En mars 2021, la douceur printanière s’installe dans nos librairies. Les rayons de littérature française offrent une belle palette d’auteurs à la plume délicate qui ont l’habitude de nous charmer de leur tendre regard. Mais ne vous fiez pas aux apparences, sous la douceur se cachent parfois de glaçantes révoltes.

En littérature étrangère, gros plan sur les relations familiales souvent troublées par les silences du passé. Côté Polars, place aux Français ! En version poche pour accompagner vos sorties au grand air, vous n’aurez que l’embarras du choix. Les romans de Delphine de Vigan et d’Olivier Bourdeaut se mettent en phase pour dénoncer la société du paraître.

delphine de vigan

Avec Les loyautés (JC Lattès, 2018) puis Les gratitudes (JC Lattès, 2019), Delphine de Vigan amorçait un triptyque romanesque qui explore les bons sentiments, ciment de nos relations humaines. Elle nous revient aujourd’hui chez Gallimard où elle a suivi son éditrice, Karina Hocine, ancienne directrice adjointe de JC Lattès. A-t-elle abandonné ses bons sentiments dans ce transfert ? Toujours est-il que dans Les enfants sont rois (Gallimard, 4 mars 2021), on y traque plutôt un des travers de notre société, le besoin d’être vu. Mélanie Claux est une influenceuse, bercée dans sa jeunesse par les émissions de télé-réalité. Elle n’hésite pas à mettre en scène sa famille sur les réseaux sociaux. Sa rencontre avec Clara Roussel donne des allures de thriller dystopique à ce roman sociétal, en nous offrant une plongée glaçante dans un monde jusqu’en 2031 où tout s’expose et se vend, jusqu’au bonheur familial.

olivier bourdeaut

Son premier roman, En attendant Bojangles (Finitude, 2016) a connu un succès retentissant. Olivier Bourdeaut prend des risques avec un style complètement différent dans Florida (Finitude, 4 mars 2021), un roman particulièrement touchant sur le culte de l’image et l’instrumentalisation des enfants. L’auteur se glisse dans la tête d’Elizabeth, une jeune fille dont la mère a volé l’enfance le jour où elle gagne à sept ans un concours de mini-miss. Mais, ce sera son seul succès. Avec un physique de seconde, Elizabeth ne gagnera plus, au grand dam de sa mère. L’adolescente complexe et rebelle ne se laissera plus jamais considérer comme une poupée.

mathieu menegaux

Avoir été victime justifie-t-il de devenir bourreau? Accusée de s’être vengée de manière barbare de deux hommes ayant abusé d’elle dans des circonstances très particulières, Mathilde Collignon ne clame pas son innocence, mais réclame justice. Avec Femmes en colère (Grasset, 3 mars 2021), Mathieu Menegaux nous plonge au cœur d’une salle de délibération d’un jury de cour d’assises. À la fin des débats, magistrats et jurés doivent décider du sort de Mathilde Collignon. Un huis-clos dans lequel chaque expérience personnelle guide le jugement d’un acte qui fait polémique.

benjamin wood

Les relations tourmentées d’un père et son fils font souvent couler beaucoup d’encre en littérature. Quand Benjamin Wood s’empare de ce sujet, il en fait un récit puissant, tendre et troublant. Sur la route, vers ailleurs (Robert Laffont, 4 mars 2021, traduit par Renaud Morin) réunit Daniel, douze ans et son père Fran qu’il n’a pas vu depuis la séparation de celui-ci avec sa mère. Fran promet à son fils de l’emmener visiter le studio où il travaille sur les décors de sa série préférée. Dans ce road-trip, les mensonges et le désespoir du père se dévoilent violemment. Un roman qui met en évidence les paradoxes des sentiments et montre comment avancer avec les ombres du passé.

david vann komodo

David Vann est arrivé en littérature avec un roman particulièrement angoissant sur ce même thème des relations père/fils (Sukkwan Island, Gallmeister, 2010). Avec Komodo (Gallmeister, 4 mars 2021, traduit par Laura Derinjiski), l’auteur nous amène une nouvelle fois sur une île. Sur l’invitation de son frère aîné Roy, Tracy quitte la Californie et rejoint l’île de Komodo, en Indonésie. Mais cette semaine de plongée parmi les requins et les raies manta ne sera pas les vacances que la jeune mère espérait. Souvenirs de famille et rancœurs plongent plutôt la jeune femme dans les abysses de l’âme humaine. On peut faire confiance à David Vann pour nous embarquer dans un duel angoissant.

