Que peut-il bien se passer dans la tête d’un chorégraphe ? Découvrez la réponse dans le spectacle de Sylvain Riéjou le 16 octobre au Triangle – Cité de la danse. Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver met en scène le dialogue intérieur des chorégraphes lors de la création de danses.

Sylvain Riéjou se démultiplie sur la scène du Triangle. Son corps est le danseur qui exécute les gestes choisis par un chorégraphe. Sa voix enregistrée est ce chorégraphe en pleine création, sa conscience. Et, de temps à autres, le chorégraphe ou d’autres danseurs s’incarnent à l’écran, toujours sous les traits de Sylvain Riéjou. Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver vous ouvre une fenêtre sur le processus de création presque schizophrène d’un danseur-chorégraphe.

En une heure, Sylvain Riéjou vous donne à voir la façon dont il écrit une chanson de geste de 2 minutes 30, une danse qui illustre et symbolise les paroles d’une chanson. « J’explique les prises de tête par lesquelles je suis passé, tous les chemins empruntés, les fausses pistes et les bonnes, les moments où on est gentil avec soi-même et ceux où l’on ne peut plus se supporter », résume le danseur.

Ce solo, créé en 2016, est la rencontre entre danse et vidéo inévitable au regard de la carrière de Sylvain Riéjou. Il s’est intéressé à la danse dès ses 7 ans. « Je dansais avec ma mère et ma sœur sur des chansons de Mylène Farmer », se souvient-il. Lorsque sa sœur a pris des cours de danse il en a fait de même, mais il a vite arrêté. « À mon époque, les petits garçons qui faisaient de la danse étaient pas mal embêtés et traités de pédé, etc. », déplore-t-il.

« J’ai toujours été jaloux de mes amis peintres ou écrivains qui pouvaient travailler de chez eux. Les danseurs sont toujours dépendant d’un studio OU d’un théâtre. »

C’est à l’université qu’il a repris la pratique de la danse, un peu par hasard. Il jouait dans une pièce de théâtre et les comédiens ont dû prendre des cours de danse contemporaine. Cela a été un déclic pour le jeune Sylvain Riéjou et il s’est inscrit à des cours de danse en parallèle de ses études de psychomotricien. Sa passion a pris le dessus et il n’a jamais exercé une fois son diplôme obtenu.

Une carrière marquée par la vidéo

En 2006, il a intégré une cellule d’insertion professionnelle au Centre de développement chorégraphique national de Toulouse. Il a alors travaillé avec des chorégraphes et des médias en lien avec la danse. Du théâtre, des arts plastiques, de la photo, etc. « Au stage de vidéo, il s’est vraiment passé un truc. Je me suis éclaté et j’ai commencé à faire des vidéos chez moi pour m’amuser », explique Sylvain Riéjou.

© Alexis Komenda

Puis il a participé au concours Danse élargie organisé par le théâtre de la ville de Paris et le Musée de la danse à Rennes en 2010. Sa vidéo a été rediffusée plusieurs fois par le Théâtre de la Ville. Très enthousiaste, il s’est formé aux logiciels de montage lors des temps libres de ses tournées de danseur. « J’ai toujours été jaloux de mes amis peintres ou écrivains qui pouvaient travailler de chez eux. Les danseurs sont dépendants d’un studio, d’un théâtre, etc. La vidéo m’a semblé être une bonne manière d’exercer mon art tout seul chez moi, tranquille », avoue-t-il.

« j’avais beaucoup plus de particularité quand je décidais le mouvement que lorsque je l’interprétais. »

Cela l’a conduit à être sélectionné pour une bourse de recherche à Bruxelles entre 2013 et 2016 afin de travailler autour de la danse et de la vidéo. C’est à son issue qu’il a créé Mieux vaut partir d’un cliché que d’y revenir et la vidéo s’est imposée sur la scène comme une évidence.

Une longue envie de chorégraphier

Dès le début, Sylvain Riéjou a su qu’il était fait pour chorégraphier. « J’ai tout de suite vu que j’avais beaucoup plus de particularité quand je décidais le mouvement que lorsque je l’interprétais », se souvient-il. Et ses professeurs confirmaient cette impression.

