La ville de Rennes présente un éventail de religions varié. Dans ce cadre, Unidivers a déjà consacré quelques articles aux subventions accordées par la mairie, notamment aux associations bouddhistes et aux musulmanes dans le cadre de l’acquisition de lieux et de leurs budgets de fonctionnement. Dans la continuité, il convient de faire un point sur les subventions que la Ville peut accorder aux paroisses chrétiennes. En effet, entre fantasmes de ceux qui croient que « les églises chrétiennes rennaises sont richissimes et reçoivent plein d’argent de la mairie en violation du principe républicain laïque » et ceux qui ont le sentiment qu’« il existe deux poids deux mesures dans la répartition des subventions », il nous a semblé nécessaire de mener une petite enquête. Les chrétiens sont-ils logés à la même enseigne que les autres communautés rennaises au regard des subventions ? La réponse est sans ambiguïté. Peut-on parler de stratégie antichrétienne ?

 

L’archevêché de Rennes compte plusieurs milliers de paroissiens. Son économe diocésain, Régis Boccart, a répondu à la question d’une manière précise :

L’archevêché ne reçoit aucune subvention de la mairie. Bien sûr, cette dernière a en charge la conservation de l’extérieur des églises qui font partie du patrimoine public, l’intérieur restant à notre charge. Par exemple, le récent réaménagement du coeur de l’église de Saint sauveur a été réglé par nos soins étant donné que cette installation est considérée comme ‘un meuble liturgique’. Par ailleurs, sur les gros chantiers, comme la cathédrale de Rennes, l’État vient en soutien. Nous ne recevons donc aucune subvention à l’exception de dossiers rares et bien particuliers comme celui que nous allons tenter de négocier dans peu de temps avec la municipalité : la mise aux normes de l’accessibilité pour les handicapés. Enfin, il peut être utile de préciser que la définition du lieu cultuel est fortement encadrée. Ainsi, à part le lieu du culte proprement dit, les salles, jardins et lieux sont sujets à une taxation par la Ville. Ainsi, une salle de réunion paroissiale ou de catéchèse tombe sous ce couperet. Cela fait au final de coquettes sommes…

Étrange paradoxe, le temple protestant construit en 1872 boulevard de la Liberté aurait dû être rétrocédé à l’État en 1905. La commune n’en aurait pas voulu. Aujourd’hui, le temple de l’Église réformée est propriété de la Fédération protestante. Comme l’expliquent Christian Koecelin et Christian Le Renard :

Notre temple ne reçoit aucune aide ni subvention de fonctionnement. Les seuls pécules regardent les travaux exceptionnels du temple étant donné qu’il est classé par la Ville. Ce fut dernièrement le cas avec la réfection de la toiture et des corniches ainsi que le ravalement de la façade qui devaient respecter des contraintes architecturales fortes. Nous avons reçu une grosse moitié de la facture en subventions. Par ailleurs, comme la loi 1905 nous interdit de reverser l’argent des dons pour l’activité d’entraide, nous avons créé une association culturelle pour le diaconat, autrement dit l’aide de son prochain. Nous n’avons reçu aucune subvention de la mairie.

Le pasteur Jacky Leprat, quant à lui, ne cache pas son embarras. Sa paroisse baptiste est installée dans l’église des Carmes situés près du Thabor, rue Martenot. Suite à un montage financier du Conseil général, le couvent a été vendu à un promoteur avec l’obligation de rétrocéder l’église proprement dite à cette association d’expression protestante. Ce qui fut fait contre la somme de 1,8 million de francs. Malgré l’idée première de faire de cet espace un mixte lieu cultuel/lieu culturel, l’aide de la mairie a été loin d’être à la hauteur des espérances : moins de 1% du financement de l’achat, puis… plus rien ensuite.

En fait, on a pris notre mal en patience et c’est une petite équipe composée de personnes notamment âgées qui travaille depuis le début à rénover le lieu année après année. Nous sommes tombés de haut : étant donné que ce lieu exploité était destiné à 80% à un usage culturel et 20% à usage cultuel, notre association [les Amis de la chapelle du Haut-Thabor] attendait un soutien de René Jouquan ou de Marie-Anne Chapdelaine aussi bien que des Conseils général et régional. En vain. Pourtant, nous avons des partenariats avec l’Office du Tourisme pour des conférences et des expositions, mais aussi avec la maîtrise de l’orchestre de Bretagne et le conservatoire de Région pour des concerts. Reste que nous peinons à les honorer comme nous ne recevons aucune aide pour mener à bien les travaux. Voilà la situation, notre association est répertoriée comme lieux de visite officielle de Rennes, des organismes publics ou semi-publics peuvent jouir de son bâtiment alors que, de notre côté, nous nous sentons bien seuls… Heureusement, encore quelques mois d’effort, et notre équipe aura terminé la réhabilitation. En attendant, nous sommes épuisés !

