Cette année encore pour la 40e édition, le festival Les Envolées met les pratiques artistiques amateurs à l’honneur. Du 14 mai au 15 juin 2022, à la Paillette de Rennes, arts plastiques, danse mais aussi théâtre et musique seront au rendez-vous au cours de quatre week-ends riches en événements.
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Dans le cadre du festival Les Envolées, la Compagnie Zamak et Delphine Battour proposent avec leur groupe d’adultes initié.e.s une reprise de la pièce de Catherine Anne J’ai Rêvé la Révolution samedi 11 juin 2022. Le collectif, actif depuis une dizaine d’années maintenant, travaille sur la retranscription du quotidien et des sentiments universels, poussés au paroxysme. Du fait de cette approche quasi cinématographique du plateau, Zamak peut traiter des thèmes larges comme la mort, l’amour, la violence ou le sexe.

Installée à Rennes depuis 2009, Delphine Battour s’est rapidement tournée vers le texte contemporain et la direction d’acteurs. En 2015, elle met en scène Shopping and Fucking de Mark Ravenhill puis cinq ans plus tard, Fracassés de Kae Tempest. Ces choix de mise en scène traduisent tout l’intérêt que porte la metteuse en scène pour le courant britannique « In yer face » influencé par le surréalisme, le théâtre de l’absurde et le théâtre de la cruauté d’Artaud. Ce style, volontairement ostentatoire, privilégie le langage scénique et a pour objectif de choquer le public par un contenu verbal et un appareil scénique marqués par la violence et la vulgarité. L’espace personnel du spectateur est intentionnellement menacé et son intimité forcée tandis qu’un lien se forge entre le spectateur et l’acteur.

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Delphine Battour, ici à droite accompagnée de Laure Catherin et Raphaël Mars

Les Envolées ont été l’occasion pour Delphine Battour de sortir de ses projets habituels (notamment HOWL 2122 en collaboration avec la Dude Company). Depuis quelques mois, entre les murs de La Paillette, elle anime pour la première fois des ateliers où des acteurs amateurs, mais initiés, de 20 à 50 ans se donnent la réplique. Cette petite troupe de 10 participants ne se connaissaient pas il y a quelques mois et le défi était de taille : construire un véritable groupe. Objectif d’autant plus difficile du fait de la pandémie qui a parasité le secteur de l’art vivant ces deux dernières années.

J’ai rêvé la Révolution est une des œuvres majeures de Catherine Anne, actrice, metteuse en scène et dramaturge française. Le 6 août 1793, Olympe de Gouges est emprisonnée suite à des écrits remettant en cause le principe républicain. J’ai rêvé la Révolution raconte son parcours et ses pensées lors de ses derniers moments en prison jusqu’au jour de sa décapitation. À travers cette pièce écrite à la suite d’une documentation importante, notamment autour des études de genre et du féminisme, Catherine Anne narre le parcours de femmes à une époque où s’ouvrent des possibilités pour elles. En effet, la Révolution française crée un nouvel espace démocratique malheureusement très vite refermé par la suite. Nous avons rencontré Delphine Battour à l’occasion de la sortie de la pièce. Avec nous elle confie « il a fallu transmettre, s’emparer du texte, parler avec d’autres mots ». Pour J’ai rêvé la Révolution, il n’est plus question d' »In yer face » et la metteuse en scène revient à un style plus académique qui lui permet toutefois d’étoffer sa palette.

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Portrait d’Olympe de Gouges et sa Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne

Séduite par le travail de Catherine Anne, « le texte m’avait marqué », nous dit-elle, Delphine Battour a opté pour une mise en scène sobre et épurée pour le huis clos. Le décor, constitué de deux pièces rend le regard mobile tandis que l’ouïe est sollicitée par la musique très présente. Toute la force de la pièce se situe dans le texte qui, associé à des codes vestimentaires contemporains apporte une modernité au propos. Quatre personnages, dont les rôles sont doublés voire triplés, évoluent au cours de la pièce : Olympe de Gouges, un soldat à peine sorti de l’enfance, sa mère et une jeune femme venue de loin. Il y est question de liberté et de privation, de maternité, de mort mais aussi et surtout d’écriture. Le propos reste toujours très actuel pour la metteuse en scène : « le pouvoir ne souhaite pas être partagé, il faut le conquérir, le prendre ». Elle, qui a découvert le personnage d’Olympe de Gouges, a été surprise par le destin de cette femme qui a publié en 1791 la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne dont l’article 1er fait toujours écho : « La femme naît libre et demeure égale à l’homme« . Soutien des Amis des Noirs, favorable à des projets d’adaptation sociale pour les pauvres, Olympe de Gouges fait figure de femme moderne et engagée. Delphine Battour nous explique « Je voulais rendre hommage à ce parcours de femme militante du XVIIIe, anticonformiste et divorcée ; cette force de femme de province qui vient écrire du théâtre à Paris ». Pour la metteuse en scène, la pièce traduit une urgence à dire et invite chacun et chacune à se questionner sur notre société contemporaine : « il faut rester attentifs à nos droits. Pendant longtemps et de façon terrifiante, les échanges sont restés les mêmes qu’au XVIIIe siècle ; depuis quelques années nous vivons un tournant au sujet de l’égalité de genre ».

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J’ai rêvé la Révolution de Catherine Anne

Dans J’ai rêvé la Révolution, la question centrale est celle de s’exprimer librement ou vivre condamnées à la soumission. Dans un contexte de haine aveugle, de spirale de violence, la France connaît à la suite des épisodes révolutionnaires un retour en arrière sur les acquis. Delphine Battour fait un parallèle avec la situation actuelle, notamment aux États-Unis où la question du droit à l’avortement est de nouveau d’actualité : « les périodes de crise sont de bonnes occasions pour effectuer une prise de recul sur nos acquis, sur l’état effectif de nos droits ». La pièce est ainsi pour elle un bon moyen de réaffirmer ce qui était déjà une évidence pour Olympe de Gouges : l’égalité entre tous.

A travers cette histoire tragique mais révélatrice de la conception du monde au XVIIIe, J’ai rêvé la Révolution agit aussi comme une sorte de miroir sur notre société. Catherine Anne, comme Delphine Battour interrogent : sommes-nous parvenus à l’égalité ? Au cours de la pièce, nombre de phrases percutent à l’instar de « Nous hommes, sachant contenir les désordres des femmes. Nous qui avons le pouvoir » ou encore « La Révolution ouvre un espoir neuf. Les femmes doivent prendre leur part. Se réveiller. Parler haut et c’est par l’instruction que commence l’égalité ». Delphine Battour, elle aussi, a rêvé de la révolution et nous propose ce rêve, accompagnée de sa troupe de jeunes et moins jeunes initiés. Rendez-vous le 11 juin à 16h30, à la Paillette bien entendu.

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Affiche de l’édition 2022 du festival Les Envolées

Tous publics, Durée : 2 heures, samedi 11 juin à 16h30 à la Paillette MJC, 6 Rue Louis Guilloux, 35000 Rennes

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