La Ville de Rennes se félicite d’occuper une nouvelle fois la 3e place du Baromètre des villes cyclables 2025, dévoilé le 18 septembre à Lyon par la Fédération française des Usagers de la Bicyclette (FUB).
Depuis la première enquête en 2019, la capitale bretonne s’installe durablement sur le podium derrière Strasbourg et Grenoble. Avec plus de 2 300 réponses, les Rennais ont exprimé une perception globalement positive des aménagements, traduite par une note moyenne passée de 3,74 (mention C) à 4,03 (mention B).
Un résultat qui conforte la politique cyclable de la municipalité, mais qui mérite aussi d’être confronté aux réalités du quotidien, parfois moins idylliques que ne le laisse entendre le communiqué triomphal.
Des avancées indéniables
Les chiffres témoignent d’un effort soutenu. Entre 2019 et 2024, le trafic vélo a quasiment doublé (+96 % sur certains axes). Près de 250 km de réseau cyclable ont été réalisés dans la métropole, dont une partie sous forme de « réseaux express vélo » pour relier les communes périphériques.
Les carrefours ont fait l’objet d’un vaste programme de sécurisation : 28 réaménagements déjà menés, 4 en cours. Les aménagements dits « à la néerlandaise » se multiplient, cherchant à fluidifier la circulation tout en réduisant les conflits d’usage. Côté services, la Maison du vélo et son antenne mobile accompagnent les habitants, 2 350 vélos à assistance électrique sont proposés en location longue durée, 650 vélos sont accessibles en libre-service et des ateliers associatifs complètent l’offre.
Ces efforts sont reconnus : la note attribuée à l’offre de stationnement est désormais classée « A » et l’ensemble de la politique « B », signe que les cyclistes voient une amélioration tangible de leurs conditions de déplacement.

Autres mobilités : trottinettes, rollers, gyroroues…
En réalité la question du partage de la rue ne concerne pas que les piétons, les cyclistes et les automobilistes. Les trottinettes électriques, gyroroues, skates et rollers se multiplient également. Depuis 2019, ces engins de déplacement personnel motorisés (EDPM) sont soumis à des règles spécifiques : interdiction de circuler sur les trottoirs, vitesse limitée à 25 km/h, âge minimum de 14 ans, obligation de circuler sur les pistes cyclables quand elles existent. Le non-respect entraîne une amende de 135 €.
Ces nouveaux usages ajoutent de la complexité au paysage urbain. Leur présence accrue appelle aussi à des campagnes de sensibilisation et à une meilleure intégration dans les politiques de mobilité afin d’éviter que la confusion ne s’installe encore davantage entre piétons, cyclistes et nouveaux usagers.

Les angles morts du quotidien
Ainsi, derrière les améliorations et indicateurs flatteurs du Baromètre 2025, la réalité des usages quotidiens à Rennes reste plus contrastée. Plusieurs situations demeurent sources d’inquiétude, en particulier pour les piétons, les personnes âgées et les usagers les plus fragiles.
- Les zones de croisement mal pensées : deux roues (vélos, patinette, monoroues, gyropodes, hoverboard) et cyclistes partagent encore des espaces où leurs trajectoires se croisent brusquement (place de Bretagne côté boulevard Tour d’Auvergne par exemple). Les vélos y arrivent souvent à vive allure et générent un sentiment d’insécurité.
- Les deux roues sur les trottoirs : nombreux sont ceux qui rasent les piétons, parfois au point de les frôler (notamment les coursiers, mais pas seulement). Une pratique qui inquiète parents avec enfants, personnes âgées ou malvoyants.
- Le respect du code de la route : nombre d’usagers des deux roues ne cèdent pas le passage aux piétons engagés sur les passages protégés, malgré l’obligation légale. Ce comportement accentue le sentiment de vulnérabilité de ceux qui circulent à pied. Dans le même cadre, par exemple à République, des deux roues doublent des bus qui se sont arrêtés pour laisser passer des piétons à un passage, le piéton est en train de traverser et arriver au deux tiers il doit s’arrêter d’un coup car le conducteur du deux roues qui doublait le bus déboule et coupe le passage du piéton sans s’en soucier.