Quant au pasteur Yves Urcun, son récit relève du déboire. Sa communauté protestante évangélique, La Bonne Nouvelle, composée de fidèles d’origine africaine, était installée dans le quartier de l’Alma. Dans le cadre des travaux que l’on connaît, la mairie de Rennes a exproprié le lieu qui leur servait de temple.

Toute l’église s’est retrouvée à la rue. Nous avons fini par trouver en urgence un terrain à acheter à Cleunay. Contrairement à ce que nous espérions après l’expulsion de notre communauté, la mairie ne nous a pas aidés.

Enfin, l’Église orthodoxe n’est pas en reste. Après 20 ans d’itinérance, la paroisse Saint Jean de Cronstadt et Saint Nectaire d’Hégine est installée depuis une vingtaine d’années rue de la Crèche, entre la rue Saint Hélier et le canal. Ce sont les paroissiens qui ont financé l’achat d’un corps de deux maisons, assuré leur transformation en lieu de culte. Ils l’entretiennent depuis par leurs dons. Ce corps de bâtiment comprend un appartement destiné à l’hébergement d’urgence.

C’est un 3 pièces géré par notre association Doxo-Logis – explique sa nouvelle présidente, Gwénaêle Lemoinic – dont l’ensemble des membres est bénévole et règle de leurs poches les frais de fonctionnement. Des dizaines et dizaines de familles d’immigrés à la rue se sont succédé dans ce lieu pour une période comprise entre quelques semaines et quelques mois. Mais voilà, le bâtiment n’est plus aux normes ; il est urgent de réaliser quelques travaux pour continuer notre activité. Les devis s’élèvent à moins de 20 000 €. Nous avons demandé une aide à la mairie sachant que ce lieu est destiné à toute personne qui traverse une situation d’exclusion, qu’elle soit croyante ou non et quelle que soit son origine. Après quelques mois, nous avons appris par le bureau de Mme Chapdelaine que notre dossier avait été… égaré. Nous l’avons renvoyé en recommandé. Ce qui nous a permis de recevoir une lettre type sous forme de fin de non-recevoir. Un coup de massue pour les membres de l’association. La mairie a refusé de nous aider au motif que notre association n’était pas conventionnée, mais depuis quand faut-il être conventionné pour ne pas laisser son prochain dépérir dans le caniveau ? Et est-ce une manière de nous y aider ? Et puis pourquoi ne faut-il pas être conventionné pour recevoir du public, donner des cours de langues, de danses traditionnelles ?…

Les membres de l’association ne cache pas leur énervement et se trouvent devant un choix cornélien : ou continuer à aider les plus faibles au risque de se retrouver condamnés, ou bien arrêter, c’est-à-dire ne plus recevoir des gens en détresse et laisser le lieu se détériorer. Dernière possibilité, louer le lieu pour financer d’autres oeuvres caritatives. Mais « ce n’est pas notre objectif, nous voulons seulement continuer à aider directement les personnes en détresse, comme l’Evangile nous y invite ».

Cette petite enquête permet donc de constater que le système mis en place par la ville de Rennes – qui consiste à dédoubler l’activité des communautés religieuses en associations cultuelles et culturelles – ne fonctionne pas pour tous, et surtout pas pour les chrétiens. Quand bien même les associations d’expression chrétienne poursuivent des objectifs culturels ou d’aide sociale, la mairie rechigne à les aider.

Ce qui conduit des membres de ses différentes associations à poser la question : « Pourquoi les autres associations d’expression religieuse bénéficient-elles d’un traitement de faveur ? Pourquoi les chrétiens sont-ils exclus de ce traitement perpétré par Marie-Anne Chapdelaine ? » Et Laure, paroissienne de la paroisse de l’église du pont Saint Hélier de demander : « Qu’a-t-on fait pour être traité d’une manière si injuste ? » Son ami, Loïc, de répondre : « Tu sais bien que les subventions à Rennes sont distribuées en fonction des retombées électorales projetées. Et comme la mairie est persuadée qu’aucun chrétien ne vote socialiste… Quelle ignorance des réalités sociologiques et locales ! Et quand bien même… » Une appréciation que devaient approuver un plus tard Kisito, un protestant d’origine africaine, et Lofti, un arabe de confession orthodoxe.

C’est cet ensemble de questions que nous avons souhaité poser à Marie-Anne Chapdelaine pour recueillir son avis et ne pas laisser ce sentiment d’injustice grandir. L’élue aux cultes et candidate à la députation n’a pas souhaité répondre à nos demandes. Reste qu’en cas d’élection comme députée, Marie-Anne Chapdelaine sera appelée à oeuvrer en faveur de l’intérêt général. Autrement dit de tous, quelles que soient son origine, sa couleur de peau, sa religion ou sa sensibilité politique. Alors, La municipalité de Rennes poursuit-elle une politique antichrétienne ?

Nicolas Roberti

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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