Artiste bien connu outre-Manche, Chambre froide est pourtant la première exposition de Nicolas Deshayes dans son pays d’origine. Via ballets et défilés, ses sculptures nous emportent dans un royaume organique où l’appétissant le dispute au dégoûtant. Un événement à voir au Grand Café de Saint-Nazaire du 4 juin au 11 septembre 2022.

Nicolas Deshayes
Les traditionnelles divinités des eaux ont cédé leur place à de bien étranges génies pour cette fontaine.

Autrefois ancienne brasserie de Saint-Nazaire, Le Grand Café aujourd’hui vous propose à la carte les étranges chairs de Nicolas Deshayes. Son exposition, intitulée Chambre froide, rappelle tant les repas chauds que l’on servait ici, que la conservation des corps et des aliments. Le travail de l’artiste est avant tout celui d’un sculpteur, et ce, dans la pure tradition de la sculpture classique. Pourtant, il ne s’y limite pas et travaille également avec des procédés industriels. L’artiste n’hésite pas à parcourir l’Europe à la recherche de nouveaux savoir-faire, de nouvelles collaborations avec des entreprises. Nicolas Deshayes part alors en Italie, en Vénétie, pour modeler de la céramique ; en Auvergne pour couler du bronze ; en Angleterre pour thermoformer certaines pièces ou fondre de l’aluminium ; ou encore sur l’île de Wight pour réaliser de l’émaillage sur acier. L’intérêt étant d’échanger avec des spécialistes et de sortir les fonderies du train-train de leur production habituelle.

Nicolas Deshayes
L’une des multiples « Gargouilles » du banquet final de Chambre froide.

À ce moment-là, Nicolas Deshayes fait surgir de son univers des êtres indistincts, à mi-chemin entre l’humain et l’animal. S’agit-il de lombrics ? D’intestins ? Ou de boyaux souterrains ? Ses sculptures tendent un fil entre corps, chair et alimentation. Dans la série des Gargouilles par exemple, se présentent sous leurs plus jolies couleurs des tronçons de charcuterie appétissante, bientôt nuancées par des poils dressés comme des pics dangereux. Ces portions de nourriture industrielles ne sont ni plus ni moins que des grossissements de tissu humain, rappelant l’esthétique des films de Ridley Scott (Alien) ou de David Cronenberg (eXistenZ, La Mouche) où les corps, le sang et autres sécrétions sont surexposés. Les êtres qui défilent ou dansent pour Chambre froide, jouent sans cesse dans ce va-et-vient entre attraction sensuelle et dégoût répugnant.

Nicolas Deshayes
Détail sur le plastique visqueux du bas-relief Cramps.

Évoquant les méduses, qui n’ont qu’un seul orifice leur servant à la fois de bouche et d’anus, les sculptures de Nicolas Deshayes se concentrent sur une vie intestinale rudimentaire. Elles ingurgitent, avalent et recrachent des fluides qui s’écoulent dans leurs veines, faisant passer l’extérieur à l’intérieur de l’œuvre et vice versa. L’artiste les qualifie même de parasites, comme sa sculpture Dear Polyp qui, greffée à un radiateur du Grand Café, vient pomper son système de chaleur (sa surface chaufferait si l’on était en hiver).

Nicolas Deshayes
La sculpture Dear Polyp vampirise directement l’énergie du Grand Café.

Ce rapport à la température est une préoccupation évidente dans le travail de Nicolas Deshayes. Comme tout sculpteur, il doit porter la cuisson de ses œuvres à très haute température avant de constater, amusé, à quel point elles sont froides une fois achevées. Peut-être qu’en leur insufflant de la chaleur ou des liquides, il essaye de réanimer ce pouls qu’elles ont reçu à leur naissance. Des organismes qui se rapprochent plus de l’expérience sensorielle que visuelle en tout cas. En témoigne son nouveau projet de sculpture publique en Angleterre. Toujours en phase de test, il s’agira d’un parasite de taille plus conséquente qui fonctionnera comme un chauffage dans un parc public, et sur lequel on pourra venir s’allonger. Alimenté par une pompe géothermique, il faudra que son émission de carbone reste neutre.

Nicolas Deshayes
Portrait de Nicolas Deshayes devant le bassin central.

Représentées par la galerie Saatchi, nul doute que les œuvres de Nicolas Deshayes circuleront ensuite dans de grandes foires d’art contemporain telles que la Fiac de Paris (la Foire Internationale d’Art Contemporain) ou encore la Foire internationale de l’art Frieze à Londres… Pourtant, c’est en entrée libre que vous aurez la chance de les voir au Grand Café de Saint-Nazaire. À noter que le samedi 3 septembre, une rencontre avec l’artiste est prévue à 15h30. D’autres événements sont également à prévoir comme une visite en langue des signes française le jeudi 30 juin à 17h30 ; des visites pour parents avec enfants en bas âge le 25 juin, le 23 juillet et le 27 août ; ainsi qu’une visite commentée tous les samedi à 16h (sauf le 4 juin et le 3 septembre).

INFORMATIONS PRATIQUES

L’exposition Chambre Froide de Nicolas Deshayes est visible au Grand Café, au 2 Place des Quatre Z’horloges, Saint-Nazaire, du 4 juin au 11 septembre 2022.

Le centre d’art est ouvert tous les jours de 14h à 19h mais fermé les lundis.

Tél : 02 44 73 44 00

Site internet : https://www.grandcafe-saintnazaire.fr/expositions/nicolas-deshayes/

Benjamin Julienne
Métal expérimental, littérature russe, art contemporain, Yu-Gi-Oh!, chant bulgare et septième art tourbillonnent dans ma tête. J’écris principalement pour faire connaître les lieux d’exposition indépendants de Nantes.

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