Le combat continue n’est pas sans rappeler de l’histoire de Giovanni Falcone, ce courageux juge italien, figure de la lutte antimafia assassiné en 1992. C’est en lui rendant hommage que Marylin a entamé la lecture de ce roman-témoignage de Roberto Saviano.

Cet homme de trente-deux ans vit depuis six ans sous protection policière. Et pour cause, en 2006 paraît Gomorra, récit dans lequel il dénonce ouvertement les activités de la Camorra, Mafia napolitaine. Menacé de mort, accusé par Silvio Berlusconi de donner une « mauvaise image de l’Italie », cet écrivain engagé est le symbole d’une lutte quotidienne où, à force d’engagement, de recherche et d’écriture, il trouve la force de combattre une des plus puissantes entreprises mondiales, la Mafia.

Le combat continue est un recueil de différents sujets liés à la Mafia, abordé par l’auteur dans son émission télévisée Vieni via con me, diffusée sur RaiTre à la fin de l’année 2010. Une émission qui contre toute attente a battu tous les records d’audience de la chaîne. C’est dire que les italiens sont touchés dans leur âme par les agissements de la Mafia, par les corruptions, les injustices.
Roberto Saviano explique son engagement pour une Italie unie et fière, à un moment de l’histoire où la Lega Nord (la Ligue du Nord) souhaite une scission entre l’Italie du Nord et du Sud. Ce qui rappelle que le problème majeur qui permet à la Mafia de croître est l’indifférence de certains : « ça ne nous regarde pas, c’est loin de nous, on ne pourra jamais les arrêter, etc. » Autant de phrases intolérables pour un homme qui vit pour ce combat. Grâce à ses discours, sortes de témoignages, il met face à la réalité : la présence de la Mafia (l’exemple de la ‘Ndrangheta) au Nord de l’Italie et notamment à Milan ; la gestion catastrophique des déchets dans la région de Naples ; les élections achetées ; la reconnaissance des criminels mafieux dans la mort (enterrement à l’église et honneurs), etc. Mais il met aussi en lumière la force de quelques irréductibles inconnus à lutter contre les Mafias.

Le lecteur retiendra de ces différents récits un point capital : l’urgence de ne plus considérer la Mafia comme impossible à vaincre. Selon l’auteur, c’est en réfléchissant qu’on part perdant d’avance. Il rappelle le combat de Giovanni Falcone, isolé durant toute son action et dont la reconnaissance n’est venue qu’une fois mort.

Avec des mots simples, des histoires émouvantes et percutantes, Roberto Saviano nous ouvre les yeux. Nous, français, pour qui la Mafia semble une chose lointaine, presque exotique, et pourtant plus proche qu’on voudrait bien nous le faire croire.
A la fin du livre, un entretien inédit – Autoportrait d’un boss – avec Maurizio Prestieri, un repenti, ancien boss camorriste. Un texte excellent et exceptionnel qui clôt parfaitement cet ouvrage.

Marylin Millon

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Roberto Saviano, Le combat continueLafffont, 23 février 2012, 192 p., 18,25 €
Le combat continue réunit des textes écrits pour une émission de « télévision citoyenne », conçue et présentée par Roberto Saviano, consacrée à l’Italie d’aujourd’hui – un programme plébiscité par le public transalpin. Le présent recueil témoigne de la rencontre entre un homme – Roberto Saviano, intellectuel et conteur hors pair, accusé par Silvio Berlusconi de donner une mauvaise image de l’Italie et adoubé par Umberto Eco qui voit en lui une personnalité intellectuelle de tout premier plan – et un pays, souvent décrit comme politiquement désabusé, en attente d’un profond changement. Il est ici question, entre autres, des mécanismes de censure mis en place par le pouvoir en vue de discréditer ses adversaires, de l’implantation de la criminalité organisée dans le nord de la péninsule, de la position de l’Église sur l’euthanasie, ou encore de l’impéritie de l’État face à la pollution à Naples comme au tremblement de terre de L’Aquila. À travers l’ensemble des sujets évoqués, se dessine en creux un portrait aussi saisissant que contrasté, sans fard et sans concession, de la société italienne contemporaine. Plus encore, en choisissant d’aborder ces différents thèmes non sous l’angle de l’analyse théorique mais sous celui de la fiction, Roberto Saviano donne aux fables qu’il invente et raconte – chacune en lien avec un problème ancré dans la réalité italienne – une résonnance universelle.

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