Le conseil de Rennes Métropole de jeudi dernier a rappelé que la politique du rouleau compresseur risque de conduire non seulement au déclin de la visibilité de notre ville dans l’espace régional et national, mais à des choix hasardeux qui en précipitent la faillite. Après un refus de longue date de voir un centre des congrès s’installer dans Rennes puis le choix précipité et sans concertation du Couvent des Jacobins, voilà que le budget consacré au projet dérape. Retour sur une erreur où s’enferrent certains élus tandis que d’autres, y compris de la majorité, n’hésitent plus à confier leur malaise.

 

En 2009, le projet de transformer le couvent des Jacobins en Centre des congrès a été soumis au vote du conseil d’agglomération de Rennes Métropole. Il a été présenté lors d’un conseil de quartier Centre où il a fait l’objet d’un vif débat. Une situation traduite par le site de la ville de Rennes avec l’objectivité qu’on lui connait : « les débats ont révélé une adhésion plutôt bienveillante des habitants, même si quelques doutes persistent. »

En réalité, les oppositions sont fortes depuis le début du projet, aussi bien dans l’opposition que chez les Verts,  la gauche, voire quelques élus PS. D’emblée, la situation enclavée, la petite jauge et la destination festive du lieu constituent pour certains des obstacles rédhibitoires. Quant à certains organisateurs de congrès, ils envisagent avec perplexité les futurs congressistes en train de se faire taper un euro par quelques jeunes travellers aux cheveux négligés tenant dans une main une ale mousseuse et dans l’autre un chien adepte des vocalises…

D’autres possibilités existent pourtant. Si pour la municipalité de Rennes, connu pour être adepte d’un pouvoir fort et centralisé, le choix des Jacobins allait de soi, avant l’existence d’Unidivers comme depuis, nous étions plusieurs à demander aux élus rennais de bien vouloir considérer un choix plus girondin : le Palais Saint-Georges. À deux pas de la gare, du centre, des quais où peuvent circuler les cars des congressistes, du parking Kléber pour le stationnement de leurs automobiles, le Palais Saint-Georges, avec sa cour et son jardin magnifiques, présente tous les atouts pour devenir un lieu de congrès, de réception et d’hébergement parmi les plus prisés de France. Cette suggestion est restée lettre morte. [addendum : ce souhait de nombreux Rennais, toutes sensibilités politiques confondues, a bien fait l’objet d’un projet, lequel a cependant été expédié et enterré.]

palais saint-georges, hôtel quatre étoiles, rennes, abbaye des bénédictins,« Avez-vous envisagé d’autres lieux ? »
« Nous nous sommes aperçus qu’il n’y avait pas d’autres possibilités. Dans un marché très concurrentiel (il existe une centaine de centres des congrès en France, qui fonctionnent très différemment), il fallait une offre spécifique, qui mette en valeur le patrimoine rennais. Toutes les études allaient dans ce sens et les meilleurs connaisseurs des centres des congrès étaient tous d’accord sur ce point. » (même source)

Rennes revisite ainsi la notion de concertation en matière d’urbanisme : échanger avec les autres tout en restant sourd à leurs points de vue ! Quand bien même le choix municipal ne fait à l’évidence que contribuer un peu plus à déclasser Rennes. Bien sûr, certains diront que ce comportement autoritaire est « moins pire » que ce qui a cours à la Culture où les services techniques suppléent l’absence de volonté des élus concernés. Bref, cette idée du Palais Saint Georges n’est peut-être pas la meilleure (les pistes sont nombreuses : site de la SNCF, secteur de la prison des femmes, etc.), mais avant de vivre en bonne intelligence, il faudrait déjà vivre en intelligence.

En juin 2010, un jury sélectionne l’architecte Jean Guervilly qui présente un beau projet. Deux ans après, autrement dit jeudi dernier, l’avant-projet définitif a été présenté aux élus. Aïe : l’enveloppe, qui comprend les études préalables, la provision pour fouilles archéologiques, les frais de concours, travaux, études et équipements, s’alourdit de 15 millions d’euros ! En 4 ans, le budget est passé de 50 à 106 millions d’euros HT… Une multiplication qui n’a pas l’air de gêner Daniel Delaveau et son équipe. Et pourtant…

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Dans un communiqué en date de vendredi, les membres d’Alliance citoyenne ont rappelé à leur tour « que ce bâtiment, l’un des fleurons du patrimoine ducal de notre ville, n’est pas un lieu adapté pour accueillir un centre des congrès ». Rémy Lescure et Fabrice Marzin ne mâchent pas leurs mots : « Ce dossier est géré en dépit du bon sens et sans anticipation. Interrogé récemment lors d’une réunion publique, le responsable du chantier s’avérait incapable de donner des éléments précis sur les dépenses de fonctionnement, dans un contexte où le chiffre d’affaires du marché des congrès baisse depuis 2008 et est actuellement en chute libre aux États-Unis. »

Mais la bronca n’agite pas que l’opposition, toutes sensibilités confondues y compris la sensibilité écologiste. L’un des élus de la majorité n’a pas hésité à nous confier que « la probabilité que la construction d’un centre de congrès dans un tel lieu, avec une telle jauge et à un tel prix débouche sur un cuisant échec financier et politique se trouve renforcée. »

Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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