Le metteur en scène Arthur Nauzyciel a présenté le jeudi 1er juin au TNB de Rennes la programmation de la saison 2017/2018. À partir d’une vision innervée par le constat philosophique, politique et spirituel que « Nous sommes séparés », le nouveau directeur du Théâtre national de Bretagne a ciblé son ambition : « réparer les vivants et les divisions ». D’où, en pratique, un archipel de propositions à la fois éclectiques et en interaction. Un programme qui tourne d’une manière radicale la page d’un théâtre rennais qui n’aura pas connu d’artiste à sa tête depuis plus de vingt ans.

TNB 2018
Arthur Nauzyciel présente le programme de la saison 2017-2018 du TNB

Sifflements et quolibets auront ponctué le début et la fin de la présentation de 3h30 d’Arthur Nauzyciel en raison de sa mauvaise organisation. Pour autant, cette saison débute-t-elle sous de mauvais auspices ? Non. Au contraire. Car l’essentiel est là. Autrement dit, un programme particulièrement puissant grâce à une cohérence transversale qui fait de cette saison un ensemble d’intelligence exploratoire. Un archipel qui englobe avec bienveillance les îles qui le compose : pièces, spectacles, concerts, artistes, mais aussi la relation constructive d’un théâtre public en prise avec les spectateurs et habitants de Rennes métropole.

« Nous sommes séparés », « on n’a jamais autant parlé de murs, de séparations, de divisions, il s’agit de réparer le monde abîmé pour résister à la tentation de l’enclos », « il faut donner une voix aux morts », « donner une voix aux vivants », « interroger quel est notre héritage, quels sont nos héritages », « de quoi sommes-nous responsables, notamment face à l’histoire ? » : « Une élévation spirituelle ».

Arthur Nauzyciel a fait résonner durant 3 heures au TNB une dimension qui en aura été absente durant 22 ans : la spiritualité. La question du sens de la vie et de l’esprit d’un point de vue non religieux ni même métaphysique. Une spiritualité concrète et sociétale qui s’ancre dans l’exploration de l’histoire et de la mémoire comme outil immano-transcendant d’interprétation de l’actuel. Lire le passé, ses grandeurs et ses cortèges d’ombres, afin de répondre à une société française en proie aux divisions qui la fracturent.

En réponse à une situation de crise nationale et à une mondialisation marquée par un conflit des imaginaires au fonctionnement autostressant, Arthur Nauzyciel déploie un théâtre qui interroge l’actuel contemporain à travers des propositions artistiques au spectre large afin d’y associer un public renouvelé, notamment la génération des 20-40 ans. Une proposition qui promet de prendre en compte tant de composantes du vivre en commun jusqu’ici injustement négligées.

TNB programme

Certes, une posture si radicale – avec une programmation qui ne s’embarrasse d’aucune transition diplomatique au regard du passé – ne sera guère du goût de tous ; une partie des fidèles abonnés risque de ne pas renouveler son adhésion. Si cette perspective est malheureuse, comment ne pas se réjouir à l’idée que, d’ici un ou deux ans, Arthur Nauzyciel parvienne à attirer au TNB un nouveau public jusque-là délaissé ?

Y parviendra-t-il ? Il faut le souhaiter ardemment. Sans doute cette réussite à venir reposera-t-elle dans la richesse de l’imaginaire d’Arthur Nauzyciel. En effet, si sa vision socio-réparatrice et son esprit précisément « spirituel » sont doués d’une cohérence prometteuse, tout dépendra de l’épaisseur du tissu symbolique de sa conception de l’humain tout autant que de la puissance évocatoire et de la capacité d’inclusion de sa mise en scène. Ce sont elles qui donneront ou non une âme à son travail de direction et de conjugaison des artistes et metteurs en scène associés.

Arthur Nauzyciel déboule avec seize jeunes artistes : des metteurs en scène (Jean-Pierre Baro, Vincent Macaigne, Guillaume Vincent, Julie Duclos), des chorégraphes (Sidi Larbi Cherkaoui, Gisèle Vienne, Damien Jalet), des auteurs (Yannick Haenel, Marie Darrieussecq), des compositeurs (Albin de la Simone, Keren Ann), des plasticiens (Valérie Mréjean, Xavier Veilhan), des performeurs (Phia Ménard, Mohamed El Khatib).

À travers cette équipe pour le moins dynamique et enthousiaste, les saisons à venir révèleront l’imaginaire qui habite et anime Arthur Nauzyciel. L’invitation faite à Patrick Boucheron ainsi que la référence marquée à la Shoah en sont les deux premiers traducteurs.

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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