Le vendredi 13 décembre 2019, un nouvel équipement de quartier appelé Jeu de Paume sera inauguré au 12 rue Saint-Louis à Rennes. Inscrit à l’inventaire des Monuments historiques depuis 2012, cet espace rennais va accueillir une crèche, des locaux associatifs ainsi qu’une salle polyvalente. Petite frise chronologique de ce bâtiment chargé d’histoire(s).

Conçu par l’agence nantaise Topos Architecture, le nouvel équipement de quartier s’étendant sur 1500 m2 va investir les murs du Jeu de Paume entièrement réhabilité, ainsi que ceux d’un bâtiment neuf, accolé. Au rez-de-chaussée de ce nouvel espace, les plus de 21 000 Rennais du centre-ville trouveront un hall d’accueil, une salle multifonctions ainsi qu’une crèche de 36 places qui ouvrira ses porte le 2 janvier 2020. Des bureaux administratifs et des salles de réunion pour les associations arpenteront les couloirs des deux étages supérieurs. L’objectif de ce nouvel équipement de quartier, baptisé à la couleur de son ancienne fonction, est d’offrir aux habitants et aux associations du centre-ville un espace convivial destiné aux rassemblements citoyens.

Depuis le second semestre de 2017, la ville de Rennes, avec le soutien de la DRAC, de la Région Bretagne, de la CAF Ille-et-Vilaine et de l’INRAP, a engagé d’importants travaux d’une valeur de 8,3 millions d’euros pour que le vieux bâtiment rennais dans lequel était jadis pratiqué le sport du jeu de paume reprenne vie au cœur d’une Rennes moderne et solidaire.

1605 : Construction de la salle du Pélican
1686 : Acquisition par l’Église et transformation en chapelle
1793 : Transformation en lingerie de l’hôpital Ambroise Paré, suite à une acquisition par l’armée
1994 : Achat par la ville de Rennes et installation de bureaux
2011 : Découverte de la structure initiale du Jeu de Paume 
2012 : Salle du Jeu du Paume inscrite aux monuments historiques
2014 – 2019 : Fermeture de la salle pour réhabilitation
La salle Le Pélican de Rennes est reconnue comme la plus ancienne salle en élévation conservée en France.

Jeu de Paume

Ancêtre du tennis, le jeu de paume est un sport initialement joué à mains nues ou gantées de cuir (la balle rebondissant dans la paume de la main). L’objectif ? Marquer des points en renvoyant une balle en cuir, appelée un éteuf, au-dessus d’un filet en individuel (1 contre 1) ou en double (2 contre 2). À partir de 1505, les paumistes (ou paumiers selon les écoles) ont commencé à utiliser des raquettes pour plus de performances. L’expression « jeu de mains, jeu de vilains » est d’ailleurs issue de ce milieu : seuls les plus pauvres continuaient à pratiquer le jeu de paume à mains nues. Très prisé au XVIIe siècle, ce sport est souvent reconnu comme l’ancêtre direct du tennis, de la pelote basque ou plus généralement, de tous les sports de raquettes.

Jeu de Paume
Reconstitution de la salle du Jeu de Paume au XVIIème siècle – INRAP

Depuis plusieurs années, le bâtiment du jeu de paume de Rennes n’a plus vraiment de fonction. Un acte notarié de 1686 indique qu’à cette époque celui-ci mesurait 92 pieds sur 31 (soit environ 28 mètres sur 9) et était construit en bois, pavé de tuiles et entouré de galeries. Aux yeux des architectes, toutes les caractéristiques semblent donc réunies pour affirmer qu’il s’agissait bel et bien d’un ancien gymnase pour le jeu de paume; les galeries constituaient un espace surélevé, réservé au public et la hauteur du plafond prouve que l’espace aérien nécessaire aux déplacements de l’éteuf était respecté.

La même année, la salle dénommée à cette époque Le Pélican devient la propriété de l’évêché de Rennes et est intégrée à un ensemble à vocation religieuse, appelé : Le Grand Séminaire. À la Révolution, la chapelle devient un hôpital militaire, avant d’être vendue à la ville de Rennes pour abriter des bureaux.

Jeu de Paume
Intérieur de l’ancien bâtiment du Jeu de paume au 12, rue Saint-Louis avant les travaux de réhabilitation – ANTAK

Sur le pignon sud, une inscription tracée dans une plaque de calcaire a été insérée dans la maçonnerie : « Non est hic aliud nisi domus Dei et porta coeli. Gen. 28. 1690 » (« Ce n’est ici rien d’autre que la maison de Dieu et la porte du ciel, Génèse 28, 1690 »). La date, cohérente au vu des sources et des datations dendrochronologiques, atteste de la fin des travaux de transformation du jeu de paume en chapelle en 1690. (INRAP

Jeu de Paume
10-12 rue Saint-Louis, Rennes (Ille-et-Vilaine), 2014. © Édouard Hue – INRAP

Rennes doit la reconnaissance de la salle du Jeu de Paume en tant que telle à Élodie Baizeau, architecte du patrimoine ; la société Dendrotech, spécialisée dans la dendrochronologie (une méthode scientifique permettant d’obtenir des datations très précises de pièces de bois, ndr) a permis de dater l’édifice (1605). Après des fouilles en 2011 puis en 2014, l’histoire de cet emblématique édifice a pu être reconstituée. Son intérêt historique est indéniable puisqu’il ne reste que très peu de bâtiments de jeu de paume en France.

