La Succession, le nouveau roman mélancolique de Jean-Paul Dubois, aurait pu être d’une grande noirceur. C’était sans compter les digressions intelligentes et jouissives d’un auteur subtil qui sait manier avec bonheur les moments de grâce et de fragilité.

Ces gens-là, incapables de vivre, de supporter leur propre poids sur terre, m’avaient fait, fabriqué, détraqué.

À peine arrivé à Miami, Paul avait reçu un message de son père : «Un jour tu finiras par prendre ma succession». L’annonce de son suicide en 1987 oblige Paul à rentrer à Toulouse pour un court séjour puis pour reprendre son cabinet de médecin pendant dix ans lorsque les grèves au Jaï-alaï de Miami le prive de boulot. Lui qui voyait son père comme un bloc massif d’indifférence découvre une part méconnue de son existence.
Nous n’avions jamais discuté science ou technique ni même éthique. Je crois que pour lui, j’étais un pelotari à la con, un gosse qui ne comprenait rien à la vie, une sorte de Peter Pan avec un bras plus long que l’autre qui croyait pouvoir cueillir le monde dans sa barquette d’osier.
Le rôle d’un médecin est de soigner, mais aussi d’écouter et parfois d’accompagner et d’aider ceux qui n’ont plus aucun espoir.
Personne ne nous avait appris à éteindre des vies, à voir s’en aller quelqu’un sur notre injonction. Au contraire. On nous avait enseigné que c’était le privilège des dieux, ce que, fort heureusement, nous n’avions jamais été.
Les années toulousaines emportent Paul loin de la légèreté de Miami. Avec le souvenir d’Ingvild, la perte de Watson, l’éloignement de Joey et surtout le poids d’une lourde succession, Paul perd le sourire basque.
Peut-on vraiment choisir sa vie et échapper à la malédiction d’une famille, qui, comme celle des Hemingway se trouve placée sous le double signe de la médecine et du malheur ?

C’est cela le monde de Jean-Paul Dubois, une tranche de vie mélancolique d’un Paul un peu dépressif soumis au poids familial et aux pertes inévitables de la vie, mais aussi à la beauté d’instants de grâce avec la nature, les animaux et d’anecdotes riches qui éclairent le récit d’un éclat de tendresse.
La Succession de Jean-Paul Dubois, Editions de l’Olivier, août 2016, 240 pages, prix : 19 euros
Jean-Paul Dubois est né en 1950 à Toulouse. Après des études de sociologie, il devient journaliste. Auteur d’une quinzaine de romans, il a reçu le Prix Femina et le Prix du Roman Fnac en 2004 pour Une vie française. Plusieurs de ses romans ont été portés à l’écran ( Kennedy et moi, Vous plaisantez Monsieur Tanner, Le cas Sneijer) dont tout récemment Le fils de Jean, adaptation de Si ce livre pouvait me rapprocher de toi (1999).
Livres Hebdo publie, dans son numéro 1098 du vendredi 23 septembre 2016, le palmarès qui, chaque année, présente dans la rentrée littéraire les romans préférés des libraires.
300 professionnels interrogés ont désigné en tête de leurs choix :
Écoutez nos défaites de Laurent Gaudé (Actes Sud) en littérature française et Les bottes suédoises d’Henning Mankell (Seuil) en littérature étrangère.
Ils ont aussi particulièrement apprécié, en fiction française : Un paquebot dans les arbres de Valentine Goby (Actes Sud), classé 2e, Petit pays de Gaël Faye (Grasset), 3e, La succession de Jean-Paul Dubois (L’Olivier), 4e, et Le grand jeu de Céline Minard (Rivages), qui arrive en 5e position.
Chez les étrangers, outre le roman d’Henning Mankell, ils ont distingué Station Eleven d’Emily St. John Mandel (Rivages), 2e, Sur cette terre comme au ciel de Davide Enia (Albin Michel), 3e, The girls premier roman de la jeune Emma Cline (Quai Voltaire), 4e, ou encore Judas d’Amos Oz (Gallimard) qui se place sur la 5e marche des fictions étrangères préférées des libraires.
