Après le réveillon de Noël, vient le Nouvel An. Après mon réveillon à mille balles, il me revient des envies de pétasse. Des envies millésimées, certifiées durables, vaguement coupables mais totalement assumées. J’ai envie de jouer dans la cour des femmes de footballeurs, des influenceuses crypto ou d’une ex-conseillère ministérielle macron marron reconvertie en conférencière sur l’éthique. Je veux de l’or. Partout. Sur moi. En moi. Autour de moi. Il est l’or du réveillon, mon seignor.
S’habiller en or (mais conscientisé)
La Rolex, c’est fait. À l’international, ça peut même déclencher des plaintes pour corruption présumée quand on l’offre à un président au milieu d’un deal commercial.
À Rennes, c’est plus modeste, je négocie surtout une trêve avec mon découvert et le jugement silencieux de ma voisine du boulevard Sévigné.
Le vison, on n’en parle plus (il a eu une belle seconde vie sur Vinted, paix à son âme).
Mais il faut aller plus loin. Plus brillant. Plus indécent.
Les podiums nous promettaient encore cette année du doré « solaire », « rituel », « post-apocalyptique chic » chez Prada, Balmain ou Schiaparelli. À Rennes, évidemment, rien.
Je me replie donc chez H&M — temple de la fast-fashion repentante — où je trouve un t-shirt à paillettes recyclées représentant un renne dépressif pour ma fille, et pour moi une tunique dorée qui promet de capter la lumière… et les regards compatissants.
Pour le bas, direction une enseigne généraliste rebaptisée « essential wear » pour faire oublier qu’elle vend toujours des pantalons qui brillent comme une plaquette de beurre salé sous néon. J’achète. Je jetterai. Je culpabiliserai plus tard.
Côté accessoires, fini les hésitations. Le bling est de retour, mais il se veut « ironique ».
Talons strassés dénichés dans une boutique improbable du centre commercial Colombia (qui résiste encore à la gentrification par la grâce du mauvais goût).
Chez Claire’s, devenu un musée vivant du clinquant intergénérationnel, je prends une pochette dorée « statement ». La statement étant : “je n’ai plus rien à perdre3.
Pour le sport du 1er janvier, baskets cousues de fil doré. C’est absurde, donc indispensable.
Se pomponner en or (science approximative)
La presse féminine continue d’assurer que « l’or est utilisé depuis la nuit des temps » pour tout : la peau, l’âme, l’égo, les chakras et les portefeuilles trop lourds.
Biocompatible, antioxydant, anti-âge, anti-tout sauf anti-pauvre, l’or est désormais partout, surtout là où il ne sert à rien.
Les marques de luxe rivalisent de créativité tarifaire.
Sérums à l’or 24 carats, crèmes régénérantes « cellular radiance pure », masques visage plus chers qu’un loyer rennais.
Le discours reste inchangé : « efficacité prouvée ». Par qui ? Mystère. Mais le prix, lui, est indiscutable.
Pour me distinguer de ma voisine du boulevard Sévigné — laquelle a désormais les mêmes rides que moi mais un meilleur SPF — je renonce aux chaînes classiques et vise l’exotisme de palace.
Une crème à l’or venue de Suisse, achetée lors d’un week-end spa censé « reconnecter au corps », surtout au compte bancaire.
Aux ongles, un vernis pailleté. Parce que Cléopâtre, jusqu’au bout des doigts.
Se délecter d’or (digestif conseillé)
Côté table, l’or comestible n’a pas disparu. Il s’est démocratisé, ce qui le rend presque vulgaire.
Sucre doré, sel doré, moutarde dorée, vinaigre balsamique à l’or. Tout brille. Même ce qui ne devrait pas.
Chez le traiteur, je commande une volaille à la peau impeccablement dorée — élevée avec amour, promesse orale.
Pour le dessert, quelques palets chocolat-or chez un pâtissier étoilé, et un carré noir saupoudré de feuilles précieuses.
L’or, en bouche, ne sert à rien. Mais c’est précisément ce qui le rend délicieux.
Après tout cela, il faut digérer.
Un ami m’apporte une bouteille d’alcool infusée à la feuille d’or — vodka ou gin, je ne sais plus, l’important est qu’elle scintille.
Nous trinquons dans un appartement rénové « brut chic », porte dorée comprise.
Ensuite, cap sur la montagne. Megève, évidemment.
Mon compagnon — oligarque de cœur, cadre sup’ en réalité — m’offre un pendentif en forme d’étoile, doré mais raisonnable, acheté chez une enseigne de design qui jure ne plus produire en Chine (sauf exception logistique).
L’ordure. Je l’aime.












