Après le succès de Birdman, le nouveau film d’Alejandro González Iñárritu, The Revenant, était très attendu du public. Changement complet de registre : nous voici dans l’Amérique sauvage du XIXe siècle. Cette histoire de trappeurs réussira-t-elle à attraper les spectateurs ? Sans doute. Le film d’Iñárritu, plusieurs fois récompensé aux Golden Globes, ne manquera pas de rafler dimanche quelques Oscars. DiCaprio décrochera-t-il enfin la prestigieuse statuette ?cinéma, film unidivers, critique, information, magazine, journal, spiritualité

 

The Revenant InarrituVous connaissez Man vs. Wild, cette émission américaine diffusée en France sur NT1 ? Le présentateur retourne en milieu hostile et sauvage et tente d’y survivre par ses propres moyens. On pourrait dire qu’Iñárritu en donne une version cinématographique travaillée, un film hautement plastique. Un Man vs. Wild donc, façon film d’auteur, DiCaprio dans le rôle d’un Bear Grylls XIXe siècle et autrement plus maquillé ? L’humour en moins, l’art en plus.

The Revenant, un goût de revenez-y ? Les 2 heures 36 minutes ne font pas l’effet d’un Birdman ou d’un Babel. On peut bien entendu arguer l’aspect contemplatif et l’étirement de l’histoire, il n’empêche que le film souffre d’un manque de scénario évident. Iñárritu a fait le pari du natural writing, d’une histoire à l’américaine. Les personnages s’étiolent dans ces grands espaces qui les dépassent, au point de les réduire à une lutte quasiment allégorique entre Hugh Glass (Leonardo DiCaprio) et John Fitzgerald (Tom Hardy). L’histoire est certes inspirée de faits réels, on peut néanmoins regretter que le réalisateur mexicain ait utilisé la vérité comme simple prétexte esthétique. L’arrière-plan historique s’avère pourtant merveilleux : nous sommes dans le territoire septentrional de la Louisiane, vendu par la France en 1803, qui couvre du Nord au Sud toute la partie centrale des États-Unis. Plus particulièrement entre le Dakota du Sud et le Dakota du Nord. La nature y est sauvage, le commerce de peaux crée des échanges entre les peuples, mais aussi des conflits. On y croise des trappeurs français, américains, des Amérindiens Pawnees, Arikaras. Iñárritu préfère à la fresque historique le survival esthétique.

The Revenant InarrituSeulement voilà, s’il ne transforme pas complètement l’Histoire, Iñárritu se permet quelques raccourcis. Le rôle ingrat des trappeurs français dans le film mérite quelques précisions. L’histoire française aux Amériques ne se résume pas seulement à des viols et des pendaisons. L’époque a notamment enregistré de nombreux mariages entre autochtones et Français. Mais fermons cette chauvine parenthèse.

Cela reste néanmoins un beau spectacle. Iñárritu réutilise, dans une moindre mesure, ces longs plans-séquences. On se souviendra de la scène liminaire, épique attaque des Arikaras contre les trappeurs américains, du combat entre Hugh Glass et l’ours ou de la traque finale. La caméra à l’épaule immerge complètement le spectateur dans la lutte. Sur le plan esthétique, rien à reprocher à The Revenant. La direction artistique, sans être aussi brillante que prévu, s’avère efficace. Leonardo DiCaprio n’a pas décroché là son meilleur rôle, mais il élude parfaitement le jeu du héros caricatural pour un personnage humble, mais décidé à se venger. Domhnall Gleeson, à la mode décidément depuis Star Wars VII, livre une performance impeccable, à l’instar de Tom Hardy (une nouvelle fois dans un rôle de brute).

The Revenant InarrituL’inscription du récit dans la naturalité américaine, enneigée, blanche, gigantesque, minimaliste, réduit les contours de l’intrigue à une histoire presque édifiante. Hugh Glass, sorte de Lazare du Dakota, laissé pour mort, revient pour traquer l’assassin de son fils et se venger. Cette quête de justice, essentielle, interroge évidemment des principes comme la sauvagerie et la civilisation, le bien et le mal. Rien de nouveau sous le ciel de l’ancienne Louisiane. Hugh Glass subit tout le long du film les pires revers. Ce qui pourrait être une ode à la vie, au souffle, au combat, fait parfois passer DiCaprio pour un Pierre Richard un brin métaphysique. Il reste intéressant que ce personnage à la gorge lacérée, qui ne peut plus parler ou presque, revienne de fait à l’essentiel : survivre et obtenir justice. En bref, une histoire de fantôme qui peine à nous faire frissonner.

Film The Revenant, Alejandro González Iñárritu, États-Unis, western, thriller, 156 minutes, février 2016.

avec Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson, Will Poulter…

Titre original : The Revenant
Réalisation : Alejandro González Iñárritu
Scénario : Alejandro González Iñárritu et Mark L. Smith, d’après Le Revenant de Michael Punke
Direction artistique : Jack Fisk
Décors : Michael Diner
Costumes : Jacqueline West
Photographie : Emmanuel Lubezki
Montage : Stephen Mirrione
Musique : Ryuichi Sakamoto, Alva Noto et Bryce Dessner
Production : Megan Ellison, Steve Golin, Alejandro González Iñárritu, David Kanter, Arnon Milchan, Keith Redmon et James W. Skotchdopole
Sociétés de production : Anonymous Content, New Regency Pictures et RatPac Entertainment
Société de distribution : 20th Century Fox
Dates de sortieÉtats-Unis : 25 décembre 2015, France : 24 février 2016

The revenant, grand favori des Oscars 2016, cérémonie le 28 février :

Il a déjà obtenu de nombreux prix notamment aux Golden Globes (meilleur film dramatique, meilleur réalisateur et meilleur acteur) aux Screen Actors Guild Awards (meilleur acteur) et aux Directors Guild Awards où Iñárritu a remporté le prix du meilleur réalisateur pour la deuxième année consécutive. Il est le film le plus nommé devant Mad Max Fury Road (10 nominations) puisqu’il est présent dans 12 catégories différentes : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur dans un premier rôle (DiCaprio), meilleur acteur de soutien (Tom Hardy), meilleur montage son (Martin Hernandez et Lon Bender), meilleure direction de la photographie (Emmanuel Lubezki), meilleurs effets spéciaux, meilleur Montage, meilleur mixage son, meilleur maquillage et coiffures, meilleurs costumes, meilleurs décors.

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