Le verbe lire vient du latin legere qui signifie « cueillir ; recueillir ». Cueillir les mots, se recueillir collectivement dans le silence et la lecture, c’est ce que propose depuis 2016 l’association « SILENCE ON LIT ! » (SOL!). S’adressant à des établissements scolaires ou autres, il s’agit de mettre en place un quart d’heure de lecture, une « pause-bouquin » collective et quotidienne. De plus en plus d’établissements sont sensibles à ce message et ont décidé d’inclure ce temps littéraire à leur planning. Nous avons visité et questionné l’un d’eux, à l’école primaire d’Ercé-près-Liffré (Ille et Vilaine)…

« La lecture est un moyen de lutter contre l’illettrisme, l’exclusion,
le repli identitaire et la violence. » Silence on lit !

Incipit

SILENCE ON LIT ! est un concept développé et déposé par l’association SILENCE ON LIT !, créée en 2016 par Olivier Delahaye (cinéaste), Danielle Sallenave (académicienne) et Ayse Bascavusoglu (directrice du lycée Tevfik Fikret). Ses origines ? Le lycée Tevfik Fikret, à Ankara, en Turquie. Cela fait plus de 15 ans qu’à la même heure chaque jour, tout le monde (élèves, professeurs, employés et personnel administratif) y cesse toute activité et s’octroie 15 minutes de lecture… avant de reprendre la journée où elle avait été laissée. Une règle d’or : le silence.

« Il ne s’agit pas de casser la journée de travail avec une pause trop longue » mais elle « doit être suffisamment longue pour que les lecteurs puissent sortir du monde réel et entrer dans une histoire, suivre un raisonnement, se concentrer sur un sujet pendant un moment suffisamment important », commente l’association.

SOL!

Qui participe ?

Ce temps partagé a pour vocation de rassembler autant de monde que possible. Les élèves bien sûr mais aussi les professeurs, les membres de l’administration et le personnel de l’entretien. L’idée est aussi de contraindre à la lecture ceux que cette activité rebute ou qui n’en ont pas l’habitude.

Concernant le type de lecture à privilégier, l’association SOL ! s’exprime ainsi : « Il s’agit de lire des textes littéraires, de préférence des fictions ou des essais qui sortent le lecteur de son quotidien et l’amènent ailleurs », excluant les titres de presse, les magazines ou les courriels/textos. De manière générale, le format papier est encouragé au contraire du format numérique, bien que ce dernier soit toléré quand il s’agit d’y lire un e-livre. Toutefois chaque établissement est libre d’édicter ses propres règles et de prendre ses libertés sur les préconisation.

SOL !
Silence on lit dans l’établissement Tevfik Fikret, à Ankara (Turquie)

 

« Au tout début les professeurs faisaient un tour de classe pour s’assurer que tout le monde avait un livre. Assez rapidement c’est devenu inutile et AUJOURD’HUI, sans qu’il soit besoin de contrôle, tout le monde lit pendant le temps de lecture. » SOL !

Lecture et culture

Quels sont les bienfaits de la lecture sur les élèves, mais aussi sur les adultes ? L’association en dresse une liste non-exhaustive : « Développement de la curiosité, de l’esprit critique, amélioration de l’expression écrite et orale, des relations élèves-professeurs, et aussi mieux-être physique, baisse de la tension, contrôle de soi etc. (…) » qu’elle complète avec ce constat : « (…) mais au delà de ses vertus pédagogiques et bienfaisantes une telle pratique donne une vitalité neuve, enrichissante, émancipatrice à ce dont nous n’osons trop souvent plus parler sans sourire : la culture ».

De nombreux professeurs affirment avoir remarqué l’évolution du comportement littéraire de leurs élèves au cours d’une année sous ce dispositif. « C’est un des meilleurs moyens, je pense, d’amener des élèves qui ne sont pas rompus à la lecture quotidienne à cette pratique » nous confie Mathieu Brisson, directeur de l’école primaire d’Ercé-près-Liffré [voir notre reportage vidéo]. Parallèlement, lire aurait également des vertus positives sur le niveau d’orthographe et de grammaire du lecteur.

silence on lit

Les établissements scolaires participants, presque unanimement convaincus des bienfaits du dispositif, commentent également leur expérience de Silence on lit ! en soulignant qu’elle est l’opportunité de « partager un moment hors du cadre scolaire » avec les élèves, de décloisonner les liens classiques de maître à élève. Ils parlent aussi du plaisir de profiter d’un quart d’heure de silence total, bénéfique aux enseignants comme aux élèves. « Faire le silence ensemble c’est une manière de communiquer au-delà des mots. » énonce poétiquement l’association.

