Stade Rennais et Habib Beye : la pression se…

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Stade rennais

Après une semaine sous haute tension fin octobre, puis un vrai bol d’air avec les victoires contre Strasbourg (4–1) et au Paris FC (0–1), le Stade Rennais vient de retomber brutalement sur terre avec une lourde défaite au Parc des Princes (5–0). Habib Beye est toujours en poste, mais son mandat reste suspendu à une équation fragile : transformer un maintien in extremis de la confiance de ses dirigeants en véritable projet de reconquête.

Cette séquence contrastée ne gomme pas les fragilités pointées depuis le début de saison, mais elle recontextualise le débat. Le vestiaire a répondu présent au moment où le coach semblait au bord de la rupture, la dynamique s’est redressée, puis le PSG a rappelé avec fracas la distance qui sépare encore Rennes du très haut niveau. Pour Beye, la menace d’un limogeage express s’est muée en sursis actif : plus question de vivre « au jour le jour », mais de prouver que le redressement entrevu n’était pas qu’une parenthèse.

Le match-référence : Rennes–Strasbourg 4–1

  • Score : Rennes 4–1 Strasbourg (J11, Ligue 1)
  • Buteurs rennais : Estéban Lepaul (triplé), Kader Meïté
  • Signal fort : premier succès en Championnat depuis la mi-septembre, contenu maîtrisé et réalisme retrouvé.

Ce que cela changeait alors : ce succès mettait fin à une série sans victoire et redonnait des marges de manœuvre à l’entraîneur. Les choix forts de Beye (logique de performance, hiérarchie assumée) trouvaient une traduction immédiate au tableau d’affichage. À ce moment-là, le discours interne glissait d’un possible « changement de cap » à l’idée d’un rebond à accompagner plutôt qu’à casser.

Cap confirmé : Paris FC–Rennes 0–1

  • Score : Paris FC 0–1 Rennes (J12, Ligue 1)
  • Buteur : Breel Embolo, entré en cours de jeu, but décisif pour enchaîner une deuxième victoire.
  • Lecture du match : Rennes a souffert par séquences mais a tenu, s’appuyant sur un gardien décisif et une meilleure gestion des transitions. En conférence d’après-match, Beye soulignait la valeur de ce résultat « sale mais précieux » pour installer une dynamique.

Fin octobre : un limogeage presque acté, puis une volte-face

Pour comprendre la situation actuelle, il faut revenir à la défaite contre Nice (1–2) au Roazhon Park, le 26 octobre. À ce moment-là, tout indique que le sort de Habib Beye est scellé : une seule victoire en neuf journées, un jeu haché, un public agacé, et des dirigeants qui, selon plusieurs médias, commencent déjà à sonder le marché pour lui trouver un successeur.

Dans un entretien accordé ensuite à L’Équipe et relayé par différents médias sportifs, le président Arnaud Pouille a reconnu sans détour que le club avait réellement envisagé de se séparer de son entraîneur. La « question de continuer avec le coach » s’est posée jusqu’au lundi suivant en milieu d’après-midi, avant que le nul à Toulouse (2–2) puis le contenu du match ne fassent basculer la décision. Le vestiaire, solidaire, plaide pour le maintien de Beye. La famille Pinault pousse elle aussi à la stabilité plutôt qu’au réflexe du licenciement.

Résultat : ce qui ressemblait à un limogeage programmé devient une prise de position assumée. Pouille descend dans le vestiaire et confirme publiquement sa confiance, au moment même où nombre de commentateurs annonçaient déjà le départ du coach. Derrière, la large victoire face à Strasbourg puis le succès au Paris FC valident, au moins temporairement, ce pari de la continuité.

PSG–Rennes 5–0 : claque passagère ou révélateur de limites ?

La gifle reçue au Parc des Princes (5–0) est venue casser net la narration idéale. Sur la pelouse du champion d’Europe, Rennes a rapidement été sanctionné dans les zones de vérité. En conférence de presse, Habib Beye a lui-même parlé de manque de malice, de naïveté, de gentillesse dans les duels, reconnaissant sans détour la supériorité du PSG et le caractère « mérité » de la défaite.