nancy huston

S’il est une spécialiste pour nous amener dans les tréfonds de l’âme humaine, c’est bien Nancy Huston. Arbre de l’oubli (Actes sud, mars 2021) brosse le portrait d’une famille américaine privilégiée et ses liens avec les pages les plus sombres de l’Histoire. Au travers de trois personnages complexes, l’auteur aborde les enjeux essentiels de notre société : racisme, religion et laïcité, procréation pour autrui, violence, misère et colère, féminisme et représentation.

dominique sylvain

Dominique Sylvain, grande auteure de la littérature noire chez Viviane Hamy, fait paraître son prochain roman chez Robert Laffont. Mousson froide (Robert Laffont, 11 mars 2021) nous amène dans le froid de Montréal. En 2022, Mark enquête sur un réseau de pédopornographie quand un mystérieux tueur, récemment libéré d’une prison coréenne, ensanglante la ville enneigée. L’auteur construit une intrigue captivante autour des destins croisés de personnages complexes, attachants et terrifiants.

nicolas lebel le gibier

Nicolas Lebel change lui aussi de maison d’édition pour son nouveau roman, Le gibier (Le Masque, 11 mars 2021). Le commissaire Paul Starski, en proie à un divorce, et sa coéquipière Yvonne Chen, se rendent dans un appartement parisien où les attendent les corps d’un flic et d’un homme d’affaires sud-africain. Le principal suspect est une brillante biologiste qui fut autrefois le grand amour de Starski. Une enquête aux multiples pistes qui nous emmène à la rencontre des fantômes de l’apartheid. Elle reste la star du polar chez Denoël.

Sonja Delzongle nous propose Le dernier chant (Denoël, 31 mars 2021), un thriller écologique envoûtant et glaçant. Shan, son héroïne embarque le lecteur dans un voyage unique du Québec en Afrique du Sud. Un roman qui oppose la préservation de la nature au monde de l’argent et du pouvoir. Les scènes grandioses, particulièrement visuelles ne manqueront de marquer émotionnellement chaque lecteur.

Comme une incitation à emmener de bons romans en balade, les parutions de livres en format poche sont ce mois-ci exceptionnelles. Commençons par un premier roman couronné du Renaudot des Lycéens en 2019 et salué par de nombreuses littéraires. Le bal des folles (Livre de Poche, 31 mars 2021) met en scène quelques femmes victimes de la société masculine du XIXe siècle. Dans ce livre terrible et puissant, Victoria Mas nous conte le passé heurté de Geneviève, Louise, Thérèse et Eugénie, des femmes enfermées pour leur différence ou leur révolte.

Partez en auto-stop avec Sylvain Prudhomme, Par les routes (Folio, 4 mars 2021). Vous rencontrerez des villages méconnus et surtout deux versions de ce que l’on peut appeler le bonheur.

Le troisième tome de la trilogie de Pierre Lemaitre, Miroir de nos peines paraît ce mois-ci chez Livre de Poche.

tommy orange

En littérature étrangère, je vous conseille le roman amérindien de Tommy Orange, Ici n’est plus ici (Livre de Poche, 31 mars 2021, traduit par Stéphane Roques). À l’occasion d’un grand pow-wow, douze personnages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir leurs destins se lier. Ensemble, ils vont faire l’expérience de la violence et de la destruction, comme leurs ancêtres tant de fois avant eux. Un premier roman empli de rage et de poésie.

En attendant le prochain roman de Jonathan Coe en avril, replongez dans Le cœur de l’Angleterre (Folio, 25 mars 2021, traduit par Josée Kamoun). On y retrouve avec plaisir les personnages du cercle fermé au cœur de l’Angleterre du Brexit.

john boyne

Et enfin, une saga bouleversante de l’Irlandais John Boyne, L’audacieux Monsieur Swift (Livre de Poche, 31 mars 2021, traduit par Sophie Aslanides) pour vibrer avec un personnage troublant aux ambitions démesurées. Maurice Swift rencontre en 1988 dans un hôtel berlinois un célèbre écrivain. C’est le début d’une grande carrière bâtie sur les mensonges. Ce récit hautement romanesque raconte combien il est facile d’avoir le monde à ses pieds si l’on est prêt à sacrifier son âme.

Pour les amateurs de romans noirs, retrouvez le précédent roman de Nicolas Lebel en version poche, Dans la brume écarlate (Livre de poche, 10 mars 2021). Suite à la disparition d’une étudiante dans le douzième arrondissement de Paris, le capitaine Mehrlicht et son équipe mènent une course contre la montre pour retrouver celui qui sème derrière lui des cadavres exsangues.

En mars, la lecture reste toujours le meilleur moyen de voyager. Je vous souhaite de belles escapades.

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Marie-Anne Sburlino
Lectrice boulimique et rédactrice de blog, je ne conçois pas un jour sans lecture. Au plaisir de partager mes découvertes.

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