La Taxe Tobin ou taxe sur les transactions financières ne sera pas. Prévue pour fonctionner dans 11 pays européens, elle a finalement été abandonnée par… Allez, ménageons le suspens.

Pour rappel, il s’agissait de taxer à 0,1 % les transactions financières sur actions et obligations et à 0,01 % sur les produits dérivés. Elle doit son nom à l’économiste américain James Tobin qui émit cette idée en 1972. Pour le périmètre européen prévu, l’ensemble aurait représenté près de 35 milliards d’euros. Soit près de 60 % de la politique agricole européenne, à titre de comparaison.

 Mais pour arriver à ce résultat, il faut obtenir un accord d’un nombre minimum d’Etats. Or, la crainte se répand de voir partir des investisseurs sur d’autres marchés boursiers, faute d’un accord global ; le marché européen étant déjà bien délaissé par rapport aux pôles asiatiques et américains. C’est pourquoi la Hollande avait déjà abandonné le projet en cours de route. Le Royaume-Uni (qui taxe le marché secondaire avec son Stamp Duty Reserve Tax à 0,5 %!) n’y participe pas. Le Luxembourg a revu sa position. La Suède, qui avait taxé les transactions sur son marché à hauteur de 0,5 % avant un effondrement de sa bourse, devrait avoir une position timide. L’Allemagne étant en période électorale, la promesse est aussi facile que l’attentisme.

Aussi, le sujet était voué à l’échec dans une Europe qui a du mal à fonctionner normalement. Mais c’était sans compter sur le discours volontariste de notre ministre des Finances, Pierre Moscovici qui déclarait aux députés il y a quelques mois : « Il faut aller vite et fort ». Souvenez-vous, Lionel Jospin et Jacques Chirac étaient favorables à la création d’une taxe Tobin. D’ailleurs, l’Assemblée nationale a bien adopté la taxe Tobin en 2001, à un taux de…0 %. Ensuite portée par la gauche, puis récupérée par le futur candidat Sarkozy en 2012 qui l’édulcora pour convaincre d’autres Européens avant de la laisser en héritage à son successeur. Elle faisait partie du programme du candidat Hollande qui l’appliqua très timidement à la France. En effet dans le trading, la partie « haute fréquence », c’est-à-dire les transactions automatisées inférieures à 1 seconde, en est exonérée. Ces dernières représentaient jusqu’à 90 % des échanges d’actions en Europe en 2011… Mais après quelques mois, sans doute conseillé par son mentor Dominique Strauss-Kahn, opposé à cette mesure, Pierre Moscovici a changé totalement de discours :

« La taxe sur les transactions financières suscite des inquiétudes quant à l’avenir industriel de la place de Paris et quant au financement de l’économie française », a reconnu Pierre Moscovici devant un parterre d’acteurs de la finance « La proposition de la Commission, je lui ai fait cette remarque, m’apparaît excessive et risque d’aboutir au résultat inverse si nous ne remettons pas les choses dans les rails…. « Notre intention n’est en aucun cas d’avoir une taxe qui agirait comme un repoussoir».

(Photo Charles Hendelus, Creative Commons)
(Photo Charles Hendelus, Creative Commons)

Voilà donc un ministre, hué par le cercle des économistes le 7 juillet, qui répète mot pour mot le discours tenu par ceux à qui il parlait, mais aussi tenu depuis 60 ans par les opposants à cette taxe qui voudrait donner une vision plus solidaire du monde. Un monde dont la finance est déconnectée à tel point qu’elle donne des valeurs faussées à bon nombre d’entreprises. Rappelons aussi que depuis la crise des subprimes, aucun « coupable» n’a été ni jugé ni même désigné par des officiels en dehors d’un Madoff profiteur naïf du système. C’est justement par ces mêmes transactions financières que se passent des déstabilisations de pays entiers dont la dette réelle a été considérablement grossie par des spéculations. D’un autre côté, si la solution passe par la recapitalisation de la dette et le fait d’attirer des investisseurs hors Europe (ce qui n’est pas sans danger), cette taxe est un frein (sur 100 000 d’euros en produit dérivé, elle représente 1000 euros…) et Moscovici propose d’en isoler encore quelques éléments comme les obligations.

Vis-à-vis du grand public, son discours apparaît comme trop technique et surtout un reniement des promesses passées. S’il s’accompagnait seulement d’une critique acerbe à l’égard des coupables des abus passés, peut-être le compromis pourrait-il passer ? Car en coulisse, il paraît évident que c’est du « donnant-donnant» partout dans une Europe où même l’Allemagne exemplaire pourrait basculer en récession. Et si le point critique était aussi à chercher du côté des bénéficiaires de cette hypothétique taxe ?

Didier Ackermann

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Didier Acker
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