Antoine Martinet, alias Mioshe, est un jeune artiste rennais. Sans le savoir, vous connaissez certainement son travail. Ses fresques murales colorent de nombreux murs de la métropole. Mais ce touche-à-tout s’illustre aussi bien sur toiles, affiches, étiquettes de bouteilles de vin, poteries ou pochettes de vinyles. Entrevue avec un artiste haut en couleur !

 

Comme Mioshe  le confesse lui-même, il y a du Bosch dans son travail. Des teintes automnales, des formes bizarres, des personnages impossibles. De la fantasmagorie. Il y a du surréalisme aussi, peut-être un peu d’une certaine esthétique post-industrielle. Mioshe, lui, ne cherche pas à référencer ses fresques ou ses toiles. S’il a des inspirations, il aspire surtout à traduire sa vision. Antoine Martinet s’exprime sur divers supports, mais la cohérence du travail demeure. Une expressivité puissante émane de ces pièces, en particulier par l’entremise de la couleur, tantôt acidulée, tantôt ternie. Toujours nous retrouvons une figuration envahie par des objets formels, géométriques, architecturaux, voire presque abstraits. Entrevue avec un artiste perché haut en couleur !

Unidivers : Comment avez-vous commencé ?

Mioshe : Je suis sorti en 2007 des Beaux-Arts de Rennes. On faisait des collages, des fresques, des graffitis dans la rue. C’était une belle époque.

Unidivers : Concernant le graff et les fresques murales, Rennes est-elle une ville propice à cette pratique ? Une ville inspirante ?

Mioshe Antoine MartinetMioshe : J’ai commencé le graffiti à Nantes et j’ai continué à Rennes, à l’époque on peignait aux anciens abattoirs au début des années 2000. Ce terrain était immense, c’était la découverte, l’apprentissage de la bombe : une chance de commencer dans ces conditions. À cette époque, le dispositif Graff, qui s’appelle aujourd’hui Réseau Urbain d’Expression (RUE), n’était pas encore en place. À l’heure actuelle, il y a beaucoup de murs autorisés qui permettent aux jeunes de tenter des choses. Donc oui, Rennes se soucie de proposer des espaces d’expressions aux artistes. Inspirant et motivant aussi parce qu’il y a de belles manifestations liées aux arts urbains. Je pense au festival Teenage Kicks, mais aussi le temps fort Urbaines à l’Antipode. Il y a des artistes « fou fou » qui aménagent des galeries dans leurs caves tout en faisant du skateboard, de la sérigraphie et du synthétiseur (au 126). Il y a aussi le festival Maintenant qui donne à voir des choses peu communes : le dingo « Ali » a quand même « mandalisé » le toit de la CAF qui fait 1200 m2…

Unidivers : Continuez-vous à travailler dans la rue ?

Mioshe : Oui, enfin principalement de manière officielle. Pour des commandes, des demandes.

Unidivers : Comme Boulevard de Voltaire à Cleunay ?

mioshe_antoine-martinet-4Mioshe : Ce n’est pas une commande, mais un projet qu’on a monté avec Benoît Leray, un illustrateur qui est parti en Belgique. Il a fait LISAA et on est dans le même délire graphique. On s’est dit qu’on allait démarcher avec l’Antipode pour faire ce grand mur. Il y avait un War dessus, avant. L’idée n’était pas de recouvrir War, mais il était noyé dans un amas de tags et graff. C’était un poisson, d’ailleurs. En fait, on s’est rendu compte qu’il y avait peu d’occasions à Rennes de faire des grands murs. On s’est dit qu’on allait juste demander un peu d’aide à l’Antipode et présenter une fresque pour le temps fort Urbaines initié en 2010 par la MJC Antipode. Le but était de trouver un moyen de payer les peintures et de déployer une nacelle, outil indispensable pour attaquer des surfaces monumentales. Ce n’était pas une commande. On n’a pas été payé pour ça.

Unidivers : Avez-vous démarché pour obtenir un support légal ?

