La diplomatie internationale a tout d’un jeu d’échecs. Et dans ce sport, la Russie l’emporte souvent. La Syrie pourrait bien en être un nouvel exemple…

Hier, le président russe Vladimir Poutine a fait, avec son chef de la diplomatie Serguei Lavrov, une proposition si habile qu’elle semble enterrer pour un moment les frappes ciblées des Américains et Français. Il s’agit de mettre sous contrôle l’armement chimique syrien. Mais le coup de maitre de Lavrov et de Poutine est de sortir cette proposition au moment où le Congrès américain se prononce contre les propositions d’attaque de l’administration Obama.

Pourtant cette semaine, le staff d’Obama avait lancé une offensive massive pour expliquer son action en Syrie. Spots de publicités, appels à tous les sénateurs et membre du congrès – rien n’était laissé au hasard. Mais c’était mal connaître l’habileté d’un Lavrov et ses capacités d’influence sur le régime syrien. Car Bachar El-Assad n’est pas un dictateur tout puissant comme pouvait l’être son père. Il n’a vraisemblablement pas su se débarrasser du poids de l’appareil du parti Baas. Aussi il est tout à fait possible qu’il n’ait pas ordonné de frappes chimiques. Des écoutes allemandes semblent conforter l’hypothèse d’une décision unilatérale d’un gradé aux abois. Face à cela, l’appui russe est important, car la Russie dispose d’une base militaire à Tartus avec 150 hommes. Le matériel de l’armée syrienne reste très lié à son allié russe.

sergueilavrov
Serguei Lavrov

Poutine et sa diplomatie ont compris que le point de bascule était « l’utilisation d’armes chimiques ». En garantissant leur neutralisation, ils bloquent toute attaque contre ces points d’approvisionnement, attaques pouvant être dangereuses, mais il remet la lumière sur les approvisionnements en armes des rebelles et leur utilisation potentielle d’armes chimiques. Mais il le fait en sauvant la face d’un Obama affaibli, tout en donnant une leçon de négociation aux démocraties occidentales qui l’accusaient d’immobilisme meurtrier. Le président Hollande et son ministre Laurent Fabius se retrouvent totalement isolés dans leur posture guerrière, ce qui finit de condamner la diplomatie française dans les mois à venir.

Après avoir tenu une position de statu quo sur l’échiquier international, la Russie a su attendre l’erreur adverse pour une attaque qui pourrait être fatale. La Chine a conservé sa position plus en retenue, mais il reste à garantir que les armes chimiques sont sous contrôle dans une guerre sans front défini, faite de poches de guérillas et de milices. En pratique, ladite proposition a fait gagner du temps, et le temps était, ces jours-ci, en faveur du régime syrien qui reprenait position sur position. La population civile reste toujours otage dans les zones de conflit, les autres conservant une étonnante quiétude d’après les observateurs sur place. Les joueurs américains et européens trouveront-ils une parade ? La France tente, par l’intermédiaire d’une résolution calquée sur la proposition russe, de rester dans le jeu. Mais la Russie joue sur le détail pour garder la main. La partie n’est pas finie.

Didier Ackermann

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Didier Acker
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