C’est toujours délicat et même plutôt risqué d’aborder le thème du handicap, surtout dans une fiction sans tomber ou dans le pathos, ou dans le voyeurisme, pire peut-être, dans une certaine forme de complaisance. Eh bien, ce n’est en le cas dans le texte, Soleil au ventre, que nous propose Jean-Baptiste Dethieux.

SOLEIL AU VENTRE DETHIEUX

C’est tendre, c’est touchant, c’est pertinent, sans concessions particulières parce que c’est « presque » tout le temps le jeune héros, Paul, qui s’adresse aux autres, à lui-même et à nous autres lecteurs avec ses propres mots, ses réflexions d’enfant de dix ans. Ce n’est ni naïf, ni trop adulte. C’est juste dans la mesure…

Paul, donc, vit entre sa mère, toujours attentionnée, et son père, toujours débordé, et aborde ses dix ans. Depuis tout petit, il a appris sa différence, appris des siens comme des autres, tout autant que de lui-même. Paul est un enfant comme les autres finalement, un gamin parfois joueur, parfois rêveur, parfois présent, souvent absent. En tout cas, attachant comme nombre d’enfants. Mais voilà, Paul a quelque chose de plus (et pas de moins). Paul a été diagnostiqué rapidement Asperger, autrement dit, le gamin est atteint d’une forme d’autisme… Oui et alors ? Alors au quotidien, en société comme en famille, cela présente quelques désagréments : Paul est là sans toujours être là, il met plus de temps pour certaines choses ou présente un temps d’avance en matière de réflexions sur des sujets qui le touchent, qui lui plaisent comme les mathématiques, contrairement au français où il lui faut plus de temps pour assimiler. Mais Paul n’est pas déficient, il fonctionne différemment c’est tout. Dans sa relation aux autres, les choses sont moins spontanées, moins visibles mais Paul ressent tant l’intérêt que les moqueries, les bravades. Le tout est amplifié car le garçonnet est un hypersensible, un sensitif. Un pur, pourrait-on oser. C’est là une de ses forces : il sent, voire même pressent les choses !

À l’école, cette nouvelle école qu’il vient d’intégrer avant de filer vers le collège, les premiers temps sont un peu complexes. Le regard, les réflexions des autres ne sont pas toujours tendres. La différence apeure, ne rassure pas et parfois conduit à une forme d’exclusion. Si les gosses sont en général attachants, ils peuvent être cruels. Paul ne comprend pas toujours les différents degrés de nos réflexions, il peut être droit dans ses bottes. C’est noir ou blanc en tout cas rarement gris. Et puis, comme chez chacun d’entre nous, il y a affinités ou pas. En l’occurrence, la rencontre de Paul et d’Isolde est pertinente. Cette petite « peste » capricieuse – en apparence – finira bien par s’attacher à lui, car elle apprendra que les failles ne concernent pas seulement les autres, ici Paul. Chacun porte ses valises avec des souvenirs, heureux, malheureux, et elle n’a pas été épargnée non plus. Et finalement, les gens cabossés finissent souvent pas se reconnaître, se rapprocher, se comprendre.

À la maison, la maman pourrait avoir tendance à le surprotéger, c’est humain quand on vous annonce que votre fils est touché par le syndrome d’Asperger. Mais Paul apprend aussi à prendre de la distance, il avance vers une forme d’autonomie. À son rythme. Le père, lui, est souvent absent… Est-ce qu’il fuit le foyer parce qu’il ne sait pas comment communiquer avec son fils ? Tout est possible, envisageable comme le propose subtilement l’auteur. Cela ne signifie pas qu’il n’est pas attaché à son fiston. Mais c’est parfois compliqué d’être authentique. Les enfants, eux, le sont authentiques et plutôt dans le vrai, le simple.

Au terme de la lecture, on demeure admiratif du parcours entrepris par ce gamin qui n’a rien demandé, il est un peu différent mais c’est aussi ce qui le rend important, singulier et intéressant. Le texte est un plaidoyer élégant pour l’acceptation, pour l’humanité, pour l’amour de l’autre tout simplement ! Paul est un soleil qui brillera longtemps.

Soleil au ventreJean-Baptiste DethieuxÉditions L’Alchimiste – 145 pages
Parution : mars 2019. Prix : 11,50 €.

Couverture : © E. Pasquali – Photo auteur Jean-Baptiste DETHIEUX © DR

Jean-Baptiste Dethieux

Jean-Baptiste Dethieux est psychiatre, psychanalyste à Toulouse. Il est l’auteur de plusieurs articles dans le champ de la psychiatrie et de la psychanalyse. Son premier ouvrage, Le voyage de Jeanne, a été publié en 2009 aux Éditions Anne Carrière et son second, Renaissance (Éditions Taurnada), en 2014. Soleil au ventre est son troisième livre.

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Christophe Maris
Christophe Maris est journaliste et écrivain, agrégé de Lettres modernes. Il collabore à plusieurs émissions de TV et radio et conçoit des magazines pour l'enseignement où il a oeuvré une quinzaine d'années en qualité de professeur de lettres, d'histoire et de communication.

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