Et puis, lors d’une tournée, il s’est lancé. Seul dans sa chambre d’hôtel, un peu malheureux, il a écouté L’ho perduta, un air de soprano des Noces de Figaro de Mozart, en boucle. Il a commencé à écrire des mouvements dessus. « J’avais déjà envie d’écrire un solo. Une fois cette chanson de geste en poche, je me suis dit que je pourrais essayer de donner à voir comment je l’ai écrite. »

Sylvain Riéjou danseur associé le triangle rennes
© Alexis Komenda

Lors de la première de Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver, il a ressenti quelque chose de magique. « Je l’ai écrit dans ma chambre, seul. Je n’ai pas demandé d’espace de répétition ou d’argent. J’ai eu une journée pour tout assembler et répéter. Et là, j’ai vu que tout ce que j’avais imaginé dans ma tête fonctionnait. Ça a été mon plus beau souvenir de scène. Ce que j’avais créé dans ma tête, tout seul dans ma chambre, pouvait exister sur un plateau de théâtre devant des gens que je ne connaissais pas et je pouvais réussir à leur raconter une histoire à laquelle ils ont cru. » En effet, le solo est apprécié et tourne toujours en France.

« On n’a pas besoin de regarder des films de Pasolini pour voir des beaux films. »

Des références populaires

Cet attrait pour la vidéo vient peut-être de son amour du cinéma. Son film culte ? Dirty Dancing. « Ce n’est pas du tout un film d’art et d’essai. La plupart des gens que je connais ont toujours des références très pointues mais moi, je viens d’un milieu populaire. Il y a tout un travail dans Dirty Dancing sur le mouvement. Les gros plans sur des parties du corps lorsque Jennifer Grey apprend à danser… Je fais un travail très populaire que je revendique, j’ai envie qu’il soit accessible à tout le monde. On n’a pas besoin de regarder des films de Pasolini pour voir des beaux films », défend-il.

Sylvain Riéjou se retrouve aussi dans le cinéma muet. « Je me sens parfois plus proches de certains mimes que de certains chorégraphes. Pour moi, Charlie Chaplin ou Buster Keaton sont des danseurs parce qu’ils racontent des histoires sans forcément avoir besoin de parler. Ce serait peut-être un peu ça la danse à mon avis. Raconter des histoires sans avoir besoin de parler et en s’appuyant sur la musique », explique-t-il.

© Alexis Komenda

Trois chorégraphes l’ont énormément marqué dans sa carrière. Olivia Grandville, artiste associée au Lieu unique à Nantes, dont la danse est très expressive, engageante physiquement et techniquement. Aurélie Gandit, basée à Nancy, la première chorégraphe à l’avoir fait parler en dansant. Et puis Tatiana Julien, indiquée comme coach chorégraphique de Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver. « C’est une chorégraphe qui a beaucoup de courage, elle est très engagée dans son travail. C’est elle qui m’a poussé à écrire mon premier solo et à un moment m’a dit qu’il était temps de le montrer », relate le chorégraphe.

Des titres plutôt longs

« On raccourcit toujours mes titres », rit Sylvain Riéjou. Il faut dire qu’entre Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver et son deuxième solo Je rentre dans le droit chemin (qui comme tu le sais n’existe pas et qui par ailleurs n’est pas droit), on se demande s’il ne fait pas exprès. Ces phrases viennent de choses qu’il entend ou lit. La première a été prononcée par Alfred Hitchcock, la seconde écrite par Fred Vargas. Son spectacle suivant s’intitulera Je badine avec l’amour, en référence à la pièce d’Alfred de Musset. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter, Sylvain Riéjou lui-même, lorsqu’il parle de ses créations, raccourcit les titres…

Sylvain Riéjou est artiste associé au Triangle. Il y présentera Je rentre dans le droit chemin en février 2021. Il organisera aussi La tablée fantastique afin de clore la saison le 12 juin prochain. Artistes et amateurs y seront conviés à danser et à se reconnecter à leurs corps.

Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver de Sylvain Riéjou. Vendredi 16 octobre 2020

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À 14h30 et 19h au Triangle – Cité de la danse, Boulevard Yougoslavie, 35201 Rennes.

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