Institution culturelle rennaise incontournable, le Forum du livre a fêté le 16 avril 2015 ses 30 ans. Un temps respectable dédié à l’accompagnement des lecteurs rennais de tout âge. Par son fondateur, François-Régis Sirjacq, ainsi que toute l’équipe de la librairie qui a quitté le quai Lamartine pour le Centre commercial de La Visitation en 2014. Et en un temps éclair, la 1re librairie de la Métropole rennaise (et la 18e plus importante de France*) a su habiter ce nouveau lieu. Résultat : on y croise aussi bien des retraités que de jeunes parents avec leurs enfants, des étudiantes que des enseignants et même d’anciens libraires tels que Jacques Le Failler ou Christian Debroize. Tous ont en commun l’amour du conseil et l’attachement à un réseau de librairies indépendantes de qualité.

Unidivers – François-Régis Sirjacq, d’où venez-vous ? Et quels sont vos souvenirs de ce lieu ? De vos coups de cœur de libraire en quelque sorte… (Rires)

François-René Sirjacq
François-René Sirjacq

François-Régis Sirjacq : Je viens de la rue Lesage… Une petite rue à Rennes près de la place Hoche. Mes souvenirs les plus intenses ? Il y en a plusieurs. Notamment l’ancien stade rennais où nous nous rendions en famille le dimanche après-midi. Nous déposions ma mère chez sa sœur à Cleunay avant de filer au stade. Au 3rang, il y avait le Professeur Morice qui nous faisait rire, car il passait son temps à dire « Allez Rennes ! » d’une voix inimitable. [NDLR : Emile Morice fut un illustre résistant et enseignant d’allemand qui contribua d’une manière décisive à la naissance du Centre d’échange franco-allemand de Rennes en 1975]. En matière de coups de cœur, le parc du Thabor demeure l’un des mes lieux préférés ; même s’il y a trente ans, on y croisait des singes, des biches, des grottes aujourd’hui fermées… Puis, j’aime remonter les chemins attenants à la Roseraie jusqu’à apercevoir le bâtiment extraordinaire du lycée Saint-Vincent qui se dresse comme un campanile florentin ; cela me rappelle les 15 ans de ma vie que j’y ai passés heureux. Et pour finir, je pense que je ne pourrais pas vivre plus de six mois sans voir… la côte d’Emeraude ! Saint-Malo et Saint-Briac en particulier.

Par quel hasard la vie vous a-t-elle mené à ce beau métier de libraire ?

café littéraire rennes
Le Café littéraire du Forum du livre a ouvert en septembre 2015. Il accueille chaque jour des lecteurs et lectrices d’un instant, d’une heure, voire plus, notamment durant les signatures par des écrivains invités.

L’influence la plus déterminante fut celle de mon père. Bien qu’il fut ingénieur et entrepreneur, il ne rêvait que d’une chose : lire. Acheter des livres et les dévorer – surtout des ouvrages historiques – constituait le pivot central de notre vie de famille. Nous passions des soirées entières à lire et à
écouter de la musique. Ma sœur est d’ailleurs devenue une excellente musicienne et mon frère un dramaturge qui compte déjà une bonne dizaine de pièces de théâtre à son actif, notamment l’Argent du beurre qui a connu un succès certain [NDLR : cette comédie de Louis-Charles Sirjacq, nommé aux Molières comme meilleur auteur 1996, évoque l’histoire collaborationniste d’une famille industrielle du Grand Ouest]. Ensuite, j’ai connu une jeunesse universitaire des plus… joyeuses…[Rires]… Puis, c’est le libraire Louis Cheminant qui m’a définitivement communiqué son enthousiasme pour le métier. C’est simple, être libraire consiste avant tout en deux choses : un plaisir de vivre dans et à travers la lecture et le partage des idées ; un amour de la transmission aux autres à travers le conseil et la proposition. Certes, le métier attire moins aujourd’hui, car les conditions économiques sont difficiles, mais, croyez-moi, c’est un lieu essentiel d’échange humain, social, intellectuel et esthétique. Si c’était à refaire, je le referais immédiatement.

Sur ce chemin, un livre vous a-t-il particulièrement marqué ?

voyage-au-bout-de-la-nuit_celinemodiano-place-etoileDeux. La lecture de Voyage au bout de la nuit de Céline. Un cataclysme. Un autre monde, une autre langue, un autre roman faisaient irruption en moi. Et Place de l’Etoile de Modiano. Là encore, un choc esthétique et intellectuel. J’ai toujours suivi Modiano que j’ai rencontré par la suite.

Pour en revenir à la librairie, pourquoi avoir déménagé des quais au Centre commercial de la Visitation ?

commercial la visitation rennes

Quand j’ai acheté le fonds de commerce quai Lamartine, le droit au bail n’était pas libre. Ce qui signifiait qu’en cas de vente, la librairie se retrouvait virable en deux temps trois mouvements. En avril 1985, on ouvrait la librairie sur un seul étage. En septembre 1985, un deuxième étage était investi. En septembre 1990, un troisième étage destiné à la papeterie était inauguré. Mais, dès que j’ai appris que Zara avait l’intention d’acheter l’immeuble, j’ai préféré prendre les devants. Or, j’avais appris qu’Intersport comptait fermer à la Visitation. Alors, j’ai proposé à la direction d’y installer la librairie et la papeterie du Forum du Livre. Ce qui fut fait. Au grand contentement de mon équipe et de moi-même, car nous pensons que le quartier Saint-Anne, avec le Centre des Congrès notamment, est promis à une forte dynamique culturelle, artistique et touristique à l’avenir. Comme beaucoup, j’attends de voir comment Destination Rennes va inscrire sa gestion du nouveau Centre des Congrès dans une politique culturelle et urbaine globale. Notamment, je l’espère, en redynamisant la belle rue Le Bastard qui est devenue l’avenue des opérateurs téléphoniques… [Rires]

centre des congrès rennes Précisément, pensez-vous que Destination Rennes puisse rapidement combler l’important retard accumulé depuis plus de deux décennies ?

Je l’espère. Comme une large majorité des acteurs culturels et économiques. Destination Rennes, c’est la volonté d’ouvrir (enfin) Rennes à l’extérieur. Ce que fait Nantes avec succès depuis 25 ans. forum du livreLe Forum du Livre a le même objectif : s’ouvrir vers l’extérieur. Ouvrir son imaginaire à l’extérieur. Je dirais même, à l’image de la vie culturelle, artistique et patrimoniale d’une ville, il convient de partager la richesse intérieure avec tout autre qui s’y intéresse.
C’est pourquoi j’espère que la direction de Destination Rennes s’emploiera à mettre en réseau les partenaires culturels aussi bien publics que privés afin de construire une attractivité de notre ville qui s’avère enrichissante pour tous. Reste que les verrous dans notre bonne ville ne se déverrouillent, voire ne se dégrippent, que lentement… Mais je suis confiant après 30 ans comme libraire à Rennes !

* Sources : Livres Hebdo 15 mars 2015, chiffres de l’exercice 2014

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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