Du farwest des autos au farwest des vélos
À cela s’ajoute un ressenti plus diffus : plusieurs conducteurs de vélos pilotent leur deux-roues comme certains chauffards conduisaient jadis leur automobile. Triomphants, arrogants, ils envoient promener quiconque leur reproche une vitesse excessive ou un manque de savoir-vivre. Un personnage local cristallise d’ailleurs ces tensions : un homme d’une cinquantaine d’années, grand et fin, qui circule en ville avec une caméra fixée sur le front. Son passe-temps consiste à se placer volontairement dans des angles morts afin de pousser les automobilistes à la faute et les quereller ensuite. Bref, parfois, nombre de Rennais ont le sentiment d’avoir quitté le farwest des autos pour entrer dans celui des vélos.
Entre fierté et vigilance
La réussite rennaise en matière de cyclabilité est incontestable : l’essor des infrastructures, la montée en puissance des services et la reconnaissance nationale en témoignent. Mais la progression quantitative doit désormais s’accompagner d’une réflexion qualitative sur le partage de l’espace public. Car une ville cyclable ne se mesure pas seulement au confort des cyclistes, mais aussi à la qualité de la cohabitation avec les autres usagers. Pour que la transition vers des mobilités plus durables soit pleinement acceptée, il est crucial que la sécurité des piétons et la tranquillité de l’espace urbain soient garanties. Le Baromètre vélo rappelle d’ailleurs que ses résultats reposent sur le ressenti des cyclistes : il constitue un outil précieux pour les collectivités, mais il ne reflète qu’une partie de la réalité. Les piétons, eux, n’y ont pas voix au chapitre.

Les comportements à risque des conducteurs de deux roues : comprendre sans excuser
De nombreuses enquêtes indiquent que plus de 80 % des cyclistes reconnaissent avoir déjà commis une infraction : feux grillés, circulation sur trottoirs, absence d’éclairage… Ces comportements s’expliquent par des facteurs pratiques (éviter un effort, se protéger de la circulation motorisée, gagner du temps), mais ils alimentent aussi un sentiment d’impunité et fragilisent la cohabitation avec les piétons.
Des études rappellent que si les cyclistes sont le plus souvent les premières victimes de leurs prises de risque, les piétons peuvent aussi en subir les conséquences, notamment lors de traversées de passages protégés. Comprendre ces comportements – qui traduisent parfois une inadaptation des infrastructures – ne doit pas conduire à les excuser. Respect du code de la route et savoir-vivre restent les conditions d’une ville apaisée.
De la ville cyclable à la ville vivable
Le podium du Baromètre vélo, que Rennes conserve avec fierté, ne doit pas masquer la complexité des usages urbains. Derrière les chiffres flatteurs et les classements triomphants, il y a une réalité quotidienne faite de frictions, d’incivilités et parfois de peur pour les piétons. Le vélo est un progrès indéniable : il réduit la pollution, fluidifie la circulation, rend la ville plus humaine. Mais il ne doit pas reproduire, à son échelle, les travers de l’automobile : arrogance, vitesse, sentiment d’impunité.
Rennes a une opportunité rare : transformer sa réussite cyclable en un modèle plus large de ville apaisée. Cela suppose de dépasser le duel stérile entre automobilistes et cyclistes, d’inclure les piétons dans la réflexion, et d’intégrer les nouveaux usages (trottinettes, gyroroues, rollers, skateboards). Une ville moderne ne se mesure pas seulement à ses kilomètres de pistes cyclables, mais à sa capacité à organiser un vivre-ensemble où chacun – qu’il marche, pédale, roule ou conduit – trouve sa place sans crainte.
Au fond, l’avenir de Rennes ne se jouera pas dans les podiums nationaux mais dans les regards croisés au quotidien, dans le respect mutuel et dans cette capacité collective à dire : la rue est à nous tous. Le défi n’est plus seulement de devenir une ville cyclable, mais bien une ville vivable.

Chiffres clés du vélo à Rennes (2025)
- +96 % de trafic vélo à Rennes entre 2019 et 2024 (axe voie ferrée)
- 250 km de réseau cyclable sur la métropole
- 10 réseaux express vélo achevés, 4 en cours
- 28 carrefours et giratoires réaménagés, 4 en cours
- 2 350 VAE en location longue durée chaque année
- 57 stations de location libre-service (650 vélos)
- 7 feux par anticipation
- 7 « rues aux écoles » sécurisées
- Budget vélo : 34,5 €/an/habitant en 2024 (contre 18 €/an en 2019)
Accident de trottinette électrique et nouveaux engins de déplacement personnel (EDPM)
Trottinettes électriques, gyroroues, gyropodes, segways… Leur usage est encadré par le Code de la route : vitesse limitée à 25 km/h, interdiction de circuler sur les trottoirs, obligation d’assurance responsabilité civile et d’équipements de sécurité (éclairage, avertisseur sonore, gilet rétro-réfléchissant la nuit).
Les obligations principales :
- Âge minimum : 12 ans.
- Un seul conducteur par engin (passagers interdits).
- Casque obligatoire hors agglomération, recommandé en ville.
- Stationnement autorisé sur trottoir aux endroits autorisés.
- Assurance obligatoire, comme pour tout véhicule terrestre à moteur.
En cas d’accident : le conducteur d’EDPM peut être victime ou responsable. Si assuré, son assurance prend en charge les dommages (y compris ceux causés à des tiers). En l’absence d’assurance, les conséquences financières et pénales peuvent être considérables, et c’est parfois le Fonds de garantie (FGAO) qui intervient en dernier recours.
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