Suis-moi je te fuis est un drame romantique du réalisateur japonais Kôji Fukada. Véritable fresque cinématographique, il a été sélectionné en compétition au festival de Cannes 2020 et fera sa sortie en salle en France le 11 mai 2022. Retour sur un film d’une grande envergure.

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uis-moi je te fuis est l’adaptation en film de la série de dix épisodes The real thing du réalisateur Kôji Fukada sortie au Japon en 2019. Adaptée en France en deux volets, Suis-moi je te fuis et Fuis-moi je te suis, la version complète du film fait partie de la sélection officielle du festival de Cannes 2020.

suis-moi je te fuis

Le premier volet Suis-moi je te fuis met en scène Tsuji, jeune employé d’une trentaine d’années dans une entreprise de feux d’artifice. Le cœur de ce dernier balance entre ses deux collègues de bureau, jusqu’à cette nuit où il rencontre Ukiyo, à qui il sauve la vie sur un passage à niveau. Malgré les mises en garde de son entourage, il est irrémédiablement attiré par la jeune femme… qui n’a de cesse de disparaître.

suis-moi je te fuis
© Art House Films

Kôji Fukada nous livre ici un film qui tient à la fois de l’épopée et du drame silencieux et intime. Dans une quête à la fois de soi et d’un amour cependant impossible, il nous livre une histoire intime à laquelle chacun pourrait s’identifier.

Il y d’abord la vie tracée que Tsuji mène entre son travail et ses histoires sentimentales. Au travail il oscille entre sa relation tenue cachée avec sa supérieure Madame Hosokawa et une amourette avec sa collègue. Toutes les deux s’imaginent déjà avoir la bague au doigt, alors que Tsuji n’éprouve aucun sentiment envers les deux femmes. Une routine qui le rend bien malheureux et à laquelle il n’y met aucun cœur. Le soir où il rencontre Ukioy dans un petit konbini (de l’anglais convenience store, supérette, commerce de proximité), tout change. Sa routine est brisée et pour la première fois il semble sortir de sa torpeur pour se faire assaillir de sentiments bien différents les uns des autres.

Et puis il y a Ukiyo, la jeune femme qu’il sauve in extremis sur un passage à niveau et qui semble avoir une vie compliquée. Bien qu’enchaînée à son passé et ses problèmes, elle fait irruption et revient chaque fois vers Tsuji libre comme le vent, n’appartenant et ne voulant appartenir à aucun homme. Aussi mystérieuse que libre, elle entraînera Tsuji dans les sphères compliquées de sa vie personnelle, le jeune homme étant irrémédiablement attiré par elle.

suis-moi je te fuis
© Art House Films

Mais Kôji Fukada ne brosse pas un tableau heureux, il nous confronte à nos propres réalités où souvent le complexe prend le pas sur nos espérances. Qui d’entre nous n’a pas connu de relations difficiles, toxiques, voire impossibles. Tout Japonais qu’il soit, le réalisateur semble réécrire une tragédie cornélienne contemporaine où le devoir et les obligations l’emportent sur l’amour et la passion naissante.

Entre la fuite constante de Ukioyo et la persistance de Tsuji vers qui elle revient toujours, le film puise sa force narrative dans une grande délicatesse et subtilité des personnages. Suis-moi je te fuis réunit les complications personnelles et les détails dans une histoire faite de flux et de reflux, symboles de l’éternel recommencement. Et au moment où finalement on croit entrevoir la lumière à la fin du tunnel pour les deux héros, Ukioyo s’enfuit… et cette fois définitivement. Mais qui sait, peut-être réapparaitra-t-elle dans le second volet ?

suis-moi je te fuis
© Art House Films

Suis-moi je te fuis est un chef-d’œuvre d’exécution tant par le scénario qui fait toujours dans le subtil et joue sur la lecture du caractère intime de chaque personnage que par le jeu des acteurs. Kaho Tsuchimura et Win Morisaki exécutent magistralement leur alter ego. On ressent la douleur, mais aussi la joie plutôt rare de Ukiyo (Kaho Tsuchimura), le désarroi de Tsuji (Win Morisaki). Deux protagonistes qui se sont perdus dans les méandres de leur vie bien différentes l’une de l’autre et qui semblent vouloir reconquérir leur liberté. Un drame très complexe dans un Japon moderne extrêmement réaliste.

« Rien n’y est anodin ou futile, tout y fait sens et, si on réagit au quart de tour à chaque séquence du film pendant sa projection, c’est qu’il met dans le mille de ce qui nous préoccupe le plus : ces constructions sociales qui interfèrent dans nos relations, y compris celles de l’amour » – O.J pour le media hanabi

Avec cette nouvelle fresque cinématographique, Kôji Fukada renforce sa présence sur la scène du cinéma japonais. Depuis moins de dix ans le réalisateur est devenu l’un des pionniers du cinéma japonais contemporain en bousculant le genre à travers des œuvres aussi bien authentiques qu’esthétique. Une vision du Japon moderne à découvrir dans Suis-moi je te fuis !

Infos pratiques

Suis-moi je te fuis de Kôji Fukada, 2020

Titre original : The real thing – 2019

Durée : 1h45

Avec Win Morisaki et Kaho Tsuchimura

Sortie dans les salles en France – 11 mai 2022

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