Le mot noce vient du latin nubere et signifie « voiler ». Mais que cache donc cette singulière cérémonie ?… La Caravane Compagnie vous propose un examen approfondi de la question avec Oui ! variation autour d’une journée de noces les 6 et 7 octobre 2018 au théâtre du Sabot d’Or de Saint-Gilles (35). Original, enthousiasmant, intelligent.

« C’est le grand jour, la famille s’apprête à sortir de la mairie. Jusqu’au bal, les spectateurs sont invités à participer à cette folle journée de noces. Comme souvent, rien ne se passera tout à fait comme prévu. Alors, revêtez vos plus beaux atours, préparez un bon plat à partager au “buffet-auberge espagnole” de noces et rendez-vous à la mairie pour vivre une journée pas comme les autres ! »

Le collectif propose au public d’assister à une journée de noce comme s’il y était invité… Lors de ce spectacle immersif grandeur nature, le traditionnel rituel familial pourrait bien tourner au vinaigre… donnant au spectateur l’occasion d’étudier les mécanismes relationnels qui régissent nos vies de groupe. Avec Gaël Le Guillou-Castel, metteur en scène de « Oui ! », nous cherchons à comprendre le pourquoi du comment de ce spectacle atypique.

Vive les mariés !

Que diriez-vous de vous rendre à la célébration de l’union d’inconnus ? Aucun faire-part ne vous sera demandé, juste un ticket d’entrée. Une expérience de théâtre insolite, en immersion dans un faux-événement dont vous serez l’un des invités. « Ce n’est pas forcément participatif, en fait les gens restent là où ils veulent », précise Gaël, soulignant que dans cette pièce déambulatoire — où l’on traverse des lieux publics — le spectateur est maître de choisir sa place et son intrusion (ou sa non-intrusion) dans la représentation. « Ceux qui veulent aller aux toilettes y vont, ceux qui veulent parler aux acteurs le peuvent, ceux qui sont fatigués s’assoient ou mangent. ». Liberté de mouvement et liberté d’appréciation.

« Ça ne se vit pas comme un spectacle classique » ajoute-t-il. Et pour cause, 5 heures sur scène, malgré les décors extérieurs, ce n’est pas classique ni facile à endurer pour tout le monde. « Une de nos recherches était d’étudier comment les gens pourraient éprouver cette durée, avec parfois des moments où tout s’accélère et d’autres qui s’étirent », et de remarquer, après la première en mai dernier dans les décors extérieurs de Vitré, que les spectateurs ont vécu la chose inégalement. Si certains ont trouvé le temps long, d’autres « ont su accepter et apprécier la durée pour ce qu’elle a de réaliste et de participant au travail d’immersion du spectateur ». Autre variante des noces classiques : chaque spectateur-invité est prié d’apporter son plat (repas partagé).

Oui Caravane Compagnie

Genèse et intention

Depuis sa création en 2006, la Caravane Compagnie se penche incessamment sur la question des relations entre l’individu et le collectif, le collectif et l’individu. « Oui ! » vient clôturer un cycle lancé en 2011 sur le thème de la famille, choix logique quand on la sait être le premier groupe d’appartenance et donc d’influence sociale. En Famille interroge « les filiations, les alliances, ce que la famille laisse en nous, ce dont on se charge, ce qu’on y abandonne ».

Pourquoi le choix de la journée de noce ? Gaël nous donne son point de vue d’artiste éclairé par les sciences humaines : « Je trouve cela étrange qu’on ait recours à des rituels qui vont chercher des notions telles que celle du plus beau jour de la vie. Cette injonction à mettre en représentation un amour parfait, une famille parfaite, cohérente, soudée, cette injonction à la fête. » Et d’ajouter : « Je m’interroge aussi sur le rapport à l’argent. Car même, et surtout si l’on vient d’un milieu très modeste, on va chercher à faire étalage d’un argent qu’on n’a pas, parfois jusqu’à l’endettement, donc se mettre en représentation de quelque chose que l’on n’est pas. Quel est là le système social structurel qui vient faire pression sur des individus pour qu’ils se mettent dans ces situations là ? » Déjouer la mise en représentation machinale du soi en la représentant sciemment dans une œuvre… comment réaliser ce tour de force ?

Oui saint-gilles

Théâtre docu-fiction

La compagnie se saisit de son sujet à la fois par la fiction et le documentaire. Engagée dans une démarche d’ancrage dans un territoire et de rencontre avec le monde, la création de « Oui ! » commence par l’accumulation de témoignages sur le mariage. Près de 40 entretiens auprès de locaux : « mariés, célibataires, romantiques, déçus du mariage, mais aussi professionnels en lien avec le mariage traditionnel : photographes, traiteurs, avocats, notaires… » ont permis de développer des points de vue divers, un panorama de l’expérience maritale. « L’expertise des gens me passionne peut-être plus que les penseurs à cet endroit-là. » Cette base documentaire vient agrémenter le travail purement créatif de la compagnie, de manière à « s’éloigner d’un prêt à penser » en restant « ouvert à tous les points de vue ». Cette méthode vient illustrer le maître mot de la Compagnie, la rencontre.
Une base scientifique a également servi de guide, notamment celle des travaux de Florence Maillochon, sociologue ayant dédié ses recherches aux noces, avec par exemple des constats sur « la reproduction des inégalités sociales qu’on retrouve dans les listes d’invités… »

Oui spectacle

L’illusion et le réel

« Je ne souhaite pas faire des spectacles qui peuvent se rapprocher de la morale, du prêt à penser. Je me garde d’être injonctif sur ce que les gens peuvent prendre dans ce spectacle » affirme Gaël. « Ce que je souhaite, c’est montrer ces mécanismes présents entre l’individu et le collectif, en jouant sur le frottement du spectateur avec le réel. ». Acquérir donc, par l’immersion et le faux-semblant, une illusion de réalité dans le but de créer un climat de jeu et de confiance avec le spectateur. Sous couvert de cette fausse intimité, « glisser vers quelque chose d’autre » et parvenir en fin de représentation à « montrer des textes contemporains très exigeants, y compris à des gens qui n’iraient jamais voir un spectacle de théâtre contemporain. Mais parce qu’on a fait un parcours avec eux, ça devient possible… »

Gael Le Guillou caravane compagnie

Par un habile tango illusionniste faisant disparaître les frontières entre fiction et réalité, entre l’humain et l’œuvre, la pièce amènerait donc le spectateur à s’ouvrir à tous les possibles artistiques et à se sensibiliser de manière aiguë à ce qu’on lui propose… sans toutefois ne rien imposer au spectateur quant à la réception de cette œuvre. Gaël l’affirme : « Un de mes rêves de théâtre serait que la représentation ne soit pas un rapport de force entre les acteurs et les spectateurs, mais un lieu de vie partagé, un endroit commun où chacun vit sa vie. »  Rêve ou réalité ? Réponse le 6 et 7 octobre à Saint-Gilles.

SABOT D’OR SAINT GILLES OUI ! VARIATION AUTOUR D’UNE JOUR DE NOCE, 6 et 7 octobre 2018.
À partir de 10 ans – 5 h dont le repas partagé.
LE SABOT D’OR , LE PONT HAZARD 35590 ST GILLES
Début du spectacle devant la mairie (vous pouvez déposer vos plats avant le spectacle au Sabot d’Or)
Samedi 6 octobre 2018 : 17H.
Dimanche 7 octobre 2018 : 11H30
Tarif plein 10€ . Abonnés 8€. Carte Sortir ! 4€
Renseignements au 02 99 64 63 27.
Billetterie à la mairie de Saint-Gilles et à destination Rennes

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