Serial Cultures est un festival rennais organisé par l’association étudiante Saute-Requin. La première édition, dédiée à l’univers des super héros, se tiendra du 18 février au 21 mars. Rencontre avec Quentin Fischer, secrétaire de l’association et étudiant en master d’études cinématographiques.

festival serial cultures rennes

UNIDIVERS : Le festival Serial Cultures est porté par l’association Saute-Requin, pourriez-vous présenter la genèse de ce projet associatif et ses objectifs ?

QUENTIN FISCHER : Saute-Requin est une association étudiante créée en 2016 avec pour envie d’organiser des événements autour des cultures en série. Notre intérêt de départ porte sur les séries télévisées, mais s’étend à la bande dessinée, au cinéma, au jeu vidéo et, plus globalement, à tout ce qui relève de la production sérielle dans le champ culturel. La question de la série, ce qu’on nomme sérialité, permet d’envisager celle du transmédia, la tendance des industries culturelles à décliner un produit qui fonctionne sur différents supports. En l’étudiant, on constate que certains phénomènes ne sont pas exclusifs aux séries TV et correspondent à des pratiques plus anciennes et largement ancrées dans notre culture. L’objectif de l’association est d’étudier et de valoriser ces formes issues des cultures populaires et de créer du lien social autour.

saute requin serial cultures

UNIDIVERS : Pourquoi ce nom ?

QUENTIN FISCHER : Cela vient de l’expression anglaise, « jump the shark », littéralement « sauter le requin ». Chez les sériephiles, elle renvoie à Happy Days, une série TV américaine des années 1970, connue pour le personnage de Fonzie. Dans un épisode, le fameux Fonzie saute par-dessus un requin en ski nautique. L’expression est restée pour désigner le moment où une série va trop loin sur le plan scénaristique, au point d’en perdre sa crédibilité.

UNIDIVERS : Quelles activités proposez-vous ?

QUENTIN FISCHER : Différents événements culturels, du ciné-concert, des projections, des conférences de chercheurs. Par exemple, cela fait trois ans que nous organisons une table ronde au festival du film britannique de Dinard. On met en place des moments de discussion sur les séries TV, à la médiathèque de l’Université Rennes 2 d’abord, puis dans des bars et au Triangle. Tous nos précédents événements sont consultables sur notre site.

UNIDIVERS : Votre association est domiciliée à l’Université Rennes 2, quel lien vos activités ont-elles avec le monde universitaire ?

QUENTIN FISCHER : L’association a été lancée par des universitaires, essentiellement des professeurs en études cinématographiques, avec l’aide du Service culturel, mais nous souhaitions que les étudiants s’y impliquent. L’expérience associative responsabilise les étudiants, leur fait acquérir des compétences, c’est un moyen d’apprendre qui peut être valorisé dans le cursus universitaire (Valorisation des Engagements Étudiants).

De plus, une part de notre activité ressort du domaine de la recherche. En plus de certaines conférences données par des enseignants-chercheurs, nous avons rédigé un article en cours de publication pour la revue spécialisée TV/Series. Nous oscillons entre la dimension mainstream des séries et l’approche universitaire, qui prend du recul pour envisager les phénomènes de manière plus large. Ce sont des objets qui intéressent de plus en plus les chercheurs. Il y a notamment le GUEST Normandie qui centralise les travaux actuels sur les séries télévisées, et qui regroupe des chercheurs en cinéma, littérature comparée, études anglophones, ou même en philosophie et sociologie. En arts plastiques, il y a aussi beaucoup de travaux sur la bande dessinée. Ce sont des objets qui marquent tellement le paysage culturel qu’ils ont tendance à brasser un public universitaire très large et transdisciplinaire, d’où l’intérêt de travailler sur ces objets.

GUEST Normandie

UNIDIVERS : Vous lancez ce mois-ci le festival Serial Cultures, qui aura lieu du 18 février au 21 mars. Cette première édition se consacre au super héros, en quoi ce choix correspond-il aux intérêts de votre association ?

QUENTIN FISCHER : Le super héros est une figure très en vogue actuellement. Mais nous voulions le prendre sous un angle nouveau, le super héros français. Il y a dans cette précision des raisons pratiques : pour obtenir les droits d’exposition, c’était plus facile de s’adresser à des artistes français. Cela nous permet aussi de valoriser des productions françaises, moins connues que les productions américaines, mais qui sont pourtant nombreuses et loin d’être standardisées. Et puis le super héros est présent dans une variété de modes d’expression, dans la BD, au cinéma, en littérature, dans le jeu vidéo, les séries télévisées. Il est transmédiatique.

UNIDIVERS : Cette figure du super héros à la française n’est-elle pas une confirmation de l’américanisation de la culture ?

QUENTIN FISCHER : En un sens, oui. Les productions qui rapportent le plus sont les plus standardisées. Mais la figure attire bon nombre d’auteurs très éclectiques qui s’emparent de cette figure à leur façon. Dans l’exposition, on pourra voir comment certains auteurs français travaillent la figure par le décalage. L’exemple de la BD Imbattable de Pascal Jousselin, auteur rennais également, est intéressant : son héros a le pouvoir de passer d’une case à l’autre, et le méchant, celui de passer d’une page à l’autre. Il y a donc là un véritable travail sur les codes de la BD franco-belge. La figure super-héroïque permet de réfléchir à des éléments de la culture européenne.

