
Il est là, posé derrière la vitre, brun foncé, tanné par le temps. À peine plus grand qu’un attaché-case. Ce sac en cuir a passé plus d’un siècle dans les abysses de l’Atlantique Nord, à près de 4 000 mètres de profondeur. Et pourtant, il a conservé son contenu : une pipe, des papiers, des photographies.
« Le cuir, et les produits chimiques utilisés dans sa fabrication à l’époque, ont protégé les objets des bactéries et des organismes marins », explique Jeffrey Taylor, responsable des collections de la société RMS Titanic, qui a organisé la dernière mission de récupération. Le sac, scellé, a repoussé l’eau de mer comme un coffre-fort organique. À l’intérieur, des vies figées en 1912. Et soudain, proches.
Des objets, des noms, des destins
Au total, 42 objets sont présentés dans cette nouvelle collection temporaire intégrée au parcours permanent « Titanic, retour à Cherbourg », qui change tous les deux ans depuis 2015. Ils sont exposés dans quatre vitrines immersives, pensées comme autant de chapitres d’un même récit. On y croise l’histoire de Marian Meanwell, passagère en deuxième classe, ou encore celle d’un steward dont le nom n’avait jusque-là jamais été identifié.
Derrière chaque objet, un travail méticuleux de reconstitution historique. « Nous croisons les listes de passagers, les journaux de bord, les archives généalogiques », détaille Rozenn Poupon, documentaliste de l’exposition. Une loupe posée sur l’histoire pour restituer l’humanité derrière l’artefact.
La science derrière l’émotion
Mais remonter ces souvenirs du fond de l’océan n’a rien d’un geste anodin. Après 110 ans d’immersion dans le noir, l’exposition à l’air, à la lumière et au sel devient une menace. « On commence par les plonger dans des bains d’eau distillée pour éliminer progressivement le sel incrusté, parfois pendant des mois », raconte Taylor. Sinon, les objets se fissurent, éclatent, se décomposent.
Les plus résistants ? Le verre, la porcelaine, la vaisselle de bord. Leur vernis d’origine joue le rôle de barrière hermétique. Ce sont eux qu’on retrouve le plus fréquemment dans les collections.
40 ans d’exploration et un patrimoine en péril
L’épave du Titanic a été localisée en 1985 par une mission franco-américaine réunissant l’Ifremer et le Woods Hole Oceanographic Institution. Depuis, plus de 5 500 objets ont été extraits jusqu’en 2004. Mais la mission de 2024, à l’origine de l’actuelle exposition, a montré un état préoccupant du navire. « La rambarde du pont supérieur, encore intacte en 2010, s’est détachée récemment », note Taylor.
Et puis il y a ces apparitions presque fantomatiques. Comme la statue en bronze de la déesse Diane, aperçue en 1986 puis disparue pendant des décennies. Elle a refait surface l’été dernier, lors de la dernière plongée. L’épave, lentement, se transforme en cimetière marin. Chaque mission pourrait être la dernière.
Une escale mémorielle à Cherbourg
Cherbourg n’a pas été choisie au hasard. Le 10 avril 1912, le Titanic y fit sa dernière escale continentale avant de mettre le cap sur l’Atlantique. C’est ici que sont montés à bord certains des passagers les plus célèbres du paquebot, parmi lesquels Margaret Brown, la “Titanic Survivor” connue sous le nom de “l’insubmersible Molly Brown”.
Aujourd’hui, à travers cette nouvelle exposition, c’est une autre traversée qui s’offre aux visiteurs : celle de la mémoire, entre la science des abysses et les traces d’humanité.