La situation géographique de la ville de Rennes au XVIIe siècle a constitué un emplacement privilégié pour la construction de plusieurs jeux de paume (la Poulaillerie, la Pigeon, le Cheval Noir, le Pélican …). La vie du quartier Saint-Aubin, au nord de la ville, était rythmée par les rebonds de six jeux de paume, dont la salle du Pélican, située à deux pas de l’actuelle Place Sainte-Anne qui a été l’objet de la réhabilitation  À cette époque, ce sport, particulièrement en vogue, générait d’importants rassemblements pendant lesquels toutes les classes sociales s’entremêlaient.« Cette promiscuité a d’ailleurs terni l’image du jeu, et les tripots (autre dénomination des lieux où se pratiquait le jeu de paume) ont rapidement été assimilés à des lieux de débauche. » (INRAP). À la fin du XVIIe siècle, la pratique du jeu est délaissée.

Les caractéristiques architecturales du Jeu de Paume ont permis au bâtiment d’évoluer au fil des siècles en répondant à de nouveaux besoins, sans que sa démolition ne soit pour autant envisagée. Par Arrêté du 23 juillet 2012, le Préfet de la Région Bretagne a demandé au Ministère de la Culture, l’inscription du bâtiment à l’inventaire des monuments historiques, la salle du Pélican étant à ce jour, avec celle de Chinon, l’une des mieux conservées de France. Afin de maintenir l’âme historique du lieu, les architectes du nouvel équipement de quartier ont choisi de laisser la charpente en bois apparente.

Charpente de la salle polyvalente « Le Pélican » du Jeu de Paume. Volume de la salle de 1605 conservé et à gauche, le mur gris est celui sur lequel les paumistes faisaient jadis rebondir leurs balles. Ce mur est d’origine, il a été conservé.

Depuis que les travaux d’aménagement ont débuté en 2017, l’association Les amis du patrimoine rennais a, quant à elle, tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises; elle militait pour que le Jeu de Paume rennais retrouve son volume et son aménagement général d’origine. Selon eux, la salle aurait ainsi pu constituer une exceptionnelle halle d’exposition et de rassemblements pour plusieurs centaines de personnes.

Vidéo INRAP retraçant les fouilles du jeu de paume : ici. (INRAP : Institut national de recherches archéologiques préventives)

Équipement de quartier Le Jeu de Paume

Accès : Métro Saint-Anne

12, rue Saint-Louis – Rennes

Les amis du patrimoine rennais 

INRAP

ANTAK – Architectes du patrimoine

Courte Paume Jeu de Paume
Courte paume [rue Lauriston, à Paris] : photographie de presse. BNF/Gallica

Sur le site paumedefrance.com, retrouvez les actualités et les tournois du Jeu de Paume, appelé également Courte Paume (joué à l’intérieur) et longue Paume (joué en extérieur).

Comme le tennis dont elle est à l’origine, le jeu de paume, requiert de grandes qualités sportives : force, rapidité, finesse, précision, habileté. La principale caractéristique de ce sport réside dans les règles, définies pour la première fois en 1592, qui laissent une grande part à la stratégie et à l’esprit tactique. À chaque échange, de nombreuses options de jeu sont offertes pour mettre en défaut l’adversaire.
Si la France a longtemps dominé cette discipline sportive, avec des figures légendaires comme Antoine-Henry Masson au XVIIIe siècle, Jacques-Edmond Barre au siècle suivant ou encore Pierre Etchebaster dans la première moitié du XXe siècle, les meilleurs joueurs du moment sont anglo-saxons. La Grande-Bretagne est aujourd’hui en effet le premier pays à pratiquer ce sport. Baptisé « real tennis » il est également joué aux USA et en Australie.
À la fin du XVIe siècle, Paris compte 250 salles et des villes comme Orléans, Rouen, Angers, Lyon ou Bordeaux par exemple possèdent parfois plusieurs dizaines de salles, prouvant ainsi l’engouement de la population pour le jeu de paume.
Ce sport français qui s’est propagé dans toute l’Europe de la Renaissance a donc forcément laissé dans notre pays des traces importantes tant patrimoniales, qu’historiques et culturelles. Inutile de rappeler par exemple que c’est dans la salle de Versailles que le 20 juin 1789 les députés du Tiers état firent serment de ne pas se séparer avant l’élaboration d’une Constitution pour le pays.

JEU DE PAUME RAQUETTES
Notre langage a également gardé de nombreuses expressions issues directement du jeu de paume comme, épater la galerie, rester sur le carreau (le carreau étant l’espace de jeu), tomber à pic ou encore qui va à la chasse perd sa place.
Mais la courte paume c’est aussi :

  • Le premier sport à introduire dès la Renaissance la notion de fair-play : respect de l’adversaire, maîtrise de soi, modération des propos, connaissance de ses limites. C’est l’exercice parfait pour l’équilibre du corps et de l’esprit comme l’écrivent alors les humanistes ou plus tard les philosophes des Lumières !
  • Le premier sport de raquette de l’histoire dont l’utilisation remonte au XVIe siècle
  • Le premier sport avec des professionnels, les « maîtres paumiers ». Dès le début du XVIIe siècle, attirant un public nombreux, les meilleurs d’entre eux font régulièrement des démonstrations devant la Cour et devant les ambassadeurs en visite en France qui ne manquent pas ensuite de contés leurs exploits dans toute l’Europe.
  • Le premier sport qui, dès le début du XVIIIe siècle, organise des défis internationaux réguliers lors desquels les paumiers français rencontrent leurs homologues anglais, prémices des tournois modernes.
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Julie Pialot
Julie Pialot a suivi des études de Lettres Modernes. Pendant une année d'ERASMUS à Pondichéry (Inde), elle a rédigé un mémoire sur la littérature de voyage en Orient, avant de compléter sa formation à l'école de journalisme de Marseille. Passionnée de voyages et de nouvelles découvertes, c'est en Bretagne, son choix de coeur, qu'elle a choisi de mettre en valeur les initiatives culturelles locales.

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