Un jour d’hiver, trois hommes, quarante ans, quittent un cimetière quelque part en Europe. Durant l’enterrement, le maître de cérémonie a prononcé quelques mots malheureux, provoquant la colère de l’un d’eux. Tristes, dépités, les trois amis décident de rester ensemble et d’oublier leur douleur à coups de boissons alcoolisées.

Cette scène ne vous rappelle rien. Elle ouvre Husbands (1970), le film de John Cassavetes, aujourd’hui adapté par Théâtre national de Bretagne et signé Ivo van Hove. « Né en 1958, ce metteur en scène flamand jouit d’une grosse réputation, » rapporte le Journal Le Monde, dans une de ses dernières éditions. Il est invité dans le cadre de « Prospero », un programme européen de coopération entre six théâtres. Il ira ainsi à Berlin, Lisbonne, Liège, Modène et Tempere, mais aussi  à Amsterdam, où il dirige le Toneelgroep.

Après l’adaptation remarquée d’Opening Night (encore un film de Cassavetes), Ivo étonne par sa mise en scène. Écoutons encore Le Monde : « Les spectateurs voient un très grand espace, avec un mur qui fait écran, au fond. Sur cet écran apparaît l’allée d’un cimetière, en noir et blanc, un jour d’hiver. Trois silhouettes d’hommes, d’abord réduites à des points, s’avancent et grossissent, jusqu’au moment où elles envahissent l’écran. Alors, les trois hommes entrent sur scène, en chair et en os. »

Pour classique qu’il soit, ce procédé ouvre un « chemin actif entre le cinéma et le théâtre. Il se poursuivra, d’ailleurs, avec un autre procédé classique, qui consiste à filmer les comédiens, en direct et en vidéo. » Pour le spectateur, cela représente une gymnastique visuelle, poursuit le Journal. « Quand tout se passe bien, cette gymnastique s’oublie. Quand l’ennui s’installe, elle pointe la faiblesse de la mise en scène : une modernité technique chic qui emballe le propos, mais ne le sert pas. » Bon, on ne nous y reprendra plus. On ne lira plus Le Monde avant d’aller au spectacle, à Rennes. Ou on n’ira plus au TNB avant de lire le Monde. Allez, le choix est large. Malgré les apparences.

Husbands John Cassavetes. Mise en scène : Ivo van Hove. Théâtre national de Bretagne, 1, rue Saint-Hélier, Rennes. 02-99-31-12-31. De 10 € à 25 €. A 20 heures, jusqu’au 3 mars. Durée : 2 heures. En néerlandais surtitré.

« Parce que, comme le dit l’un, « la mort est la vie ». Parce qu’il faut en passer par là, et qu’il ne sert à rien de vouloir le nier, indique Le Monde. C’est pourtant ce que fait Ivo van Hove : virtuose, élégante et bien élevée, sa mise en scène transforme la douleur en gymnastique de la douleur. Qu’Husbands soit remarquablement joué n’y change rien. Il manque un sentiment du deuil qu’on ne saurait, comme à Rennes, enrober sous cellophane. Il s’appelle le chagrin.

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