XPIR est une installation dans l’espace public. Elle prend la forme d’affiches installées dans des panneaux abribus présentant une séance de relaxation en langage SMS.

Thomas Tudoux a porté son attention sur l’arrêt de bus, car il s’agit d’un lieu de halte dans le flux urbain qui peut se concevoir comme un moment de répit. XPIR présente en effet une pause paradoxale. La séance de sophrologie qu’il propose semble inviter à la détente et à un recentrage sur soi, mais le langage avec lequel elle est transcrite, le SMS, provient d’une contrainte de temps (écrire vite) et d’une contrainte économique (écrire peu), qui contredit nécessairement cette invitation au repos. Niant l’instant de détente qu’il contient par sa forme même, XPIR transforme l’abribus en oasis de ralentissement artificielle. La pause ne serait donc là que pour redémarrer de plus belle ? Réponse en image avec Thomas Tudoux (voir la vidéo).

Unidivers — Mais, au fait, Thomas, quelle œuvre littéraire vous a marqué ?

Thomas Tudoux — Certainement, Ivan Gontcharov, un écrivain russe du XIXe siècle et son livre Oblomov (1859). Oblomov est un roman sur la recherche du bonheur. Son héros, qui donne son nom au roman, est le prince de la paresse : il craint les tempêtes des passions et désir une existence simple et heureuse. C’est un petit aristocrate dont le souci est de ne pas bouger, de ne rien avoir à décider, ni à éprouver et donc passe la majeure partie de son temps à rêver dans un sofa. Cependant, cet engourdissement n’est pas une abdication, mais bien un choix conscient par lequel il érige la paresse en conception du monde.
Dilettante et antihéros, il est donc le repoussoir du modèle de l’homme d’action. Au XIXe siècle, il est l’exemple critique d’une société bourgeoise décadente. Mais en notre époque frénétique, sa posture relève de l’acte de résistance.
Mes recherches portent justement sur l’hyperactivité, sur cette obligation de l’action permanente d’une gestion de son temps et de son capital (humain, social, financier, etc.) optimisée et efficace. Notre époque honnirait l’oisiveté qui serait la rouille qui gangrène l’être et la société. Or, la force de ce roman est de nous poser cette simple question : et si la paresse, après tout, était moins un vice qu’une forme de sagesse ?

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A voir à Rennes, abribus République et Plélo Colombier, du 1er au 13 mars 2012

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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