Du 15 au 20 avril dernier, le collège de Valleyfield (Québec) accueillait comme chaque année les Fêtes Internationales du Théâtre (FIT). Ce grand festival fait la part belle au théâtre à l’université et aux jeunes compagnies de la relève. L’occasion de parler du théâtre universitaire qui malgré son audace et sa créativité reste très peu vu en dehors du public étudiant.

Le festival a été fondé il y a dix-sept ans par Jean-Marc Larrue, actuel président de L’Association Internationale du Théâtre à l’Université (AITU). Depuis, les FIT ont su trouver les moyens financiers et techniques d’accueillir chaque année une quinzaine de troupes de différents pays à venir présenter leurs travaux dans les deux salles de spectacle dont dispose le Collège de Valleyfield. Cette année, c’est sous la coordination d’Émilie Fortier que les fêtes se sont organisées : le public a pu découvrir des troupes québécoises, italiennes, allemandes ou françaises. Les Fêtes durent une semaine et se clôture par la remise du Prix Salaberry, déterminé par les votes du public.

theatre_etudiantC’est un festival surprenant par son envergure, au regard de la petite ville qui l’accueille, mais aussi par son dynamisme et par la qualité des spectacles qui y sont présentés. Pourtant, en dehors des étudiants et de leur famille, le festival manque de spectateurs. En France aussi, les festivals de théâtre étudiant sont très peu fréquentés par les spectateurs, hors de l’entourage des artistes. Un paradoxe que Jean-Marc Larrue explique sur un site web par le poids des préjugés concernant la qualité des spectacles. Pourtant du point de vue de l’expérimentation et de la recherche esthétique, les pièces étudiantes invitées aux FIT n’ont pas à rougir. Si la question des moyens techniques impose le plus souvent une esthétique sobre (encore qu’assister aux FIT permet de prendre conscience de la différence de moyens dont disposent les troupes selon les pays et les universités), les contraintes humaines et temporelles permettent de créer des images originales, surprenantes et décalées.

La programmation n’est pas constituée uniquement de troupes étudiantes : on rencontre également de jeunes artistes professionnels, anciens étudiants du collège ou anciennes troupes invités au festival. L’équipe organisatrice a l’intelligence de ne pas cloisonner les troupes selon leurs statuts actuels : elle a compris que les étudiants d’aujourd’hui sont pour certains les professionnels de demain (une évidence oubliée par tous, professeurs, professionnels et public, au Québec comme en France), et que dans certains pays comme le Mexique, le théâtre universitaire n’est pas synonyme d’amateur. Là-bas, les artistes professionnels travaillent dans les universités où ils peuvent prendre en charge une troupe de théâtre. La diversité des langues, des cultures, mais aussi des statuts artistiques permet aux troupes invitées d’apprendre les unes des autres et de s’engager dans une démarche expérimentale sur le long terme. Si le festival apprécie le travail d’une compagnie, il la réinvitera, que les artistes soient encore étudiants ou non. Il se permet de suivre de manière privilégiée l’approfondissement de leurs démarches artistiques. Quand la troupe se professionnalisera et sera regardée par d’autres personnes que leurs camarades, les FIT pourront affirmer qu’elles ont suivi leur progression esthétique de près.

 Enfin l’ébullition d’un temps de festival est toujours l’occasion de pousser la réflexion sur ce qui fait théâtre. La dimension internationale et la barrière de la langue poussent les participants à prendre en compte ce qui peut toucher un spectateur d’un autre pays. Pour Gaddo Bagnoli, metteur en scène de la troupe Scimmie Nude qui a remporté le prix Salaberry de cette édition, une œuvre est forte lorsque l’on peut enlever le texte et recevoir pleinement le spectacle. Effectivement, depuis trois ans que le prix Salaberry existe, le public des fêtes qui parle majoritairement français a récompensé trois troupes non francophones.

Elsa Borrel

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