Dans l’opinion, ce revers a ravivé les débats : certains y voient un accident logique face à un adversaire surarmé, d’autres y lisent la preuve qu’il manque encore à Rennes un niveau d’exigence, de concentration et de densité physique pour prétendre s’installer durablement dans le top 4. La question, pour le staff comme pour la direction, est désormais de savoir si cette claque laissera des traces ou servira de point d’appui pour hausser le curseur.

Que vaut aujourd’hui le « sursis » d’Habib Beye ?

À très court terme, les signaux venus de la direction restent plutôt clairs : les dirigeants assument leur choix de l’avoir maintenu, en rappelant que Rennes fait partie des équipes qui ont le moins perdu depuis le début de saison et qu’il reste solidement arrimé au wagon des places européennes. Mais, dans le même temps, la communication d’Arnaud Pouille laisse entendre que l’évaluation se fera sur une séquence plus longue, à l’échelle de plusieurs semaines et non d’un simple sursaut.

  • Pour l’effectif : la hiérarchie s’est clarifiée, avec un Estéban Lepaul buteur en série, un Embolo précieux en impact player, et des cadres qui savent désormais qu’aucun statut n’est gravé dans le marbre.
  • Pour la direction : le « presque limogeage » de fin octobre a servi de stress test. Il a montré à quel point un changement précipité peut déstabiliser un groupe, mais aussi combien le club reste sous pression de résultats. La tentation du coup de balai n’a pas disparu, elle est simplement repoussée.
  • Pour le staff : la claque du Parc oblige Beye et ses adjoints à ajuster leur discours. Impossible de se contenter du récit de la belle série d’automne : il faut désormais prouver, contre des adversaires moins armés que le PSG, que Rennes a réellement « switché » dans sa manière de gérer ses temps faibles.
  • Pour l’ambition : l’objectif de qualification européenne reste dans les têtes, mais il est conditionné à une exigence de constance. Plus que l’exploit ponctuel, c’est la capacité à enchaîner les victoires contre les équipes de son championnat qui décidera du sort du coach.

Trois trajectoires possibles pour la suite

Sans jouer les prophètes, on peut esquisser trois trajectoires possibles pour les prochaines semaines :

  • 1. La stabilisation : Rennes digère la claque du Parc, remet de l’ordre contre des adversaires à sa portée et confirme sa place dans le haut de tableau. Dans ce scénario, le dossier « limogeage » s’éteint de lui-même, et Beye aborde la fin de saison avec un crédit reconstitué.
  • 2. Les montagnes russes : l’équipe alterne coups d’éclat et rechutes. Sportivement, Rennes reste dans la course, mais sans vraie continuité. La direction peut alors être tentée de relancer le débat à la première vraie crise, au risque de replonger dans un feuilleton permanent.
  • 3. La rupture : si la défaite au PSG marque le début d’une spirale négative, avec un retour des vieux démons (défense friable, occasions gâchées, fébrilité mentale), la question du limogeage se reposera vite, cette fois sans filet ni état de grâce.

Pour l’heure, une chose est sûre : Habib Beye n’est plus l’entraîneur « déjà condamné » que certains annonçaient fin octobre, mais il n’est pas non plus devenu intouchable. Entre ces deux extrêmes, le Stade Rennais joue une partie serrée où chaque série de résultats pèse lourd. Ce sont désormais la constance, l’évolution du jeu et la capacité à encaisser les coups durs qui diront si la presque-séparation de l’automne restera une parenthèse… ou l’annonce d’un divorce simplement repoussé.

Julien Caradec
Julien Caradec est journaliste sportif indépendant, spécialiste du football et des grands enjeux du sport breton. Entre passion du terrain et regard analytique, il suit de près l’actualité des clubs régionaux, nationaux et des compétitions européennes. Sa plume conjugue rigueur journalistique et sens du récit, avec un attachement particulier aux trajectoires humaines derrière les performances.