UNIDIVERS : Comment le programme du festival s’est-il construit ?

QUENTIN FISCHER : L’objectif était d’explorer les déclinaisons du super héros dans différents champs d’expression. Par rapport à nos précédents événements, nous avons volontairement laissé de côté les séries télévisées pour nous concentrer principalement sur la bande dessinée. Mais nous cherchions tout de même à réunir des personnes de différents milieux pour parler d’un même objet, afin de croiser les points de vue. D’où les projections de films et de courts-métrages, la présence d’artistes, de réalisateurs, d’universitaires ou encore d’un journaliste spécialisé comme Xavier Fournier.

UNIDIVERS : L’un des invités du festival, Laurent Lefeuvre, sera particulièrement mis en avant, pouvez-vous présenter cet artiste et sa participation au festival ?

QUENTIN FISCHER : C’est un dessinateur rennais de bande dessinée qui travaille sur le super héros. Il est l’auteur des aventures de Fox Boy, publiées d’abord sous la forme d’un comics, dans un périodique breton, puis en albums chez Delcourt et le dernier chez Komics Initiative. Sa pratique recoupe la tradition du comics américain : non seulement il travaille à la commande pour des publications périodiques, mais il joue aussi beaucoup sur le clin d’œil et l’idée de multivers, les univers connectés.

Il a été un élément moteur dans l’organisation du festival. Il a conçu le visuel du festival et il nous confie des planches originales pour l’exposition à la Bibliothèque universitaire. Il donnera également une conférence dessinée pendant laquelle il parlera de son processus, en interaction avec le public, en même temps qu’il dessinera pour illustrer son propos. Le dessin en cours de réalisation sera projeté simultanément sur grand écran. C’est quelqu’un de très polyvalent et qui a la parole facile sur son travail. Par ailleurs, Fox Boy va être adapté en court-métrage et il en sera question lors de la table ronde du samedi 2 mars.

Laurent Lefeuvre
Laurent Lefeuvre

(On vous parlait de Laurent Lefeuvre sur Unidivers.fr à la sortie du premier tome de Fox Boy en 2012, retrouvez l’article en cliquant ici)

UNIDIVERS : Pouvez-vous nous en dire plus sur le déroulé du festival ?

QUENTIN FISCHER : Le festival débute par le lancement de l’exposition de planches de bandes dessinées à la bibliothèque universitaire de Rennes 2 le 18 février. Le vendredi 1er mars, deux événements sont proposés à l’Université Rennes 2, la conférence dessinée de Laurent Lefeuvre, et une conférence sur l’histoire du super héros français depuis le XIXe siècle donnée par Xavier Fournier. Les deux conférences seront suivies d’une séance de dédicace en partenariat avec la librairie Critic.

Le 2 mars, nous nous relocalisons à la Maison des associations. Deux jeunes doctorants mèneront une réflexion sur les enjeux politiques et esthétiques des super héros français. Même s’il s’agit d’une approche universitaire, nous souhaitions sortir de l’université et nous adresser à un grand public. Nous avons donc demandé aux intervenants de vulgariser leur propos afin d’être accessible au plus grand nombre et que le public puisse comprendre l’intérêt de travaux universitaires sur ces objets. Il y aura ensuite des projections de court-métrage et une table ronde sur le super héros français. Il y a en France beaucoup de court-métrage sur la figure du super héros. Des fans s’emparent de ces figures dans une démarche bien souvent expérimentale, alors que les super héros américains sont plus souvent issus des industries culturelles, de grosses franchises comme DC Comics ou Marvel. La table ronde sera l’occasion de discuter de ces différences de traitement.

Le mardi 5 mars, nous proposerons une projection du film 20 000 lieues sous les mers de Richard Fleischer (1954) au cinéma l’Arvor. C’est un film américain, mais qui reprend le roman de Jules Verne, dont la première publication date d’il y a tout juste 150 ans. Nous avons cherché dans la tradition française une figure proche du super héros, celle du justicier masqué, qu’incarne le capitaine Nemo. Par rapport à l’américanisation de la culture qu’on a évoquée, c’est un moyen de souligner que le super héros est d’abord une américanisation de la figure européenne du héros et donc de mettre en lumière que les échanges se font dans les deux sens.

https://www.youtube.com/watch?v=PFmN_g-uBGA

Il y aura aussi des événements plus festifs. Le 2 mars, le Since 42 nous accueille pour une soirée déguisée, l’occasion pour les participants du festival de se retrouver dans une atmosphère conviviale. Enfin le dernier événement, le 7 mars au Quai 13, sera un cabaret d’improvisation organisé par l’association les Freepoules sur le thème du super héros : un spectacle interactif entre dessins et improvisation.

UNIDIVERS : C’est la première édition du festival Serial Cultures, quelles sont vos aspirations pour la suite ?

QUENTIN FISCHER : Nous voudrions pouvoir continuer et organiser de futures éditions. Nous avons déjà quelques pistes de réflexion, mais cela dépendra surtout de la disponibilité de nos bénévoles et de l’arrivée de nouveaux membres, toujours bienvenue, dans l’association. On a toujours besoin de forces vives et de nouvelles idées. Il nous faudra trouver des thèmes permettant de réunir nos intérêts pour les différents champs d’expression et la notion de série.

affiche serial cultures saute-requin
© Laurent Lefeuvre / Sophie Barel

L’ensemble du programme est à consulter ICI.

Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

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