Mioshe : Oui et non. Les flics ne viendront pas t’emmerder, le mur fait partie du RUE, du Réseau Urbain d’Expression. C’est une organisation liée au CRIJ, un principe qui fait que tu peux peindre certains murs autorisés par la ville. Tu peux t’inscrire et consulter les murs qui sont légaux. Il y a d’ailleurs depuis peu une cartographie sur le site du RUE qui recense quelques espaces accessibles aux artistes.

Mioshe Antoine MartinetUnidivers : Auriez-vous pu le faire, disons, à l’arrache ?

Mioshe : Non, ce n’était pas une peinture gestuelle, mais plutôt une fresque léchée, avec des plans, des dégradés de couleur. Niveau teinte, c’est assez complexe. L’idée, c’était de réaliser quelque chose qui reste, qui fasse sens dans le quartier.

Unidivers : Et qui vous apporte une belle visibilité ?

Mioshe : 180 mètres carrés. C’est assez fat. J’ai jamais fait aussi gros.

Unidivers : Avez-vous travaillé dans d’autres endroits à Rennes ?

Mioshe : Oui, pour Teenage Kick, boulevard de Verdun. Dix mètres de haut, un gros truc. Vers la Courrouze. Pour Territoires, on avait fait les piliers du skatepark sous la Courrouze avec Benito Leray, Quentin Chambry et Josh. J’ai intégré un projet collectif, au stade de la Bellangerais. On a repeint totalement le stade. J’étais directeur artistique. On a bossé à la manière des céramistes grecs en mode figures noires, figures rouges, sur cette thématique mythique et universelle des Jeux olympiques.

Unidivers : Pratiquez-vous le graff depuis longtemps ?

Mioshe : J’ai commencé avec le tag à la bombe dans les années 2000. Je me suis vite éloigné de l’outil aérosol, et je ne me considère plus comme un graffiti artiste. Disons que ma pratique a évolué très vite vers autre chose. Je suis rentré aux Beaux-Arts en 2003.

Mioshe Antoine MartinetUnidivers : Pourquoi Mioshe ?

Mioshe : J’étais le plus jeune du crew de graffiti à Nantes. J’étais le dernier, le petit mioche.

Unidivers : La couleur est-elle importante dans votre travail ?

Mioshe : Il y a toujours des combinaisons à trouver, des gammes à développer. Un peu comme en musique. Tu décides d’avoir des contraintes de compositions, de faire des choix formels et chromatiques. Je fabrique mes couleurs moi-même. Je fais des mélanges.

Unidivers : Vous dessinez sur divers supports. Est-ce pour vous le même travail ? Voyez-vous une continuité et une cohérence entre, par exemple, l’une de vos toiles et une fresque murale ?

Mioshe : La diversité des supports ne fait qu’enrichir ma pratique : réaliser une illustration sur palette graphique, peindre sur une cruche en grès comme on le faisait il y a 1500 ans, dessiner avec des feutres sur du verre ou recouvrir de peinture un mur de 10 mètres de haut, toutes les déclinaisons sont envisageables et potentiellement intéressantes.

Unidivers : Précisément, comment définiriez-vous votre production ?
strong>Mioshe : Je suis à la fois dessinateur, illustrateur et peintre. Ce qui m’intéresse c’est juste de filtrer le monde qui m’entoure à travers le dessin, outil qui constitue la première prise de distance avec le réel. Traduire graphiquement des choses qui me touchent, mais aussi inventer mon propre univers : par exemple en ce moment, je suis obsédé par l’invention de paysages, je m’inspire de volumes insolites comme des châteaux d’eau que je compose avec des escaliers qui mènent à des rochers multicolores ou des piscines géantes en cascades.

Unidivers : Est-ce que vous avez le souci de vous situer par rapport à l’art contemporain ? De produire un discours à propos de vos œuvres ?

Mioshe Antoine MartinetMioshe : À mon sens il est nécessaire de connaître les différentes productions de son époque (artistiques, mais pas uniquement) et ce dans un maximum de domaine. Pour se situer, mais surtout pour sentir comment les autres humains voient le monde à travers le prisme créatif. À partir du moment où tu fais du dessin et de la peinture « figurative », mais pas uniquement, tu produis forcément du sens dans la mesure où les formes que tu donnes à voir sont identifiables et racontent des histoires.

Site de Mioshe

 

 

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