Lecture et Santé

Afin d’appuyer sa démarche, l’association met en évidence quelques études scientifiques qui ont été menées sur le rapport entre la lecture et la bonne santé et la bonne forme des individus. Des vertus que l’association met en avant pour tenter de convaincre toujours plus d’établissement d’adopter le dispositif.

« Entrer dans le nouveau monde d’un roman ou d’une nouvelle a des effets scientifiquement mesurables sur notre cerveau et qui se prolongent pendant plusieurs jours après la lecture. » C’est le bilan que dresse une étude de l’Emory University d’Atlanta, en Georgie, aux États-Unis. Cette étude « démontre que lire un bon livre peut augmenter les connexions à l’intérieur du cerveau et créer des changements neurologiques persistants qui correspondent un peu à la mémoire musculaire qui permet de s’adapter aux efforts demandés. »

Le lecture serait également la meilleure activité anti-stress selon une étude du Dr.David Lewis, voire anti-dépression d’après l’Université de Liverpool qui montre que « les gens qui lisent sont plus heureux que ceux qui ne lisent pas. »

« Écrire et peut-être lire plus encore sont déjà,
en eux-mêmes, des actes de résistance à la non-pensée,
à l’absence de jugement, à la modernité aveugle. » Antoine Compagnon, écrivain

Construire un beau silence

Devant l’idée se dresse parfois la difficulté de sa mise en place. Il s’agit que l’information circule, que chacun ait un livre, que l’horaire soit respecté, que chaque enseignant « joue le jeu », etc… dans des établissements de plusieurs centaines voire milliers de personnes. Des complexités qui s’accentuent encore lorsqu’il s’agit d’un collège ou d’un lycée. En effet si la lecture s’effectue à horaire régulier, certains cours perdront donc systématiquement quinze minutes d’apprentissage par semaine. Cela peut poser de réels problèmes d’achèvement du programme scolaire pour des classes d’arts plastiques ou de musique – par exemple – qui ne disposent en général que d’un faible nombre d’heures de cours par semaine. L’organisation d’un quart d’heure de lecture généralisé n’est donc pas un mince défi et nécessite même une longue préparation dans les grands établissements.

Pour faire face à ces difficultés, beaucoup d’établissements font directement appel à L’association Silence on lit !, qui au-delà de sa promotion du dispositif aide également à sa mise en place et à sa bonne gestion. « Même dans les écoles ça demande beaucoup de préparation. Alors l’association est là pour les aider à mettre ça en place. » énonce Olivier Delahaye.

« Tout enfant atteint par le virus du plaisir de la lecture est vacciné contre l’échec scolaire » Alexandre Jardin.

Explicit

Avec près de 900 établissements convertis à SOL ! depuis 2016, et le soutien de nombreuses personnalités, on pourrait dire que l’activité de l’association serait en plein boum… Pourtant, faute de fonds nécessaires, l’association a dû provisoirement cesser son activité quotidienne. Elle se désole sur son site internet de ne pas recevoir suffisamment de soutien et de moyens financiers de la part du Ministère de l’Education Nationale et du Ministère de la Culture : « Les ministères de l’Education Nationale et de la Culture tentent d’étouffer l’association SILENCE, ON LIT ! et par des directives récentes dans lesquelles ils écartent systématiquement l’association préférent risquer de rendre inefficace cette opération de bien public. » Le Ministère de l’E.N. a en effet proposé le 3 octobre 2018 la mise en place de quarts d’heure lecture très similaires à ceux que proposent l’association SOL! mais sans faire appel à cette dernière, lui préférant l’association « Lire et Faire Lire » pourtant moins influente dans ce domaine.

L’association regrette cette absence de partenariat couplé aux trop faibles moyens qui lui sont alloués. Elle est actuellement à la recherche de fondations, d’éditeurs, de mécènes pour palier cette pénurie. Elle appelle également aux dons charitables.

« Lire est un acte égoïste et altruiste. On se coupe du monde, tout en s’intéressant aux autres. Ce mouvement de va et vient est la raison d’être de la lecture » Bernard Pivot.

 

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